OEUVRE PONTIFICALE POUR LES VOCATIONS ECCLÉSIASTIQUES
DE NOUVELLES VOCATIONS POUR UNE NOUVELLE
EUROPE
(In verbo tuo...)
Document final du Congrès européen sur les vocations au sacerdoce
et à la vie consacrée en Europe
Rome, 5-10 mai 1997
*
Document émanant des Congrégations: pour l'Éducation
Catholique, pour les Églises Orientales, pour les
Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique
INTRODUCTION
Nous rendons grâces à Dieu
1. Béni soit le Dieu Tout-Puissant qui a béni la terre d'Europe par toutes
sortes de bénédictions spirituelles, dans le Christ et dans l'Esprit Saint (cf.
Ep 1, 3). Nous lui rendons grâces pour avoir appelé ce continent, dès
le début de l'ère chrétienne, à être le centre de rayonnement de la bonne
nouvelle de la foi et à manifester au monde sa paternité universelle. Nous lui
rendons grâces parce qu'il a béni ce sol par le sang des martyrs et par le don
d'innombrables vocations au sacerdoce, au diaconat, à la vie consacrée sous ses
diverses formes, de la vie monastique aux instituts séculiers. Nous lui rendons
grâces parce que son Saint Esprit ne cesse, aujourd'hui encore, d'appeler les
fils de cette Eglise pour annoncer le message du salut aux quatre coins de la
terre, et d'autres à témoigner la vérité de l'Evangile qui sauve, dans leur vie
conjugale et professionnelle, dans la culture et dans la politique, dans l'art
et dans le sport, dans les rapports humains et de travail, chacun selon le don
et la mission reçus. Nous lui rendons grâces parce qu'il est la voix qui appelle
et qui donne le courage de répondre; il est le pasteur qui guide et qui soutient
la fidélité de chaque jour; il est le chemin, la vérité et la vie pour tous ceux
qui sont appelés à réaliser le projet du Père. Le Congrès européen
sur les vocations 2. Réunis à Rome, du 5 au 10 mai 1997, pour le
Congrès sur les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée en Europe,(1) nous
avons remis entre les mains du Maître de la moisson les travaux de ce même
Congrès, mais surtout l'inquiétude de l'Eglise qui est en Europe en cette époque
à la fois difficile et formidable, ainsi que la gratitude envers Dieu qui est la
source de toute consolation et l'auteur de l'amour de l'Eternel. De fait,
ce Congrès a été un événement de grâce : le partage fraternel,
l'approfondissement doctrinal, la rencontre des différents charismes, l'échange
des diverses expériences et efforts qui s'accomplissent dans les Eglises de
l'Est et de l'Ouest ont enrichi tous et chacun. Ils ont confirmé chez chaque
participant la volonté de continuer à travailler avec passion dans le domaine
des vocations, malgré les faibles résultats obtenus dans certaines Eglises du
vieux continent. La force de l'espérance 3. Du
Document de travail du Congrès aux Propositions finales en passant
par le Discours du Saint-Père aux participants et par le Message pour
les communautés ecclésiales, des interventions en salle aux discussions en
groupes d'étude en passant par les échanges informels et par les témoignages, un
fil conducteur a relié entre eux tous les actes et tous les instants de ce
congrès: l'espérance. Une espérance plus forte que toute crainte et que
tout doute, cette espérance qui a soutenu la foi de nos frères des Eglises de
l'Est lorsqu'il était difficile et risqué de croire et d'espérer, et qui est
désormais récompensée par une nouvelle floraison de vocations, comme elles ont
pu en témoigner au Congrès. Nous savons profondément gré à ces frères,
comme à tous les croyants qui continuent à témoigner que « l'espérance est le
secret de la vie chrétienne et le souffle absolument nécessaire sur le front de
la mission de l'Eglise et, en particulier, de la pastorale des vocations (...).
Il faut donc la régénérer chez les prêtres, les éducateurs, les familles
chrétiennes, les familles religieuses, dans les instituts séculiers; en somme
chez tous ceux qui doivent servir la vie aux côtés des nouvelles générations
».(2) C'est à vous que nous écrivons, enfants, adolescents et
jeunes... 4. Fort de cette espérance, nous nous adressons à vous,
enfants, adolescents et jeunes, avant tout parce que dans le choix de votre
avenir vous accueillez le projet que Dieu a sur vous: vous ne serez heureux et
pleinement réalisés que si vous vous disposez à réaliser le rêve du Créateur sur
la créature. Comme nous aimerions que ce document soit une lettre adressée à
chacun de vous, où vous puissiez sentir, avec l'aide de vos éducateurs,
l'attention aimante de votre Mère l'Eglise pour chacun de ses enfants, cette
attention toute particulière qu'une mère manifeste pour les plus jeunes de ses
enfants. Une lettre dans laquelle vous puissiez reconnaître vos problèmes, les
questions qui habitent votre jeune coeur et les réponses qui viennent de Celui
qui est l'ami éternellement jeune de vos âmes, le seul qui puisse vous apporter
la vérité! Sachez-le, chers jeunes, l'Eglise suit anxieusement vos pas et vos
choix. Comme ce serait beau si cette lettre suscitait en vous une réponse, pour
un dialogue à poursuivre avec ceux qui vous guident... ... à vous,
parents et éducateurs... 5. Riches de la même espérance, nous
nous adressons à vous parents, appelés par Dieu à collaborer à sa volonté
de donner la vie, et à vous éducateurs, enseignants, catéchistes et
animateurs, appelés par Dieu à collaborer de différentes manières à son dessein
de former à la vie. Nous voudrions vous dire combien l'Eglise apprécie votre
vocation et combien elle compte sur elle pour encourager la vocation de vos
enfants et une véritable culture des vocations. Vous, les parents, vous
êtes aussi les premiers éducateurs naturels en matière de vocation, tandis que
vous, les formateurs, vous n'êtes pas seulement des instructeurs qui
introduisent aux choix existentiels : vous êtes appelés à engendrer la vie chez
les jeunes existences que vous ouvrez à l'avenir. Votre fidélité à l'appel de
Dieu est une médiation précieuse et irremplaçable pour que vos enfants et vos
élèves puissent découvrir leur vocation personnelle, afin qu'« ils aient la vie
et qu'ils l'aient en abondance » (Jn 10, 10). ... à vous,
pasteurs et prêtres, personnes consacrées... 6. Le coeur toujours
rempli d'espérance, nous nous adressons à vous, prêtres, et à vous, personnes
consacrées dans la vie religieuse et dans les instituts séculiers. Vous avez
entendu un appel particulier à suivre le Seigneur dans une vie entièrement
consacrée à lui; vous êtes aussi spécialement appelés, tous sans exception, à
témoigner de la beauté de suivre le Christ. Nous savons combien cette
annonce est difficile et combien il est facile de succomber à la tentation du
découragement quand la peine semble inutile. « La pastorale des vocations
représente le ministère le plus difficile et le plus délicat ».(3) Mais nous
voudrions aussi vous rappeler qu'il n'y a rien de plus exaltant qu'un témoignage
si passionné de sa propre vocation qu'il sache la rendre contagieuse. Rien n'est
plus logique et cohérent qu'une vocation qui engendre d'autres vocations et qui
rende à plein titre « pères » et « mères ». Nous voudrions surtout par ce
document nous adresser non seulement à ceux qui exercent une charge explicite
dans le domaine des vocations, mais aussi à ceux d'entre vous qui n'y sont pas
impliqués directement, ou qui estiment n'avoir aucune obligation particulière en
ce sens. Nous voudrions rappeler à ceux-là que seul un témoignage commun
rend efficace l'animation des vocations et que ce qu'on désigne sous le nom de
crise des vocations est avant tout lié au laisser-aller de certains témoins qui
affaiblissent le message. Dans une Eglise entièrement vocationnelle, tous
sont animateurs des vocations. Alors heureux serez-vous si vous savez dire,
par votre vie, que c'est beau et gratifiant de servir Dieu, et si vous savez
dévoiler qu'en lui, le Vivant, se cache l'identité de tout vivant (cf. Col
3, 3). ... à tout le peuple de Dieu qui est en Europe
7. Enfin, nous voudrions être des « Samaritains de l'espérance » pour ces frères
et soeurs avec lesquels nous partageons la fatigue du chemin. Nous voudrions
adresser à l'ensemble du peuple de Dieu, pèlerin sur cette terre antique et
bénie, dans les Eglises de l'Est et de l'Ouest, le même message d'espérance.
Jadis, l'annonce de la bonne nouvelle partit d'ici, grâce au courage de nombreux
évangélisateurs qui payèrent leur témoignage de leur sang. Aujourd'hui encore,
nous voulons le croire, l'Esprit du Père appelle. Il envoie de par les
routes du monde les fils de cette terre généreuse aux racines chrétiennes qui a
cependant besoin d'une nouvelle évangélisation et de nouveaux évangélisateurs.
Alors nous aussi, nous nous présentons au Seigneur, comme les Apôtres autrefois,
avec la conscience de notre pauvreté et des besoins de cette Eglise : « Maître,
nous avons peiné toute une nuit sans rien prendre » (Lc 5, 5). Mais nous
voulons surtout, « sur sa parole », croire et espérer que, comme alors, le
Seigneur peut remplir, aujourd'hui encore, grâce à une pêche miraculeuse, les
barques de ses apôtres, et transformer tout croyant en pêcheur d'hommes.
Du Congrès à la vie 8. Dès lors, le but de ce document est de
partager avec vous tous cet événement de grâce que fut le Congrès. Sans
prétendre en faire une synthèse détaillée, ni présumer exposer un traité
systématique sur la vocation, nous voudrions fraternellement mettre à la
disposition de toute l'Eglise qui est en Europe et hors d'Europe, sous ses
diverses dénominations chrétiennes, les fruits les plus significatifs de ce
Congrès. Le style tentera d'exprimer le plus possible la volonté de nous
faire comprendre de tous, car tous, indistinctement, sont appelés à réaliser
leur vocation et à promouvoir celle de leur prochain. Il cherchera
surtout à conjuguer la réflexion théologique et la pratique pastorale, les
propositions théoriques et les indications pédagogiques, pour offrir une aide
concrète et pratique à tous ceux qui travaillent dans le domaine de l'animation
des vocations. Nous n'avons pas la prétention de dire tout, non seulement
pour ne pas répéter ce que d'autres documents ont déjà très bien dit à cet
égard,(4) mais pour demeurer ouverts au mystère, à ce mystère qui entoure la vie
et l'appel de chaque être humain, à ce mystère qui est également le chemin du
discernement de la vocation et qui ne s'achèvera qu'au moment de la mort. Ou
la pastorale des vocations est mystagogique, et elle part et repart donc du
Mystère (de Dieu) pour ramener au mystère (de l'homme), ou elle n'est pas.
Les différentes parties du document 9. Concrètement, ce texte
suit la logique qui a présidé aux travaux du Congrès : du concret de l'existence
à la réflexion, pour revenir au concret existentiel. C'est à l'aune de la
réalité de chaque jour que doit se mesurer la pastorale des vocations,
précisément parce qu'elle est pastorale en fonction et au service de la vie. Par
conséquent, nous partirons d'une tentative visant à relever la situation, pour
analyser ensuite le thème de la vocation du point de vue théologique et
donner un fondement, une structure de référence indispensable à toute la suite
du discours. A ce moment-là commence la partie la plus concrète: avant
tout de type pastoral ou de grandes stratégies d'intervention, puis de
type pédagogique. Elle sera utile pour définir au moins quelques pistes
d'orientations sur le plan de la méthode et de la pratique quotidienne. Or cet
aspect est sans doute celui qui fait le plus défaut et qui est le plus attendu
des agents pastoraux. PREMIÈRE PARTIE
LA SITUATION DES VOCATIONS AUJOURD'HUI EN EUROPE:
« La moisson est abondante mais les ouvriers
sont peu nombreux » (Mt 9, 37)
Cette
première partie constitue un regard sapientiel sur l'Europe, en étant conscient
de sa complexité culturelle où semble prédominer un modèle anthropologique d'«
homme sans vocation ». La nouvelle évangélisation doit réaffirmer le sens fort
de la vie comme « vocation », avec son appel fondamental à la sainteté, en
recréant une culture favorable aux différentes vocations et capable de provoquer
un véritable sursaut de qualité dans la pastorale des vocations.
« Nouvelles vocations pour une nouvelle Europe » 10. Le thème du
Congrès (« Nouvelles vocations pour une nouvelle Europe ») va droit au coeur du
problème : aujourd'hui, dans une Europe nouvelle par rapport au passé, il y a
besoin de vocations toutes aussi « neuves ». Il est nécessaire de justifier
cette affirmation pour comprendre le sens de cette nouveauté et saisir son
rapport avec la pastorale « traditionnelle » des vocations au sacerdoce et à la
vie consacrée. Dès lors, nous ne nous contenterons pas de photographier la
situation et d'énumérer des données, mais nous tenterons de comprendre dans
quelle direction doivent aller la nouveauté et le besoin de vocations qui en
découle. En même temps, nous lirons la situation à laquelle nous avons à
faire face actuellement, à partir de l'expression de Jésus face à la mission qui
l'attendait : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux »
(Mt 9, 37). Ces paroles continuent d'être vraies et constituent une
précieuse clef de lecture de l'actualité. D'une certaine manière, nous
retrouvons en elles la juste mesure de notre action et la juste proportion (ou
disproportion) entre une moisson qui semble être en excédent et nos pauvres
forces. En nous gardant bien de toute interprétation pessimiste du présent et de
toute prétention d'autosuffisance pour demain. Une nouvelle Europe
11. Le Document de travail avait déjà fourni un cadre de la situation
européenne concernant la problématique des vocations, fortement marqué par des
éléments de nouveauté. Nous les résumons ici à grands traits, selon l'analyse
qu'en a fait le Congrès, en cherchant à saisir les plus significatifs qui sont
destinés à conditionner à long terme la mentalité et la sensibilité des jeunes
et donc également les pratiques pastorales et les stratégies en matière de
vocations. a) Une Europe diversifiée et complexe Avant
tout, une donnée ressort avec évidence : il est pratiquement impossible de
définir la situation européenne d'une manière statique et univoque sur le plan
de la condition des jeunes et de ses inévitables conséquences sur les vocations.
Nous nous trouvons devant une Europe diversifiée, rendue telle par les
événements sociopolitiques (voir la différence entre l'Est et l'Ouest), mais
aussi par la pluralité de ses traditions et de ses cultures (gréco-latine,
anglo-saxonne et slave). En même temps, celles-ci constituent sa richesse
et rendent significatives, dans des contextes différents, ses expériences et ses
choix. Ainsi, si la manière de gérer la liberté retrouvée constitue un problème
sur le versant oriental, le versant occidental s'interroge quant à lui sur la
façon de vivre la liberté authentique. Cette hétérogénéité est également
confirmée par la courbe des vocations au sacerdoce et à la vie consacrée, non
seulement en raison de la différence très forte entre la floraison des vocations
de l'Europe de l'Est et la crise générale dont souffre l'Occident, mais parce
que, à l'intérieur même de cette crise, on relève aussi des signes de reprise
des vocations, particulièrement dans les Eglises où un travail post-conciliaire
assidu et constant a tracé un sillon profond et efficace.(5) Donc, si à
l'Est il est nécessaire d'engager une véritable pastorale organique au service
de la promotion des vocations, de l'animation à la formation des vocations
surtout, à l'Ouest une attention différente est indispensable. Nous devons nous
interroger sur la consistance théologique réelle et sur la linéarité
d'application de certains projets de vocation, sur le concept de vocation sur
lequel ils reposent et sur le type de vocations qui en découlent. Une demande
est revenue avec insistance lors du Congrès : « Pourquoi certaines théologies ou
pratiques pastorales ne 'produisent' pas de vocations, tandis que d'autres en
produisent? ».(6) Un autre aspect caractérise l'actualité
socio-culturelle européenne: l'excédent des possibilités, des occasions, des
sollicitations, face au manque de concentration, de propositions et de projets.
Nous avons affaire ici à un autre contraste qui augmente le degré de complexité
de cette période de l'histoire, avec des retombées négatives sur le plan des
vocations. Comme la Rome antique, l'Europe moderne ressemble à un panthéon,
à un grand « temple » où toutes les « divinités » sont présentes ou dans lequel
chaque « valeur » a sa place et sa niche. Des « valeurs » différentes et
contrastantes se mêlent et coexistent, sans une hiérarchie précise; des codes de
lecture et d'évaluation, d'orientation et de comportement, tout à fait
dissemblables entre eux. Dans ce contexte, il apparaît difficile d'avoir
une conception ou une vision unitaire du monde et la capacité de faire des
projets de vie devient faible elle aussi. En effet, quand une culture
ne définit plus ses possibilités suprêmes de sens ou ne parvient pas à créer une
convergence autour de certaines valeurs particulièrement capables de donner un
sens à la vie, mais place tout sur le même plan, toute possibilité de choix de
projet tombe en désuétude et tout devient indifférent et plat. b) Les
jeunes et l'Europe Les jeunes Européens vivent dans cette culture
pluraliste et ambivalente, « polythéiste » et neutre. D'un côté, ils cherchent
passionnément l'authenticité, l'affection, les rapports personnels, la grandeur
d'horizons, mais, de l'autre, ils sont profondément seuls, « blessés » par le
bien-être, déçus par les idéologies, perdus par la désorientation éthique.
Et encore: « Dans plusieurs secteurs du monde des jeunes, on relève une
sympathie très claire pour la vie conçue comme valeur absolue, sacrée... »,(7)
mais souvent, et dans de nombreuses parties de l'Europe, cette ouverture à
l'égard de l'existence est démentie par des politiques qui ne respectent pas le
droit à la vie, surtout celle des plus faibles. Des politiques qui risquent de
rendre le « vieux continent » toujours plus vieux. Donc, si d'un côté ces jeunes
représentent un capital remarquable pour l'Europe d'aujourd'hui — qui investit
beaucoup sur eux pour construire son avenir — de l'autre côté les attentes des
jeunes ne sont pas toujours accueillies d'une manière cohérente par le monde des
adultes ou des responsables de la société civile. Quoi qu'il en soit,
deux aspects nous semblent capitaux pour comprendre l'attitude des jeunes
d'aujourd'hui: la revendication de la subjectivité et le désir de
liberté. Ce sont deux requêtes dignes d'attention et typiquement humaines.
Souvent, cependant, dans une culture faible et complexe comme la nôtre, elles
donnent lieu — en se rencontrant — à des combinaisons qui déforment leur sens:
la subjectivité devient alors subjectivisme, tandis que la liberté
dégénère en arbitraire. Dans ce contexte, le rapport que les
jeunes Européens établissent avec l'Eglise mérite une grande attention. Dans une
de ses Propositions finales, le Congrès relève avec courage et réalisme que: «
Souvent les jeunes ne considèrent pas l'Eglise comme l'objet de leur recherche
et le lieu de leur demande et attente. On remarque que ce n'est pas Dieu qui
pose problème, mais l'Eglise. L'Eglise a conscience de la difficulté de
communiquer avec les jeunes, du manque de véritables projets pastoraux..., de la
faiblesse théologico-anthropologique de certaines catéchèses. De nombreux jeunes
ont encore peur qu'une expérience dans l'Eglise limite leur liberté »,(8) tandis
que pour beaucoup d'autres l'Eglise reste ou devient le point de repère le plus
qualifié. c) « Homme sans vocation » Ce jeu de contrastes
se reflète inévitablement sur le plan de la conception du futur, qui est
considéré — par les jeunes — dans une optique limitée à leurs propres vues, en
fonction d'intérêts strictement personnels (la réalisation de soi). C'est
une logique qui réduit l'avenir au choix d'une profession, au bien-être
économique ou à la satisfaction sentimentale et émotive, à l'intérieur
d'horizons qui, de fait, réduisent le désir de liberté et les possibilités du
sujet à des projets limités, avec l'illusion d'être libre. Ces choix ne
présentent aucune ouverture au mystère et à la transcendance ni même, peut-être,
par rapport à leur responsabilité face à la vie, la leur et celle d'autrui, à la
vie reçue en don et à engendrer chez les autres. En d'autres termes, il s'agit
d'une sensibilité et d'une mentalité qui risquent de donner naissance à une
sorte de culture anti-vocationnelle. Ce qui revient à dire que dans une
Europe complexe du point de vue culturel et privée de points de repère précis,
semblable à un grand panthéon, le modèle anthropologique dominant semble
être celui de l'« homme sans vocation ». En voici une description
possible : « Une culture pluraliste et complexe tend à engendrer des jeunes
caractérisés par une identité inachevée et faible entraînant une indécision
chronique face à un choix de vocation. De nombreux jeunes ne possèdent même pas
la « grammaire élémentaire » de l'existence; ce sont des nomades: ils circulent
sans s'arrêter au niveau géographique, affectif, culturel et religieux; ils «
tentent »! Au milieu de la grande quantité et diversité d'informations, mais
avec une pauvreté de formation, ils semblent dispersés, avec peu de références
et de points de repère. Voilà pourquoi ils ont peur de leur avenir, les choix
définitifs les angoissent et ils s'interrogent sur leur être. Si, d'une part,
ils cherchent l'autonomie et l'indépendance à tout prix, de l'autre, ils tendent
à être très dépendants du milieu socio-culturel, comme un refuge, et à chercher
la gratification immédiate des sens: de ce qui « me va », de ce qui « me fait
sentir bien » dans un monde affectif fait sur mesure ».(9) Il est très
triste de rencontrer des jeunes, intelligents et doués, chez qui le désir de
vivre, de croire en quelque chose, de tendre vers de grands objectifs, d'espérer
dans un monde qui peut devenir meilleur, notamment grâce à leurs efforts, semble
éteint. Ces jeunes semblent se sentir superflus dans le jeu ou dans le
drame de la vie, démissionnant pratiquement face à elle, perdus le long des
sentiers interrompus et adoptant le profil le plus bas de la tension vitale.
Sans vocation, mais aussi sans avenir, ou avec un avenir qui, tout au plus, sera
une photocopie du présent. d) La vocation de l'Europe Et
pourtant, cette Europe aux nombreuses âmes et à la culture si faible (mais qui
toutefois s'impose souvent avec force) qui manifeste des énergies insoupçonnées,
est on ne peut plus vivante et appelée à jouer un rôle important sur la scène
internationale. Jamais autant qu'à notre époque le vieux continent,
malgré ses blessures dues aux récents conflits et aux heurts parfois violents en
son sein, n'a ressenti aussi fortement l'appel à l'unité. Une unité qu'il
faut encore construire, bien que certains murs soient tombés, et qui devra
s'étendre à toute l'Europe, ainsi qu'à ceux qui lui demandent accueil et
hospitalité. Une unité qui ne pourra pas être seulement politique ou économique,
mais aussi et avant tout spirituelle et morale. Une unité, encore, qui devra
dépasser les vieilles rancoeurs et les anciennes méfiances et à laquelle ses
racines chrétiennes primitives pourraient précisément fournir un motif de
convergence et une garantie d'entente. Une unité, en particulier, qu'il
reviendra aux jeunes de la génération actuelle de réaliser et de rendre complète
et solide, de l'Ouest en Est, du Nord au Sud, en la défendant contre toute
tentation d'isolement et de repli sur ses propres intérêts et en la proposant au
monde entier comme exemple de coexistence sereine dans la diversité.
Les jeunes seront-ils capables d'assumer cette responsabilité?
S'il est vrai que le jeune d'aujourd'hui risque d'être désorienté et de se
retrouver sans point de repère précis, la « nouvelle Europe » qui est en train
de naître pourrait bien devenir un objectif et offrir un stimulant adéquat aux
jeunes qui, en réalité, « ont une nostalgie de la liberté et cherchent la
vérité, la spiritualité, l'authenticité, l'originalité personnelle et la
transparence », qui « nourrissent en même temps un désir d'amitié et de
réciprocité », qui cherchent de « la compagnie » et veulent « construire une
nouvelle société fondée sur des valeurs comme la paix, la justice, le respect de
l'environnement, l'attention envers les diversités, la solidarité, le
volontariat et l'égale dignité de la femme ».(10) En dernière analyse,
les recherches les plus récentes décrivent les jeunes Européens comme égarés,
mais non pas désespérés; imprégnés de relativisme éthique, tout en étant
désireux de vivre une « bonne vie »; conscients de leur besoin de salut, bien
que ne sachant pas où le trouver. Leur plus grave problème est
probablement la société neutre sur le plan éthique et dans laquelle il leur est
échu de vivre, mais les ressources qui sont en eux ne sont pas épuisées.
Spécialement en un temps de transition vers de nouveaux objectifs comme le
nôtre. On en veut pour preuve les nombreux jeunes animés d'une recherche sincère
de spiritualité et courageusement engagés dans le social, confiants en eux-mêmes
et dans les autres et dispensateurs d'espérance et d'optimisme. Nous
croyons que ces jeunes, malgré les contradictions et le « poids » d'un certain
milieu culturel, peuvent bâtir cette nouvelle Europe. Dans la vocation de leur
terre maternelle se profile aussi leur vocation personnelle. Une
nouvelle évangélisation 12. Tout ceci ouvre de nouvelles voies et
requiert de nouvelles impulsions au processus d'évangélisation de la vieille et
de la nouvelle Europe. Depuis longtemps l'Eglise et le Pape actuel invitent à un
profond renouveau des contenus et de la méthode de l'annonce de l'Evangile, pour
« rendre l'Eglise du XXème siècle encore plus apte à annoncer l'Evangile à
l'humanité du XXème siècle ».(11) Et, comme nous l'a rappelé le Congrès, « il ne
faut pas avoir peur d'être dans une période de passage d'une rive à l'autre
».(12) a) Le « semper » et le « novum » Il s'agit donc de
conjuguer le « semper » et le « novum » de l'Evangile pour l'offrir aux
nouvelles demandes et conditions de l'homme et de la femme d'aujourd'hui. Il est
donc urgent de proposer à nouveau le coeur ou le centre du kérygme comme «
nouvelle éternellement bonne », riche de vie et de sens pour le jeune qui vit en
Europe, comme annonce capable de répondre à ses attentes et d'éclairer sa
recherche. C'est particulièrement autour des points qui suivent que se
concentrent la tension et le défi. L'image de l'homme que l'on veut réaliser et
les grandes décisions de la vie, de l'avenir de la personne et de l'humanité
dépendent de cela: de la signification de la liberté, du rapport entre
subjectivité et objectivité, du mystère de la vie et de la mort, de l'amour et
de la souffrance, du travail et de la fête. Il faut clarifier la relation
entre pratique et vérité, entre instant historique personnel et futur définitif
universel ou entre bien reçu et bien donné, entre conscience du don et choix de
vie. Nous savons que c'est précisément autour de ces éléments que se concentre
aussi une certaine crise de signification dont découlent ensuite une culture
anti-vocationnelle et une image d'homme sans vocation. Le cheminement de
la nouvelle évangélisation doit donc partir de là et c'est là qu'il doit aboutir
pour évangéliser la vie et le sens de la vie, l'exigence de liberté et de
subjectivité, le sens de l'être dans le monde et de la relation aux autres.
C'est de là que pourra émerger une culture des vocations et un modèle d'homme
ouvert à l'appel. La bonne nouvelle de la Pâque du Seigneur ne doit pas faire
défaut à une Europe qui doit profondément remodeler son visage, car c'est dans
son sang que les peuples dispersés se sont réunis et que les lointains sont
devenus proches, « en détruisant la barrière qui les séparait, c'est-à-dire la
haine » (cf. Ep 2, 14). Nous pouvons aller jusqu'à dire que la
vocation est le coeur même de la nouvelle évangélisation au seuil du troisième
millénaire; elle est l'appel que Dieu adresse à l'homme pour un nouveau
printemps de vérité et de liberté et pour une refondation éthique de la culture
et de la société européennes. b) Une nouvelle sainteté Dans
ce processus d'inculturation de la bonne nouvelle, la Parole de Dieu devient
compagne de voyage de l'homme et le croise au long des routes pour lui révéler
le projet du Père comme condition de son bonheur. C'est exactement la Parole
tirée de la lettre de Paul aux chrétiens de l'Eglise d'Ephèse qui nous conduit
aujourd'hui, nous, peuple de Dieu en Europe, à découvrir ce qui peut-être n'est
pas immédiatement visible à l'oeil nu, mais qui n'en est pas moins événement,
don et vie nouvelle : « Ainsi donc, vous n'êtes plus des étrangers ni des hôtes;
vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la maison de Dieu » (Ep 2,
19). Ce n'est évidemment pas une parole nouvelle, mais c'est une parole
qui nous fait regarder d'une nouvelle façon la réalité de l'Eglise du vieux
continent qui est bien autre chose qu'une « vieille Eglise ». Elle est une
communauté de croyants appelés à la « jeunesse de la sainteté », à la
vocation universelle à la sainteté, soulignée avec force par le Concile(13)
et rappelée en diverses circonstances par le magistère successif. Il est
temps désormais que cet appel retrouve sa vigueur et parvienne à tout croyant,
afin que chacun soit en mesure « de comprendre, avec tous les saints, ce qu'est
la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur » (Ep 3, 18) du
mystère de grâce confié à sa vie. Il est temps désormais que cet appel
suscite de nouveaux desseins de sainteté, car l'Europe a surtout besoin de cette
sainteté particulière que requiert le moment présent, donc originale et, d'une
certaine façon, sans précédents. Il faut des personnes capables de «
jeter des ponts » pour unir toujours davantage les Eglises et les peuples
d'Europe et pour réconcilier les âmes. Il faut des « pères » et
des « mères » ouverts à la vie et au don de la vie; des époux et des
épouses qui célèbrent et témoignent de la beauté de l'amour humain béni par
Dieu; des personnes capables de dialogue et de « charité culturelle »
pour transmettre le message chrétien à travers les langages de notre société;
des professionnels et des personnes simples capables d'imprimer à
l'engagement dans la vie civile et aux rapports de travail et d'amitié la
transparence de la vérité et l'intensité de la charité chrétienne; des femmes
qui redécouvrent dans la foi chrétienne la possibilité de vivre pleinement leur
génie féminin; des prêtres au grand coeur, comme celui du Bon Pasteur;
des diacres permanents qui annoncent la Parole et la liberté de service
pour les plus pauvres; des apôtres consacrés capables de s'immerger dans
le monde et dans l'histoire avec un coeur de contemplatif et des mystiques
si familiers du mystère de Dieu qu'ils sachent célébrer l'expérience du divin et
indiquer la présence de Dieu dans le vif de l'action. L'Europe a besoin
de nouveaux confesseurs de la foi et de la beauté de croire, de
témoins qui soient des croyants crédibles, courageux jusqu'au sang,
de vierges qui ne le soient pas que pour elles-mêmes, mais qui sachent
indiquer à tous cette virginité qui est au coeur de chacun et qui renvoie
immédiatement à l'Eternel, source de tout amour. Notre terre a soif non
seulement de saints, mais de communautés saintes, aimant tellement
l'Eglise et le monde qu'elles sachent présenter au monde une Eglise libre,
ouverte, dynamique, présente dans l'histoire contemporaine de l'Europe, proche
des souffrances des gens, accueillante envers tous, fer de lance de la justice,
attentive aux pauvres, ne se souciant pas de sa minorité numérique ni de mettre
des limites à son action, ne s'effrayant ni du climat de déchristianisation
sociale (réelle, mais sans doute pas aussi radicale et générale) ni du manque
(souvent seulement en apparence) de résultats. Telle sera la nouvelle
sainteté, capable de ré-évangéliser l'Europe et d'édifier la nouvelle Europe!
De nouvelles vocations 13. Un nouveau discours sur la vocation et
sur les vocations, sur la culture et sur la pastorale des vocations s'impose
donc. Le Congrès a voulu accueillir une certaine sensibilité, désormais
largement diffuse sur ces thèmes, proposant toutefois en même temps un «
'sursaut' idéal pour ouvrir de nouveaux printemps dans nos Eglises ».(14)
a) Vocation et vocations Tout comme la sainteté s'adresse à tous
les baptisés en JésusChrist, de même il existe une vocation spécifique pour tout
vivant. Et, de même que la première est enracinée dans le Baptême, la seconde
est liée au simple fait d'exister. La vocation est la pensée providentielle du
Créateur sur chaque créature, elle est son idée-projet, comme un rêve qui tient
à coeur à Dieu parce que la créature lui tient à coeur. Dieu le Père veut
qu'elle soit différente et spécifique pour chaque vivant. L'être humain,
en effet, est « appelé » à la vie et, quand il vient à la vie, il porte et
retrouve en lui l'image de Celui qui l'a appelé. La vocation est la
proposition divine pour se réaliser selon cette image; elle est unique et
singulière précisément parce que cette image est inépuisable. Chaque créature
dit et est appelée à exprimer un aspect particulier de la pensée de Dieu. C'est
là qu'elle trouve son nom et son identité, qu'elle affirme et qu'elle met en
sécurité sa liberté et son originalité. Donc, si chaque être humain
possède sa propre vocation dès le moment de sa naissance, il existe dans
l'Eglise et dans le monde différentes vocations qui, sur le plan théologique,
expriment la ressemblance divine imprimée dans l'homme et, au niveau pastoral et
ecclésial, répondent aux diverses exigences de la nouvelle évangélisation, en
enrichissant la dynamique et la communion ecclésiales: « L'Eglise particulière
est comme un jardin fleuri, possédant une grande variété de dons et de
charismes, de mouvements et de ministères. D'où l'importance du témoignage de la
communion entre eux, en laissant de côté tout esprit de 'concurrence' ».(15)
Bien plus, le Congrès a explicitement affirmé qu'« il faut s'ouvrir à de
nouveaux charismes et ministères, peut-être différents des charismes et
ministères habituels. La place du laïcat et sa mise en valeur sont un signe des
temps qu'il nous faut encore découvrir. Il se révèle toujours plus fructueux
».(16) b) Une culture de la vocation Ces éléments pénètrent
peu à peu dans la conscience des croyants mais pas encore assez pour créer une
véritable culture des vocations,(17) capable de franchir les limites de la
communauté des croyants. Voilà pourquoi le Saint-Père, dans son Discours aux
participants au Congrès, souhaite que l'attention patiente et constante de la
communauté chrétienne au mystère de l'appel divin entraîne une « nouvelle
culture des vocations chez les jeunes et dans les familles ».(18)
Celle-ci est un élément de la nouvelle évangélisation. Elle est culture de la
vie et de l'ouverture à la vie, du sens de la vie, mais aussi de la mort.
Elle se réfère en particulier à des valeurs, peut-être un peu oubliées, d'une
certaine mentalité émergente (« culture de mort » selon certains), comme la
gratitude, l'accueil du mystère, le sens de l'inachevé chez l'homme et en même
temps de son ouverture à la transcendance, sa disponibilité à se laisser appeler
par un autre (ou par un Autre) et interpeller par la vie, sa confiance en soi et
dans le prochain, sa liberté de s'émouvoir face au don reçu, face à l'affection,
à la compréhension, au pardon, en découvrant que ce que l'on a reçu est toujours
immérité, excède toujours sa propre mesure et est source de responsabilité à
l'égard de la vie. Font encore partie de cette culture des vocations la
capacité à rêver et à désirer en grand, la stupeur qui permet d'apprécier la
beauté et de la choisir pour sa valeur intrinsèque, parce qu'elle rend la vie
belle et vraie, l'altruisme qui n'est pas seulement solidarité dans l'urgence,
mais qui naît de la découverte de la dignité de chaque frère. A la
culture de la distraction, qui risque de perdre de vue et d'annuler les
interrogations sérieuses dans la surabondance des mots, il faut opposer une
culture capable de retrouver le courage et le goût des grandes questions, celles
qui ont trait à l'avenir: ce sont les grandes questions, en effet, qui
rendent grandes aussi les petites réponses. Mais ce sont ensuite les petites
réponses au quotidien qui provoquent les grandes décisions, comme celle de la
foi, ou qui créent une culture, comme celle des vocations. Quoi qu'il en
soit la culture des vocations, en tant qu'ensemble de valeurs, doit passer
toujours plus d'une conscience ecclésiale à une conscience civile, de la
conscience du croyant ou de la communauté croyante à la conviction universelle
de ne pouvoir construire aucun futur pour l'Europe de l'an 2000 sur un modèle
d'homme sans vocation. De fait, le Pape ajoute : « Le malaise qui traverse le
monde des jeunes révèle, notamment chez les nouvelles générations, des questions
pressantes sur le sens de l'existence, confirmant ainsi que rien ni personne ne
peut étouffer la question du sens et le désir de vérité. Pour beaucoup,
c'est le terrain sur lequel se joue la recherche de vocation ».(19) Ce
sont précisément cette demande et ce désir qui font naître une authentique
culture de la vocation. Et, si demande et désir sont au coeur de chaque homme,
même de ceux qui les nient, alors cette culture pourrait devenir une sorte de
terrain commun où la conscience croyante rencontre la conscience laïque et se
confronte à elle. Elle lui donnera, avec générosité et transparence, cette
sagesse qu'elle a reçue d'en haut. Cette nouvelle culture deviendra ainsi
un véritable terrain de nouvelle évangélisation où pourrait naître un nouveau
modèle d'homme et où pourraient fleurir aussi une nouvelle sainteté et de
nouvelles vocations pour l'Europe de l'an 2000. En effet, la pénurie des
vocations spécifiques — les vocations au pluriel — est surtout absence de
conscience vocationnelle de la vie — la vocation au singulier —, c'est-à-dire
absence de culture de la vocation. Cette culture devient probablement
aujourd'hui le premier objectif de la pastorale des vocations(20) ou, peut-être,
de la pastorale en général. Que serait, en effet, une pastorale qui ne
cultiverait pas la liberté de se sentir appelé par Dieu et qui ne ferait pas
naître une nouveauté de vie? c) Pastorale des vocations : le « saut de
qualité » Un autre élément lie entre elles la réflexion d'avant le
congrès et l'analyse faite au cours de ce dernier. C'est la conscience que la
pastorale des vocations se trouve face à l'exigence d'un changement radical,
d'un « 'sursaut' idéal », selon le document préparatoire,(21) ou d'un «
saut de qualité », comme l'a recommandé le Pape dans son Message à la fin
du Congrès.(22) Encore une fois, nous nous trouvons devant une convergence
évidente devant être comprise dans sa signification authentique, dans cette
analyse de la situation que nous proposons. Il ne s'agit pas seulement
d'une invitation à réagir à une sensation de fatigue ou de méfiance au vu des
faibles résultats. Ces mots n'entendent pas non plus provoquer un simple
renouvellement de certaines méthodes ou encourager à retrouver l'énergie et
l'enthousiasme, mais ils veulent indiquer, en substance, que la pastorale des
vocations en Europe est arrivée à un tournant historique, à un passage décisif.
Il y a eu une histoire, avec une préhistoire, puis des phases qui se sont
lentement succédé, au long de ces dernières années, comme des saisons
naturelles, et qui doivent désormais nécessairement évoluer vers l'état « adulte
» et mûr de la pastorale des vocations. Il ne s'agit donc ni de
sous-évaluer le sens de ce passage, ni d'accuser quiconque pour ce qu'il
n'aurait pas fait par le passé. Au contraire! Notre sentiment, qui est le
sentiment de toute l'Eglise, est un sentiment de reconnaissance sincère envers
nos frères et nos soeurs qui, dans des conditions passablement difficiles, ont
généreusement aidé tant de jeunes gens et de jeunes filles à chercher et à
trouver leur vocation. Mais il s'agit, en tout cas, de comprendre encore une
fois la direction que Dieu, le Seigneur de l'histoire, imprime à notre histoire
et notamment à la riche histoire des vocations en Europe qui se trouve à un
carrefour difficile. — Si la pastorale des vocations est née comme une
urgence liée à une situation de crise et d'indigence vocationnelle, il est
impossible aujourd'hui de la penser avec la même précarité, motivée par une
conjoncture négative, mais — au contraire — elle apparaît comme l'expression
stable et cohérente de la maternité de l'Eglise, ouverte au plan de Dieu,
que nul ne peut arrêter et qui engendre toujours la vie en elle.
— Si, autrefois, la promotion des vocations se référait seulement ou surtout à
certaines vocations, aujourd'hui elle devrait tendre toujours plus à la
promotion de toutes les vocations, car dans l'Eglise du Seigneur tous
grandissent ensemble ou personne ne grandit. — Si, à ses débuts, la
pastorale des vocations pourvoyait à circonscrire son domaine d'intervention à
certaines catégories de personnes (« les nôtres », ceux qui étaient les plus
proches des milieux d'Eglise ou ceux qui semblaient manifester tout de suite un
certain intérêt, les meilleurs et les plus méritoires, ceux qui avaient déjà
fait une option de foi, et ainsi de suite), aujourd'hui la nécessité se fait
sentir d'étendre courageusement et à tous, au moins en théorie, l'annonce
et la proposition d'une vocation, au nom de ce Dieu qui ne fait pas de
préférence, qui choisit les pécheurs dans un peuple de pécheurs, qui fait d'Amos
— qui n'était pas fils de prophètes mais simple cueilleur de sycomores — un
prophète, qui appelle Lévi, qui va chez Zachée et qui est même capable de faire
surgir des pierres des fils à Abraham (cf. Mt 3, 9). — Si,
autrefois, l'activité vocationnelle naissait pour une bonne part de la peur (de
l'extinction ou de moins compter) et du désir de maintenir les présences et les
oeuvres à des niveaux déterminés, désormais la peur, qui est toujours mauvaise
conseillère, cède la place à l'espérance chrétienne, qui naît de la foi
et qui est projetée vers la nouveauté et le futur de Dieu. — Si une
certaine animation des vocations est, ou était, éternellement incertaine et
timide, jusqu'à sembler pratiquement en condition d'infériorité par rapport à
une culture anti-vocationnelle, aujourd'hui seul celui qui est animé de la
certitude qu'il existe en chaque personne — sans exclusion — un don original
de Dieu qui attend d'être découvert peut faire une bonne pastorale des
vocations. — Si l'objectif semblait autrefois être le recrutement, et la
méthode la propagande, souvent en forçant un peu la liberté de l'individu et
avec des épisodes de « concurrence », il doit toujours être clair à présent que
notre but est le service à rendre àla personne, afin qu'elle sache
discerner le projet de Dieu sur la vie pour l'édification de l'Eglise et qu'elle
se reconnaisse en lui et réalise sa propre vérité.(23) — Si, à une époque
pas très lointaine, certains s'imaginaient pouvoir résoudre la crise des
vocations par des choix discutables, par exemple en « important des vocations »
d'ailleurs (souvent en les déracinant de leur contexte), aujourd'hui personne ne
devrait s'imaginer pouvoir résoudre la crise des vocations en la contournant,
car le Seigneur continue à appeler dans chaque Eglise et en tout lieu.
— Ainsi, dans la même ligne, le « cyrénéen vocationnel », improvisateur
volontaire et souvent solitaire, devrait passer toujours davantage d'une
animation faite d'initiatives et d'expériences épisodiques à une éducation à la
vocation s'inspirant de la sagesse d'une méthode éprouvée d'accompagnement,
pour pouvoir apporter une aide appropriée à ceux qui sont en recherche. —
Par conséquent, l'animateur des vocations devrait devenir toujours plus un
éducateur de foi et formateur de vocations et l'animation sacerdotale
devenir toujours plus une action collective,(24) de toute la communauté,
religieuse ou paroissiale, de tout l'institut ou de tout le diocèse, de tout
prêtre ou de toute personne consacrée ou croyante, et pour toutes les vocations
dans chaque phase de la vie. — Enfin, il est temps que l'on passe
clairement de la « pathologie de la fatigue »(25) et de la résignation, que l'on
justifie en attribuant à l'actuelle génération de jeunes la cause unique de la
crise des vocations, au courage de se poser les questions justes, pour
comprendre les erreurs éventuelles et les défaillances, pour parvenir à un
nouvel élan créatif fervent de témoignage. d) Petit troupeau et grande
mission(26) C'est la cohérence avec laquelle on agira dans cette voie
qui aidera toujours plus à redécouvrir la dignité de la pastorale des vocations
et sa position centrale et de synthèse naturelle dans le domaine pastoral.
Ici encore, nous venons d'expériences et de conceptions qui ont risqué de
marginaliser, d'une façon ou d'une autre, par le passé, cette même pastorale des
vocations, en la considérant comme moins importante. Elle présente parfois un
visage peu triomphant de l'Eglise actuelle ou est jugée comme un secteur de la
pastorale moins fondé, sur le plan théologique, par rapport à d'autres, comme un
produit récent d'une situation critique et contingente. La pastorale des
vocations vit peut-être encore dans une situation d'infériorité qui, d'un côté,
peut nuire à son image et indirectement à l'efficacité de son action mais, de
l'autre, peut aussi devenir un contexte favorable pour définir et expérimenter
avec créativité et liberté — liberté aussi de se tromper — de nouveaux chemins
pastoraux. Surtout, cette situation peut rappeler cette autre «
infériorité » ou pauvreté dont parlait Jésus en regardant les foules qui le
suivaient : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux » (Mt
9, 37). Face à la moisson du Royaume de Dieu, face à la moisson de la nouvelle
Europe et de la nouvelle évangélisation, les « ouvriers » sont et seront peu
nombreux, « petit troupeau et grande mission », pour faire mieux ressortir que
la vocation est initiative de Dieu, don du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
DEUXIEME PARTIE
THEOLOGIE DE LA VOCATION:
« Il y a diversité de charismes mais c'est le
même esprit » (1 Co 12, 4)
Le but
fondamental de cette partie théologique est de permettre de saisir le sens de la
vie humaine par rapport à Dieu, communion trinitaire. Le mystère du Père, du
Fils et du Saint-Esprit fonde la pleine existence de l'homme, en tant qu'appel à
l'amour dans le don de soi et dans la sainteté et en tant que don dans l'Eglise
pour le monde. Toute anthropologie détachée de Dieu est illusoire. Il
s'agit maintenant de définir les éléments structurels de la vocation chrétienne,
son architecture essentielle qui, évidemment, ne peut être que théologique.
Cette réalité, qui a déjà fait l'objet de multiples analyses, notamment de la
part du Magistère, est riche d'une tradition spirituelle, biblico-théologique,
qui a formé non seulement des générations d'appelés, mais aussi une spiritualité
de l'appel. La demande de sens pour la vie 14. A
l'école de la Parole de Dieu, la communauté chrétienne accueille la réponse la
plus élevée à la demande de sens qui surgit, plus ou moins clairement, dans le
coeur de l'homme. C'est une réponse qui ne vient pas de la raison humaine, bien
que toujours provoquée, de manière dramatique, par le problème de l'existence et
du destin; mais de Dieu. C'est lui qui remet à l'homme la clef de lecture
servant à éclaircir et à résoudre les grandes interrogations qui font de l'homme
un sujet qui interroge: « Pourquoi sommes-nous au monde? Qu'est-ce que la vie?
Quelle est la destination finale au-delà du mystère de la mort? ». Il ne
faut cependant pas oublier que dans la culture de la distraction dans laquelle
sont surtout plongés les jeunes de notre temps, les questions fondamentales
courent le risque d'être étouffées ou d'être refoulées. Plus que cherché,
aujourd'hui le sens de la vie est imposé: soit par ce que l'on vit dans
l'immédiat, soit par ce qui gratifie les besoins qui, une fois satisfaits, rend
la conscience toujours plus obtuse, laissant les interrogations les plus vraies
non élucidées.(27) La théologie pastorale et l'accompagnement spirituel
ont donc pour tâche d'aider les jeunes à interroger la vie, pour parvenir à
formuler, dans un dialogue décisif avec Dieu, la question de Marie de Nazareth:
« Comment est-ce possible? » (cf. Lc 1, 34). L'icône
trinitaire 15. A l'écoute de la Parole, non sans stupeur, nous
découvrons que la catégorie biblico-théologique la plus compréhensible et la
plus à même d'exprimer le mystère de la vie, à la lumière du Christ, est celle
de la « vocation ».(28) « Nouvel Adam, le Christ, dans la révélation même du
mystère du Père et de son amour, manifeste pleinement l'homme à lui-même et lui
découvre la sublimité de sa vocation ».(29) Voilà pourquoi la figure
biblique de la communauté de Corinthe présente les dons de l'Esprit, dans
l'Eglise, comme subordonnés à la reconnaissance de Jésus comme le Seigneur. La
christologie constitue véritablement le fondement de toute anthropologie et
ecclésiologie. Le Christ est le projet de l'homme. Ce n'est qu'après que
le croyant a reconnu que Jésus est le Seigneur « sous l'action de l'Esprit Saint
» (cf. 1 Co 12,3) qu'il peut accueillir le statut de la nouvelle
communauté des croyants: « Il y a, certes, diversité de dons spirituels, mais
c'est le même Esprit; diversité de ministères, mais c'est le même Seigneur;
diversité d'opérations, mais c'est le même Dieu qui opère tout en tous » (1
Co 12, 4-6). L'image paulinienne met clairement en évidence trois
aspects fondamentaux des dons de vocation dans l'Eglise, étroitement liés à leur
origine au sein de la communion trinitaire et en référence spécifique avec
chacune des Personnes. A la lumière de l'Esprit, les dons sont
l'expression de son infinie gratuité. Il est lui-même charisme (Ac
2, 38), source de tout don et expression de la créativité divine incompressible.
A la lumière du Christ, les dons vocationnels sont « ministères »; ils
expriment la diversité multiforme du service que le Fils a vécu jusqu'au don de
sa vie. En effet, il « n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et
donner sa vie » (Mt 20, 28). Jésus est donc le modèle de tout ministère.
A la lumière du Père, les dons sont « opérations » car c'est à partir de
lui, source de la vie, que tout être déploie son dynamisme de créature.
L'Eglise reflète donc, en tant qu'icône, le mystère de Dieu Père, de Dieu Fils
et de Dieu Esprit Saint. Et toute vocation porte en elle les traits
caractéristiques des trois Personnes de la communion trinitaire. Les personnes
divines sont source et modèle de tout appel. Bien plus, la Trinité, en
elle-même, est un entrelacement mystérieux d'appels et de réponses. Ce
n'est que là, à l'intérieur de ce dialogue ininterrompu, que chaque vivant
retrouve non seulement ses racines, mais aussi son destin et son avenir, ce
qu'il est appelé à être et à devenir, dans la vérité et la liberté, dans le
concret de son histoire. En effet, les dons, dans le statut
ecclésiologique de la première épître aux Corinthiens, ont une destination
historique et concrète: « A chacun la manifestation de l'Esprit est donnée en
vue du bien commun » (1 Co 12, 7). Il existe un bien supérieur qui
dépasse naturellement le don personnel: construire le Corps du Christ dans
l'unité; rendre épiphanique sa présence dans l'histoire « afin que le monde
croie » (Jn 17, 21). Par conséquent, la communauté ecclésiale est,
d'une part, enveloppée par le mystère de Dieu, elle en est l'icône visible et,
d'autre part, elle est totalement impliquée dans l'histoire de l'homme dans le
monde, en état d'exode, vers les « cieux nouveaux ». L'Eglise et toute
vocation en elle expriment un dynamisme identique: être appelé à une mission.
Le Père appelle à la vie 16. L'existence de chacun est le fruit
de l'amour créateur du Père, de son désir efficace, de sa parole génératrice.
L'acte créateur du Père possède la dynamique d'un appel, d'un appel à la vie.
L'homme vient à la vie parce qu'il est aimé, pensé et voulu par une Volonté
bonne qui l'a préféré à la non-existence, qui l'a aimé avant même qu'il soit,
connu avant même de le former dans le sein maternel, consacré avant qu'il vienne
à la lumière (cf. Jr 1, 5; Is 49, 1.5; Ga 1, 15). a)
« ... à son image » Dans l'« appel créateur », l'homme apparaît
immédiatement dans toute la force de sa dignité en tant que sujet appelé à la
relation avec Dieu, à être devant lui, avec les autres, dans le monde, avec un
visage qui reflète les oeuvres divines: « Faisons l'homme à notre image, comme
notre ressemblance » (Gn 1, 26). Cette triple relation appartient au
dessein originel, car le Père « nous a élus en lui — le Christ — dès la
fondation du monde, pour être saints et immaculés en sa présence, dans l'amour »
(Ep 1, 4). Reconnaître le Père signifie que nous existons à sa
manière, puisqu'il nous a créés à son image (Sg 2, 23). C'est donc en
cela qu'est contenue la vocation fondamentale de l'homme: la vocation à la vie
et à une vie immédiatement conçue à la ressemblance de la vie divine. Si le Père
est l'éternelle source de vie, la gratuité totale, la source éternelle de
l'existence et de l'amour, l'homme est appelé, à la mesure de son être, mesure
petite et limitée, à être comme lui; il est donc appelé à « donner la vie », à
prendre en charge la vie d'un autre. Alors l'acte créateur du Père est ce
qui permet de prendre conscience que la vie est consignée à la liberté de
l'homme appelé à donner une réponse tout à fait personnelle et originale,
responsable et pleine de gratitude. b) L'amour, sens plénier de la vie
Dans cette perspective de l'appel à la vie, il nous faut exclure quelque chose:
que l'homme puisse considérer l'existence comme une chose évidente, due et
casuelle. Il n'est peut-être pas facile, dans la culture contemporaine,
de s'émerveiller devant le don de la vie.(30) Alors qu'il est plus facile
de percevoir le sens d'une vie donnée, celle qui déborde vers les autres, il
faut en revanche une conscience plus mûre, une certaine formation spirituelle,
pour percevoir que la vie de chacun, dans tous les cas et avant tout autre
choix, est amour reçu et qu'en conséquence un projet de vocation est déjà caché
dans cet amour. Le simple fait d'exister devrait avant tout nous
émerveiller et nous remplir d'une immense gratitude envers Celui qui, d'une
façon entièrement gratuite, nous a tirés du néant en prononçant notre nom.
Dès lors la perception que la vie est un don ne devrait pas seulement susciter
une attitude de reconnaissance, mais elle devrait lentement suggérer la première
grande réponse à la demande fondamentale de sens: la vie est le chef-d'oeuvre
de l'amour créateur de Dieu et est en soi un appel à aimer: don reçu qui
tend par nature à devenir bien donné. c) L'amour, vocation de tout
homme L'amour est le sens plénier de la vie. Dieu a tant aimé l'homme
qu'il lui a donné sa propre vie et l'a rendu capable de vivre et d'aimer à la
manière divine. C'est dans cet excès d'amour, l'amour du commencement, que
l'homme trouve sa vocation radicale, qui est « vocation sainte » (2 Tm
1, 9), et découvre son identité unique qui le rend immédiatement semblable à
Dieu, « à l'image du Saint » qui l'a aimé (1 P 1, 15). « En créant
l'humanité de l'homme et de la femme à son image et en la conservant
continuellement dans l'être — commente JeanPaul II — Dieu inscrit en elle la
vocation, et donc la capacité et la responsabilité correspondantes, à l'amour et
à la communion. L'amour est donc la vocation fondamentale et innée de tout être
humain ».(31) d) Le Père éducateur Grâce à cet amour qui
l'a créé, personne ne peut se sentir « superflu », car chacun est appelé à
répondre selon un projet de Dieu pensé expressément pour lui. L'homme
sera donc heureux et pleinement réalisé en étant à sa place, en accueillant la
proposition éducative de Dieu, avec toute la crainte qu'une telle intention
suscite dans un coeur de chair. Dieu créateur qui donne la vie est également
le Père qui « éduque », qui tire du néant ce qui n'est pas encore pour le
faire être; il tire du coeur de l'homme ce qu'il y a placé, afin qu'il soit
pleinement lui-même, et ce qu'il l'a appelé à être, à sa manière. D'où la
nostalgie d'infini que Dieu a mis dans le monde intérieur de chacun, comme un
sceau divin. e) L'appel du Baptême Cette vocation à la vie
et à la vie divine est célébrée dans le Baptême. Dans ce sacrement, le Père se
penche avec une tendresse attentionnée sur la créature, fils ou fille de l'amour
d'un homme et d'une femme, pour bénir le fruit de cet amour et faire en sorte
qu'il devienne pleinement son fils. A partir de ce moment-là, la créature est
appelée à la sainteté des enfants de Dieu. Rien ni personne ne pourra jamais
effacer cette vocation. Avec la grâce du Baptême, Dieu le Père intervient
pour manifester que lui, et lui seul, est l'auteur du plan du salut, à
l'intérieur duquel chaque être humain joue un rôle personnel. Son acte est sans
précédent, antérieur; il n'attend pas l'initiative de l'homme, ne dépend pas de
ses mérites, ni ne se modèle à partir de ses capacités ou dispositions. C'est le
Père qui connaît, désigne, imprime une impulsion, met un sceau, appelle encore «
dès la fondation du monde » (Ep 1, 4). Puis il donne la force, chemine
près de nous, soutient les efforts, est Père et Mère pour toujours... La
vie chrétienne acquiert ainsi une signification d'expérience de réponse: elle
devient réponse responsable pour faire grandir un rapport filial avec le Père et
un rapport fraternel dans la grande famille des enfants de Dieu. Le chrétien est
appelé à favoriser, à travers l'amour, ce processus de ressemblance au Père qui
s'appelle vie théologale. Aussi la fidélité au Baptême conduit-elle à
poser à la vie, et à soi-même, des questions toujours plus précises; surtout
pour se disposer à vivre l'existence non seulement en vertu d'aptitudes
humaines, qui sont autant de dons de Dieu, mais en vertu de sa volonté; non pas
selon des perspectives mondaines, trop souvent de petit cabotage, mais selon les
désirs et les projets de Dieu. La fidélité au Baptême signifie dès lors
regarder vers le haut, en tant que fils, pour discerner sa volonté sur notre vie
et sur notre avenir. Le Fils appelle à le suivre 17.
« Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit » (Jn 14, 8).
C'est ce que demande Philippe à Jésus, la veille de la passion.C'est la
nostalgie poignante de Dieu, présente dans le coeur de tout homme: connaître ses
racines, connaître Dieu. L'homme n'est pas infini, il est immergé dans la
finitude; mais son désir gravite autour de l'infini. La réponse de Jésus
surprend les disciples: « Voilà si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me
connais pas, Philippe? Qui m'a vu a vu le Père » (Jn 14, 9). a)
Envoyé par le Père pour appeler l'homme Le Père nous a créés dans le
Fils, « resplendissement de sa gloire, effigie de sa substance » (He 1,
3), nous destinant à être conformes à son image (cf. Rm 8, 29). Le Verbe
est l'image parfaite du Père. Il est Celui dans lequel le Père s'est rendu
visible, le Logos par lequel il « nous a parlé » (He 1, 2). Tout son être
est d'« être envoyé », pour rendre Dieu, en tant que Père, proche des hommes,
pour dévoiler son visage et son nom aux hommes (Jn 17, 6). Si
l'homme est appelé à être fils de Dieu, en conséquence personne mieux que le
Verbe Incarné ne peut « parler » de Dieu à l'homme et représenter l'image
réussie du fils. Voilà pourquoi le Fils de Dieu, en venant sur cette terre, a
appelé à Le suivre, à être comme lui, à partager sa vie, sa parole, sa pâque de
mort et de résurrection; et même ses sentiments. Le Fils, envoyé de
Dieu s'est fait homme pour appeler l'homme: l'envoyé du Père est
celui qui appelle les hommes. Voilà pourquoi il n'existe aucun
passage de l'Evangile ou une rencontre ou un dialogue qui n'ait une
signification vocationnelle, qui n'exprime, directement ou indirectement, un
appel de la part de Jésus. C'est comme si ses rendez-vous humains, provoqués par
les circonstances les plus diverses, étaient d'une manière ou d'une autre une
occasion pour lui de placer la personne face à la question stratégique: « Que
dois-je faire de ma vie? », « Quel est mon chemin? ». b) Le plus grand
amour: donner la vie A quoi Jésus appelle-t-il? A le suivre pour être
et agir comme lui. Plus particulièrement, à vivre la même relation qu'il
entretient avec le Père et avec les hommes: à accueillir la vie comme un don
venant des mains du Père pour « perdre » et reverser ce don sur ceux que le Père
lui a confiés.(32) Il existe un trait unificateur dans l'identité de
Jésus qui constitue le sens plénier de l'amour: la mission. Celle-ci
exprime l'abnégation, qui atteint son épiphanie suprême sur la croix. « Nul n'a
plus grand amour que celui-ci: donner sa vie pour ses amis » (Jn 15, 13).
Aussi chaque disciple est-il appelé à répéter et à revivre les sentiments du
Fils, qui trouvent une synthèse dans l'amour, motivation décisive de tout appel.
Mais surtout chaque disciple est appelé à rendre visible la mission de Jésus, il
est appelé pour la mission: « Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous
envoie » (Jn 20, 21). La structure de toute vocation, et même sa
maturité, consiste à continuer Jésus dans le monde, pour faire, comme lui, de la
vie un don. L'envoi en mission est en effet la consigne du soir de Pâques (Jn
20, 21) et la dernière parole avant de monter vers le Père (Mt 28,
16-20). c) Jésus, le formateur Chaque appelé est signe
de Jésus: en quelque sorte son coeur et ses mains continuent à embrasser les
petits, à guérir les malades, à réconcilier les pécheurs et à se laisser clouer
en croix par amour pour tous. Le fait d'être pour les autres, avec le coeur du
Christ, est le visage mûr de toute vocation. Voilà pourquoi le Seigneur Jésus
est le formateur de ceux qu'il appelle, le seul qui puisse modeler en eux
ses sentiments. Chaque disciple, en répondant à son appel et en se
laissant former par lui, exprime les traits les plus vrais de son choix. C'est
pourquoi « le fait de Le reconnaître lui, comme le Seigneur de la vie et de
l'histoire, comporte aussi l'auto-reconnaissance du fait d'être disciple (...)
L'acte de foi allie nécessairement la reconnaissance christologique et
l'auto-reconnaissance anthropologique ».(33) D'où la pédagogie de
l'expérience vocationnelle chrétienne évoquée par la Parole de Dieu: Jésus « en
institua Douze pour être ses compagnons et pour les envoyer prêcher » (Mc
3, 14). Pour être vécue en plénitude, dans la dimension du don et de la mission,
la vie chrétienne a besoin de motivations fortes et surtout de communion
profonde avec le Seigneur: dans l'écoute, dans le dialogue, dans la prière, dans
l'intériorisation des sentiments, en se laissant former par lui chaque jour et
surtout dans le désir ardent de communiquer au monde la vie du Père. d)
L'Eucharistie: l'investiture pour la mission Dans toutes les
catéchèses de la communauté chrétienne primitive, la place centrale du mystère
pascal est évidente. Le message central du mystère pascal: annoncer le Christ
mort et ressuscité. Dans le mystère du pain partagé et du sang versé pour la vie
du monde, la communauté croyante contemple l'épiphanie suprême de l'amour, la
vie du Fils de Dieu offerte. Voilà pourquoi dans la célébration de
l'Eucharistie, « sommet et source »(34) de la vie chrétienne, est célébrée la
révélation la plus haute de la mission de Jésus-Christ dans le monde; mais
l'Eucharistie célèbre aussi l'identité de la communauté ecclésiale convoquée
pour être envoyée, appelée à la mission. Dans la communauté qui célèbre
le mystère pascal, chaque chrétien entre et prend part au style du don de Jésus,
en devenant comme lui pain rompu pour l'offrande faite au Père et pour la vie du
monde. L'Eucharistie devient ainsi la source de toute vocation
chrétienne; en elle, tout croyant est appelé à se conformer au Christ Ressuscité
totalement offert et donné. Il devient icône de toute réponse de vocation; comme
en Jésus, en toute vie et en toute vocation il existe une fidélité difficile à
vivre jusqu'à la mesure de la croix. Celui qui y prend part accueille
l'invitation-appel de Jésus à « faire mémoire » de lui, dans le sacrement et
dans la vie, à vivre « en rappelant » dans la vérité et la liberté des choix
quotidiens le mémorial de la croix, à remplir l'existence de gratitude et de
gratuité, à briser son corps et à verser son sang. Comme le Fils.
L'Eucharistie engendre enfin le témoignage et prépare à la mission: « Allez dans
la paix ». On passe de la rencontre avec le Christ sous le signe du Pain à la
rencontre avec le Christ sous le signe de chaque homme. L'engagement du croyant
ne s'éteint pas à l'entrée, mais à la sortie de l'église. La réponse à l'appel
rencontre l'histoire de la mission. La fidélité à sa vocation puise aux sources
de l'Eucharistie et se mesure dans l'Eucharistie de la vie.
L'Esprit appelle au témoignage 18. Chaque croyant éclairé par
l'intelligence de la foi est appelé à connaître et à reconnaître Jésus comme le
Seigneur; et, en lui, à se reconnaître soi-même. Mais cela n'est pas seulement
le fruit d'un désir humain ou de la bonne volonté de l'homme. Même après avoir
vécu l'expérience prolongée avec le Seigneur, les disciples ont toujours besoin
de Dieu. Bien plus, la veille de la passion, ils sont un peu perturbés (Jn
14, 1), ils redoutent la solitude. Jésus les encourage en leur faisant une
promesse inouïe: « Je ne vous laisserai pas orphelins » (Jn 14, 18). Les
premiers appelés de l'Evangile ne resteront pas seuls: Jésus leur assure la
compagnie diligente de l'Esprit. a) Consolateur et ami, guide et
mémoire « Il est le "Consolateur", l'Esprit de bonté, que le Père
enverra au nom du Fils, don du Seigneur ressuscité »,(35) « pour qu'il soit avec
vous à jamais » (Jn 14, 16). L'Esprit devient ainsi l'ami de
chaque disciple, le guide au regard jaloux sur Jésus et sur les appelés, pour
faire d'eux des témoins à contre-courant de l'événement plus bouleversant du
monde: le Christ est mort et ressuscité. Il est en effet la « mémoire » de Jésus
et de sa Parole: « Lui, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je
vous ai dit » (Jn 14, 26); et même « il vous introduira dans la vérité
tout entière » (Jn 16, 13). La nouveauté permanente de l'Esprit
consiste à guider vers une intelligence progressive et profonde de la vérité,
cette vérité qui n'est pas une notion abstraite, mais le projet de Dieu dans la
vie de chaque disciple. C'est la transformation de la Parole en vie et de la vie
selon la Parole. b) Animateur et accompagnateur des vocations
De la sorte, l'Esprit devient le grand animateur de toute vocation, Celui qui
accompagne le cheminement pour qu'il arrive au but, l'iconographe intérieur
qui modèle avec imagination le visage de chacun selon Jésus. Il est
toujours présent à côté de chaque homme et de chaque femme, pour conduire tous
les hommes au discernement de leur identité de croyants et d'appelés, pour
modeler cette identité exactement selon le modèle de l'amour divin. Cette «
empreinte divine », l'Esprit sanctificateur cherche à la reproduire en chacun de
nous, patient artisan de nos âmes et « consolateur parfait ». Mais
l'Esprit rend surtout les appelés capables de « témoigner »: « il me rendra
témoignage. Mais vous aussi, vous témoignerez » (Jn 15, 26-27). Cette
façon d'être de tout appelé constitue la parole convaincante, le contenu même de
la mission. Le témoignage ne consiste pas seulement à suggérer les paroles de
l'annonce comme dans l'Evangile de Matthieu (Mt 10, 20), mais plutôt à
conserver Jésus dans son coeur et à l'annoncer, lui, comme la vie du monde.
c) La sainteté, vocation de tous La question concernant le saut de
qualité à imprimer à la pastorale des vocations aujourd'hui devient une
interrogation qui engage sans aucun doute à écouter l'Esprit: car c'est lui
l'annonciateur des « choses à venir » (Jn 16, 13); c'est lui qui donne
une intelligence spirituelle nouvelle pour comprendre l'histoire et la vie à
partir de la Pâque du Seigneur dont la victoire comporte l'avenir de tout homme.
Il devient donc légitime de nous demander: En quoi réside l'appel de l'Esprit
Saint pour notre temps? Quelles corrections devons-nous apporter aux chemins de
la pastorale des vocations? La réponse ne viendra que si nous accueillons
le grand appel à la conversion, adressé à la communauté ecclésiale et à chacun
de nous en elle, comme un véritable itinéraire d'ascétique et de renaissance
intérieure, pour que chacun retrouve la fidélité à sa propre vocation. Il
existe une primauté de la vie dans l'Esprit qui est à la base de toute
pastorale des vocations. Cela exige de dépasser un pragmatisme diffus et
l'extériorisation qui conduit à oublier la vie théologale de la foi, de
l'espérance et de la charité. L'écoute profonde de l'Esprit est le nouveau
souffle de toute action pastorale de la communauté ecclésiale. La
primauté de la vie spirituelle est la prémisse pour répondre à cette
nostalgie de sainteté qui, comme nous l'avons déjà rappelé, traverse aussi
l'époque qu'est en train de vivre l'Eglise d'Europe. La sainteté est la vocation
universelle de chaque homme,(36) elle est la voie royale vers laquelle
convergent les nombreux sentiers des vocations particulières. Par conséquent, le
grand rendez-vous de l'Esprit pour ce tournant de l'histoire post-conciliaire
est la sainteté des appelés. d) Les vocations au service de la
vocation de l'Eglise Mais tendre efficacement vers cet objectif
signifie adhérer à l'action mystérieuse de l'Esprit selon certaines directions
précises, qui préparent et constituent le secret d'une vraie vitalité de
l'Eglise de l'an 2000. C'est à l'Esprit Saint que revient le rôle éternel
de la communion qui se reflète dans l'icône de la communauté ecclésiale,
visible à travers la pluralité des dons et des ministères.(37) Car c'est
précisément dans l'Esprit que chaque chrétien découvre son originalité absolue,
l'unicité de son appel et, en même temps, sa tendance naturelle et indélébile
vers l'unité. C'est dans l'Esprit que les vocations dans l'Eglise sont
nombreuses tout en n'étant qu'une seule et même vocation à l'unité de l'amour et
du témoignage. C'est encore l'action de l'Esprit qui rend possible la pluralité
des vocations dans l'unité de la structure ecclésiale: la variété des
vocations dans l'Eglise est nécessaire pour réaliser la vocation de l'Eglise et,
à son tour, la vocation de l'Eglise est de rendre possibles et praticables les
vocations de et dans l'Eglise. Les diverses vocations sont donc tournées
vers le témoignage de l'agapê, vers l'annonce du Christ, unique Sauveur du
monde. Telle est précisément l'originalité de la vocation chrétienne:
faire coïncider la réalisation de la personne avec celle de la communauté. Ce
qui veut dire — encore une fois — faire prévaloir la logique de l'amour sur
celle des intérêts privés, la logique du partage sur celle de l'appropriation
narcissique des talents (cf. 1 Co 12-14). La sainteté devient donc
la véritable épiphanie de l'Esprit Saint dans l'histoire. Si chaque Personne de
la Communion Trinitaire a son visage, et s'il est vrai que les visages du Père
et du Fils sont assez familiers, car Jésus en se faisant homme nous a révélé le
visage du Père, les saints deviennent l'icône la plus parlante de l'Esprit. De
même tout croyant fidèle à l'Evangile, selon sa vocation particulière et suivant
l'appel universel à la sainteté, cache et révèle le visage de l'Esprit Saint.
e) Le « oui » à l'Esprit dans la Confirmation Le sacrement de la
Confirmation est le moment qui exprime de manière la plus évidente et consciente
le don et la rencontre avec l'Esprit Saint. Le confirmant face à Dieu et
à son geste d'amour (« Reçois le sceau de l'Esprit Saint qui t'est donné en don
»),(38) mais face aussi à sa conscience et à la communauté chrétienne, répond «
amen ». Il est important de retrouver le sens fort de cet « amen » au niveau de
la formation et de la catéchèse.(39) Il veut avant tout signifier le «
oui » à l'Esprit Saint et, avec lui, à Jésus. Voilà pourquoi la célébration du
sacrement de Confirmation prévoit le renouvellement des promesses baptismales et
demande au confirmant de s'engager à renoncer au péché et aux oeuvres du malin,
toujours aux aguets pour défigurer l'image chrétienne; et surtout de s'engager à
vivre l'Evangile de Jésus et, en particulier, le commandement de l'amour. Il
s'agit de confirmer et de rénover la fidélité de sa vocation à son identité de
fils de Dieu. L'« amen » est également un « oui » à l'Eglise. Par la
Confirmation, le jeune déclare prendre en charge la mission de Jésus que
continue la communauté, en s'engageant dans deux directions pour rendre concret
son « amen »: le témoignage et la mission. Celui qui reçoit la
Confirmation sait que la foi est un talent qu'il faut faire fructifier; c'est un
message à transmettre aux autres par la vie, par le témoignage cohérent
de tout son être; et par la parole, avec le courage missionnaire de
diffuser la bonne nouvelle. Enfin, l'« amen » exprime la docilité à
l'Esprit Saint pour penser et décider de son avenir selon le projet de Dieu.
Non seulement selon ses aspirations et aptitudes; non seulement dans les espaces
mis à sa disposition par le monde; mais surtout en harmonie avec le dessein,
toujours inédit et imprévisible, que Dieu a sur chacun. De la
Trinité à l'Eglise dans le monde 19. Toute vocation chrétienne
est « particulière » car elle interpelle la liberté de chaque homme et engendre
une réponse tout à fait personnelle dans une histoire originale et unique. C'est
pourquoi chacun, dans sa propre expérience de vocation, trouve une histoire qui
ne peut être réduite à des schémas généraux. L'histoire de chaque homme est une
petite histoire, mais fait toujours partie, d'une manière absolument unique,
d'une grande histoire. Dans le rapport entre ces deux histoires, entre sa
petitesse et la grandeur qui lui appartient et le dépasse, l'être humain joue sa
liberté. a) Dans l'Eglise et dans le monde, pour l'Eglise et le monde
Chaque vocation naît en un lieu précis, dans un contexte concret et limité, mais
ne se referme pas sur elle-même, ni ne tend à une perfection privée ou à
l'auto-réalisation psychologique ou spirituelle de l'appelé; elle fleurit
dans l'Eglise, dans cette Eglise qui chemine dans le monde vers le Royaume
accompli, vers la réalisation d'une histoire qui est grande car c'est une
histoire de salut. La communauté ecclésiale elle-même possède une
structure profondément vocationnelle: elle est appelée pour la mission; elle est
le signe du Christ missionnaire du Père. Comme le dit Lumen Gentium: «
L'Eglise est, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c'est-à-dire à la
fois le signe et le moyen de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le
genre humain ».(40) D'une part, l'Eglise est le signe qui reflète le
mystère de Dieu; elle est l'icône qui renvoie à la communion trinitaire sous le
signe de la communauté visible et au mystère du Christ dans le dynamisme de la
mission universelle. De l'autre, l'Eglise est immergée dans le temps des hommes,
elle vit dans l'histoire dans une condition d'exode, elle est en mission au
service du Royaume pour transformer l'humanité en la communauté des enfants de
Dieu. Aussi l'attention envers l'histoire demande-t-elle à la communauté
ecclésiale de se mettre à l'écoute des attentes des hommes, de lire les signes
des temps qui constituent le code et le langage de l'Esprit Saint, d'entrer en
un dialogue critique et fécond avec le monde contemporain, en accueillant avec
bienveillance les traditions et les cultures pour révéler en elle le dessein du
Royaume et y jeter le levain de l'Evangile. La petite grande histoire de
chaque vocation se mêle à l'histoire de l'Eglise dans le monde. De même qu'il
est né dans l'Eglise et dans le monde, chaque appel est au service de l'Eglise
et du monde. b) L'Eglise, communauté et communion de vocations
C'est dans l'Eglise, communauté de dons pour l'unique mission, que se réalise le
passage de la condition où se trouve le croyant inséré dans le Christ par le
Baptême à sa vocation « particulière » comme réponse au don spécifique de
l'Esprit. Dans cette communauté, toute vocation est « particulière » et se
spécifie à travers un projet de vie; il n'existe pas de vocations générales.
Par ailleurs, dans sa particularité, chaque vocation est à la fois « nécessaire
» et « relative ». « Nécessaire », parce que le Christ vit et se rend visible
dans son corps qu'est l'Eglise et dans le disciple qui en constitue une partie
essentielle. « Relative », parce qu'aucune vocation n'épuise à elle seule le
signe de témoignage du mystère du Christ, mais n'en exprime qu'un aspect. Seul
l'ensemble des dons manifeste l'ensemble du corps du Seigneur. Dans l'édifice,
chaque pierre a besoin de l'autre (1 P 2, 5); dans le corps, chaque
membre a besoin de l'autre pour faire grandir l'organisme tout entier et
profiter à l'utilité commune (1 Co 12, 7). Cela demande que la vie
de chacun soit conçue à partir de Dieu qui en est la source unique et que tout
pourvoit au bien de tout; cela exige que l'on redécouvre que la vie n'est
véritablement significative que si elle accepte de se mettre sur les traces de
Jésus. Mais il est important aussi qu'il y ait une communauté ecclésiale
qui aide de fait tout appelé à découvrir sa vocation. Le climat de foi, de
prière, de communion dans l'amour, de maturité spirituelle, de courage de
l'annonce, d'intensité de la vie sacramentelle fait de la communauté croyante un
terrain adapté non seulement à l'éclosion de vocations particulières, mais à la
création d'une culture des vocations et d'une disponibilité des individus à
recevoir leur appel personnel. Lorsqu'un jeune perçoit l'appel et décide en son
coeur d'accomplir le saint voyage conduisant à sa réalisation, normalement il
existe là une communauté qui a créé les prémisses de cette disponibilité à
l'obéissance.(41) Ou si l'on veut: la fidélité d'une communauté
croyante à sa vocation est la condition primordiale et fondamentale de
l'éclosion de la vocation individuelle des croyants, en particulier des plus
jeunes. c) Signe, ministère, mission Aussi chaque
vocation, en tant que choix de vie stable et définitif, s'ouvre sur une triple
dimension: par rapport au Christ, tout appel est « signe »; par rapport à
l'Eglise, elle est « ministère »; par rapport au monde, elle est «
mission » et témoignage du Royaume. Si l'Eglise est « dans le Christ,
en quelque sorte sacrement », toute vocation révèle la dynamique profonde de la
communion trinitaire, l'action du Père, du Fils et de l'Esprit, comme événement
qui fait être dans le Christ des créatures nouvelles modelées sur lui.
Chaque vocation est dès lors un signe, une façon particulière de révéler
le visage du Seigneur Jésus. « L'amour du Christ nous presse » (2 Co 5,
14). Jésus devient ainsi le mobile et le modèle décisifs de toute réponse aux
appels de Dieu. Par rapport à l'Eglise, toute vocation est ministère,
enraciné dans la pure gratuité du don. L'appel de Dieu est un don pour la
communauté, pour l'utilité commune, dans le dynamisme des nombreux services
ministériels. Cela est possible dans la docilité à l'Esprit qui fait de l'Eglise
la « communauté des visages »(42) et engendre dans le coeur du chrétien l'agapê,
non seulement comme éthique de l'amour, mais aussi comme structure profonde de
la personne, appelée et habilitée à vivre en relation aux autres, dans une
attitude de service, selon la liberté de l'Esprit. Enfin, toute vocation,
par rapport au monde, est mission. Elle est vécue en plénitude parce
qu'elle est vécue pour les autres, comme celle de Jésus; elle est donc
génératrice de vie: « la vie engendre la vie ».(43) D'où la participation
intrinsèque de toute vocation à l'apostolat et à la mission de l'Eglise, germe
du Royaume. Vocation et mission constituent deux faces du même prisme. Elles
définissent le don et la contribution de chacun au projet de Dieu, à l'image et
à la ressemblance de Jésus. d) L'Eglise, mère de vocations
L'Eglise est mère de vocations car elle les fait naître en son sein, avec la
puissance de l'Esprit, elle les protège, les nourrit et les soutient. En
particulier, elle est mère car elle exerce une précieusefonction médiatrice
et pédagogique. « L'Eglise, appelée par Dieu, constituée dans le
monde comme communauté d'appelés, est à son tour instrument de l'appel de Dieu.
L'Eglise est un appel vivant, par la volonté du Père, par les mérites du
Seigneur Jésus, par la force de l'Esprit Saint (...). La communauté, qui prend
conscience d'être appelée, prend en même temps conscience qu'elle doit
continuellement appeler ».(44) C'est à travers et au long de cet appel, sous ses
diverses formes, que passe aussi l'appel qui vient de Dieu. Elle l'exerce
encore lorsqu'elle se fait l'interprète autorisé de l'appel vocationnel
explicite et qu'elle appelle elle-même, présentant les nécessités liées à sa
mission et aux exigences du peuple de Dieu, et en invitant à répondre
généreusement. Elle l'exerce également lorsqu'elle demande au Père le don
de l'Esprit qui suscite la réponse dans le coeur des appelés et lorsqu'elle les
accueille et reconnaît en eux l'appel lui-même, en leur donnant explicitement et
en leur confiant avec ferveur une mission concrète et toujours difficile parmi
les hommes. Nous pourrions enfin ajouter que l'Eglise manifeste sa
maternité lorsque, au-delà de l'appel et de la reconnaissance de l'aptitude des
appelés, elle pourvoit à leur formation adéquate, initiale et permanente, et à
leur accompagnement tout au long de la voie d'une réponse toujours plus fidèle
et radicale. La maternité ecclésiale ne peut certes pas s'épuiser lors de
l'appel initial. De même qu'une communauté de croyants qui ne ferait qu'«
attendre », ne faisant reposer la responsabilité de l'appel que sur l'action
divine, craignant presque d'adresser des appels, ne saurait se dire mère. Tout
comme si elle donnait pour acquis le fait que des jeunes gens et des jeunes
filles, en particulier, sachent recevoir immédiatement l'appel à une vocation;
ou si elle n'offrait pas des cheminements visant à une proposition et à un
accueil de cette proposition. La crise des vocations des appelés est
également, aujourd'hui, la crise de ceux qui appellent, désertant parfois ou
n'osant pas le faire. Si personne n'appelle, comment quelqu'un pourrait-il
répondre? La dimension oecuménique 20. L'Europe
d'aujourd'hui a besoin de nouveaux saints et de nouvelles vocations, de croyants
capables de « jeter des ponts » pour unir toujours davantage les Eglises. C'est
un aspect typique de nouveauté, un signe des temps de la pastorale des vocations
de cette fin de millénaire. Sur un continent marqué par une profonde aspiration
unitaire, les Eglises doivent être les premières à donner l'exemple d'une
fraternité plus forte que toutes les divisions et tout à construire et à
reconstruire. « La pastorale des vocations aujourd'hui en Europe doit revêtir
une dimension oecuménique. Toutes les vocations, présentes dans chaque Eglise
d'Europe, doivent s'efforcer ensemble de relever le grand défi de
l'évangélisation au seuil du troisième millénaire, en donnant un témoignage de
communion et de foi en Jésus-Christ, unique sauveur du monde ».(45) Dans
cet esprit d'unité ecclésiale, il faut encourager le partage des biens que
l'Esprit de Dieu a semés un peu partout, ainsi que l'aide réciproque entre les
Eglises. Les Eglises catholiques d'Orient 21. Les
Eglises d'Europe occidentale doivent accorder une plus grande attention aux
cheminements spirituels et de formation des Eglises catholiques orientales. Cela
ne peut qu'exercer une influence bénéfique sur la pastorale des vocations de
toutes les Eglises. La sainte liturgie revêt une importance particulière
à l'égard de la formation des vocations pour les Eglises d'Orient. Elle est le
lieu où se réalisent la proclamation et l'adoration du Mystère du salut, où naît
la communion et où se construit la fraternité entre les croyants, jusqu'à
devenir la véritable formatrice de la vie chrétienne, la synthèse la plus
complète de ses différents aspects. Dans la liturgie, la confession joyeuse
d'appartenir à la tradition des Eglises d'Orient est unie à la pleine communion
avec l'Eglise de Rome. C'est pourquoi les évêques, les supérieurs
religieux et les agents pastoraux des Eglises catholiques orientales d'Europe
sont sollicités à ressentir cette urgence pour toutes leurs Eglises, en
retrouvant et en conservant intégralement leur patrimoine liturgique respectif,
patrimoine qui contribue de façon unique à la naissance et au développement de
la théologie et de la catéchèse. Cela, à l'exemple de la méthode mystagogique
des Pères, ouvre à l'expérience de l'appel et de la vie spirituelle et fait
mûrir un esprit oecuménique fort et sûr.(46) Dans les expériences
ecclésiales diversifiées, et à travers des études qui présentent le patrimoine
historique, théologique, juridique et spirituel de leurs Eglises d'appartenance,
les jeunes orientaux peuvent opportunément trouver des milieux éducatifs
capables de faire mûrir le sens universel de leur dévouement au Christ et à
l'Eglise. Les évêques ont pour tâche de promouvoir, d'approcher avec
sympathie et d'accompagner avec un soin paternel les jeunes qui,
individuellement ou en groupe, demandent à se consacrer à la vie monastique en
mettant en valeur le charisme des communautés monastiques, riches de formateurs
et de guides spirituels. Le ministère ordonné et les vocations dans
la réciprocité de la communion 22. « Dans beaucoup d'Eglises
particulières, la pastorale des vocations a encore besoin de faire la clarté sur
les rapports entre ministère ordonné, vocation de consécration spéciale et
toutes les autres vocations. Une pastorale des vocations unitaire se fonde sur
la nature vocationnelle de l'Eglise et de toute vie humaine comme appel et
réponse. Ceci est à la base des efforts unitaires de toute l'Eglise pour toutes
les vocations et, en particulier, pour les vocations de consécration spéciale
».(47) a) Le ministère ordonné A l'intérieur de cette
sensibilité générale, une attention pastorale particulière semble devoir être
accordée aujourd'hui au ministère ordonné, qui représente la première
modalité spécifique d'annonce de l'Evangile. Il représente « la garantie
permanente de la présence sacramentelle, dans la diversité des temps et des
lieux, du Christ Rédempteur »,(48) et exprime précisément la dépendance directe
de l'Eglise par rapport au Christ qui continue à envoyer son Esprit afin qu'elle
ne reste pas fermée sur elle-même, dans son cénacle, mais qu'elle chemine sur
les routes du monde pour annoncer la bonne nouvelle. Cette modalité
vocationnelle peut s'exprimer selon trois niveaux: épiscopal (auquel est
liée la garantie de la succession apostolique), presbytéral (qui «
représente sacramentellement le Christ Tête et Pasteur »)(49) et diaconal
(signe sacramentel du Christ serviteur).(50) Le ministère de l'appel à l'égard
de ceux qui aspirent aux Ordres sacrés, pour devenir leurs coopérateurs dans la
charge apostolique, est confié aux évêques. Le ministère ordonné fait
être l'Eglise, surtout à travers la célébration de l'Eucharistie, « culmen et
fons »(51) de la vie chrétienne et de la communauté appelée à faire mémoire du
Ressuscité. Toute autre vocation naît dans l'Eglise et fait partie de sa vie.
Par conséquent, le ministère ordonné exerce un service de communion dans la
communauté et, en vertu de cela, possède la tâche inéluctable de promouvoir
toute vocation. D'où la traduction pastorale: le ministère ordonné
pour toutes les vocations et toutes les vocations pour le ministère ordonné dans
la réciprocité de la communion. L'évêque, avec son presbytérium, est donc appelé
à discerner et à cultiver tous les dons de l'Esprit. Mais en particulier
l'attention accordée au séminaire doit devenir la préoccupation de toute
l'Eglise diocésaine pour garantir la formation des futurs prêtres et la
constitution de communautés eucharistiques comme pleine expression de
l'expérience chrétienne. b) L'attention accordée à toutes les
vocations Le discernement et l'attention de la communauté chrétienne
doivent s'appliquer à toutes les vocations, aussi bien à celles qui font
désormais partie de la tradition de l'Eglise qu'aux nouveaux dons de l'Esprit:
la consécration religieuse dans la vie monastique et dans la vie apostolique, la
vocation laïque, le charisme des Instituts séculiers, les sociétés de vie
apostolique, la vocation au mariage, les diverses formes laïques
d'agrégation-association liées aux Instituts religieux, les vocations
missionnaires, les nouvelles formes de vie consacrée. Ces différents dons
de l'Esprit sont présents de diverse façon dans les Eglises d'Europe; mais
toutes ces Eglises, en tout cas, sont appelées à donner un témoignage d'accueil
et d'attention à toute vocation. Une Eglise est d'autant plus vivante que
l'expression des diverses vocations en elle est riche et variée. Par
ailleurs, à une époque comme la nôtre, qui a besoin de prophétie, il est sage de
favoriser ces vocations qui sont un signe particulier de « ce que nous serons et
qui n'a pas encore été manifesté » (1 Jn 3, 2), comme les vocations de
consécration spéciale; mais il est sage également et indispensable de
favoriser l'aspect prophétique typique de chaque vocation chrétienne, y compris
laïque, afin que l'Eglise soit toujours plus, face au monde, signe des
choses futures, de ce Royaume qui est « déjà maintenant et pas encore ».
Marie, mère et modèle de toute vocation 23. Il existe une
créature en qui le dialogue entre la liberté de Dieu et la liberté de l'homme se
réalise d'une manière parfaite, de sorte que les deux libertés puissent agir
entre elles en réalisant pleinement le projet de vocation; une créature qui nous
est donnée afin qu'en elle nous puissions contempler un dessein parfait de
vocation, celui qui devrait s'accomplir en chacun de nous. C'est Marie,
l'image réussie du rêve de Dieu sur la créature! Elle est, en effet, créature,
comme nous, petit fragment où Dieu a pu reverser son amour divin; espérance qui
nous est donnée, pour qu'en la voyant nous puissions nous aussi accueillir la
Parole, afin qu'elle s'accomplisse en nous. Marie est la femme où la Très
Sainte Trinité peut manifester pleinement sa liberté élective. Comme le
dit Saint Bernard, commentant le message de l'ange Gabriel, lors de
l'Annonciation: « Ce n'est pas une Vierge trouvée au dernier moment, ni par
hasard, mais elle fut choisie avant les siècles; le Très-Haut l'a prédestinée et
se l'est préparée ».(52) Saint Augustin lui fait écho: « Avant que le Verbe
naisse de la Vierge, il l'avait déjà prédestinée pour être sa mère ».(53)
Marie est l'image du choix divin de toute créature, choix fait depuis toute
éternité et souverainement libre, mystérieux et aimant. Choix qui doit bien
au-delà de ce que la créature peut penser d'elle: qui lui demande l'impossible
et qui lui demande simplement une chose, le courage de faire confiance.
Mais la vierge Marie est aussi le modèle de la liberté humaine dans la
réponse à ce choix. Elle est le signe de ce que Dieu peut faire lorsqu'il trouve
une créature libre d'accueillir sa proposition. Libre de dire son « oui », libre
de se mettre en chemin au long du pèlerinage de la foi, qui sera aussi le
pèlerinage de sa vocation de femme appelée à être Mère du Sauveur et Mère de
l'Eglise. Ce long voyage s'accomplira au pied de la croix, à travers un « oui »
encore plus mystérieux et douloureux qui la rendra pleinement mère; puis une
nouvelle fois au cénacle, où elle engendre et continue aujourd'hui encore à
engendrer, avec l'Esprit, l'Eglise et chaque vocation. Enfin, Marie est
l'image parfaitement réalisée de la femme, synthèse parfaite du génie
féminin et de l'imagination de l'Esprit, qui trouve et choisit en elle l'épouse,
vierge mère de Dieu et de l'homme, fille du Très-Haut et mère de tous les
vivants. En elle, chaque femme retrouve sa vocation, de vierge, d'épouse et de
mère! TROISIÈME PARTIE
LA PASTORALE DES VOCATIONS:
« ...Chacun les entendait parler dans sa
propre langue » (Ac 2, 6)
Les
orientations concrètes de la pastorale des vocations ne découlent pas seulement
d'une théologie correcte de la vocation, mais passent par plusieurs principes
opérationnels où la perspective de la vocation est l'âme et le critère
unificateur de toute la pastorale. Nous indiquons ici les
itinéraires de foi et les lieux concrets où la proposition d'une vocation doit
devenir un engagement quotidien de tout pasteur et de tout éducateur.
L'analyse de la situation nous a offert, dans la première partie, le cadre de la
réalité européenne actuelle sur le plan des vocations. En revanche, la seconde
partie a proposé une réflexion théologique sur la signification et sur le
mystère de la vocation, à partir de la réalité de la Trinité jusqu'à saisir son
sens dans la vie de l'Eglise. C'est précisément ce second aspect que nous
voudrions maintenant approfondir, en particulier du point de vue de
l'application pastorale. Lors de l'audience accordée aux
participants de notre Congrès, Jean-Paul II a affirmé: « Les nouvelles
conditions historiques et culturelles exigent que la pastorale des vocations
soit perçue comme un des objectifs primordiaux de la communauté chrétienne
tout entière ».(54) L'icône de l'Eglise primitive
24. Les situations historiques changent, mais le point de référence dans la vie
du croyant et de la communauté croyante reste identique, ce point de référence
que constitue la Parole de Dieu, en particulier lorsqu'elle raconte l'histoire
de l'Eglise primitive. Cette histoire de la communauté primitive et la façon
dont elle l'a vécue constituent pour nous l'exemplum, le modèle pour être
Eglise, notamment en ce qui concerne la pastorale des vocations. Voyons
simplement quelques éléments essentiels et particulièrement exemplaires, tels
que nous les propose le livre des Actes des Apôtres, au moment où
l'Eglise primitive était numériquement très pauvre et faible. La pastorale des
vocations a le même âge que l'Eglise; elle naît alors avec elle, dans cette
pauvreté habitée à l'improviste par l'Esprit. A l'aube de cette histoire
singulière, en effet, qui est d'ailleurs notre histoire à tous, il y a la
promesse de l'Esprit Saint, faite par Jésus avant de monter vers le Père. «
Il ne vous appartient pas de connaître les temps et moments que le Père a fixés
de sa seule autorité. Mais vous allez recevoir l'Esprit Saint qui descendra sur
vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la
Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre » (Ac 1, 7-8). Les Apôtres
sont réunis au cénacle, « assidus à la prière avec... Marie, mère de Jésus
» (1, 14) et ils s'emploient tout de suite à pourvoir la place laissée vide par
Judas en choisissant quelqu'un parmi eux qui a été dès le commencement avec
Jésus: afin qu'il devienne avec nous témoin de sa résurrection » (1, 22).
Et la promesse s'accomplit: l'Esprit descend, en grand fracas, et remplit la
maison et la vie de ceux qui, auparavant, étaient timides et peureux, comme un
vrombissement, un vent, un feu... Ils « commencèrent à parler en d'autres
langues... et chacun les entendait parler dans son propre idiome » (2,
4.6). Pierre fait alors un discours dans lequel il raconte l'Histoire du salut,
« debout... élevant la voix » (2, 14); un discours qui « transperce le coeur »
de ceux qui l'écoutent et provoque la question décisive de la vie: « Que
devons-nous faire? » (2, 37). Les Actes décrivent alors la vie de la
première communauté, rythmée par plusieurs éléments essentiels, comme
l'assiduité dans l'écoute de l'enseignement des Apôtres, l'union fraternelle, la
fraction du pain, la prière, le partage des biens matériels; mais avec aussi les
sentiments et les biens de l'Esprit (cf. 2, 42-48). Entre-temps, Pierre
et les Apôtres continuent d'accomplir des prodiges au nom de Jésus et d'annoncer
le kérygme du salut, en risquant leur vie, mais toujours soutenus par la
communauté, au sein de laquelle les croyants « n'a qu'un coeur et qu'une âme »
(4, 32). En elle, d'autre part, les exigences commencent aussi à augmenter et à
se diversifier, de sorte que des diacres sont institués pour faire face aux
nécessités, notamment matérielles, de la communauté, en particulier des plus
faibles (cf. 6, 1-7). Le témoignage, fort et courageux, ne peut pas ne
pas provoquer le refus de l'autorité: voici dès lors le premier martyr,
Etienne, comme pour souligner que la cause de l'Evangile prend tout de l'homme,
même la vie (cf. 6, 8 - 7, 70). Saul, le persécuteur des chrétiens, qui bientôt
sera choisi par Dieu pour annoncer aux païens le mystère caché dans les siècles
et désormais révélé, apporte même son soutien à la sentence qui condamne
Etienne. Et l'histoire continue, toujours plus comme une histoire sainte:
histoire de Dieu qui choisit et appelle les hommes au salut, de façon parfois
imprévisible, et histoire des hommes qui se laissent appeler et choisir par
Dieu. Ces quelques notes peuvent nous suffir pour saisir dans la
communauté des origines les traces fondamentales de la pastorale d'une Eglise
entièrement vocationnelle: sur le plan des méthodes et des contenus, des
principes généraux, des itinéraires à parcourir et des stratégies spécifiques
pour la réaliser. Aspects théologiques de la pastorale des
vocations 25. Mais quelle théologie fonde, inspire et motive la
pastorale des vocations en tant que telle? La réponse est importante dans
notre contexte, car elle sert d'élément médiateur entre la théologie de la
vocation et une pratique pastorale cohérente avec celle-ci, qui naisse de cette
théologie et qui y retourne. De fait, sur cette interrogation, le Congrès a
exprimé l'exigence d'une réflexion et d'une étude ultérieures, dans l'intention
de découvrir les motifs qui lient intrinsèquement personnes et communautés dans
l'action en faveur des vocations et pour mettre en évidence une meilleure
relation entre théologie de la vocation, théologie de la pastorale des vocations
et pratique pédagogico-pastorale. « La pastorale des vocations naît du
mystère de l'Eglise et se met à son service ».(55) Le fondement théologique de
la pastorale des vocations « ne peut (donc) se faire qu'à partir du mystère de
l'Eglise, comme mysterium vocationis ».(56) Jean-Paul II rappelle
clairement à cet égard que le « thème de la vocation est connaturel et
essentiel à la pastorale de l'Eglise », c'est-à-dire à sa vie et à sa
mission.(57) La vocation définit donc, en un certain sens, l'être profond de
l'Eglise, avant même son action. Son nom même, « Ecclesia », indique sa
nature vocationnelle, car elle est vraiment une assemblée d'appelés.(58)
L'Instrumentum laboris du Congrès relève alors, à juste titre, que « la
pastorale des vocations unitaire se fonde sur la nature vocationnelle de
l'Eglise ».(59) En conséquence, la pastorale des vocations, par nature,
est une activité ordonnée à l'annonce du Christ et à l'évangélisation de ceux
qui croient au Christ. La réponse à notre question est donc la suivante: c'est
précisément dans l'appel de l'Eglise à communiquer la foi qu'est enracinée la
théologie de la pastorale des vocations. Ceci concerne l'Eglise universelle,
mais s'applique tout spécialement à chaque communauté chrétienne,(60)
spécialement en cette période de l'histoire du vieux continent. « Pour cette
mission sublime consistant à faire fleurir une nouvelle saison d'évangélisation
en Europe, il faut aujourd'hui des évangélisateurs particulièrement préparés
».(61) A ce propos, il convient de rappeler plusieurs points clé mis en
relief par le magistère pontifical actuel, afin qu'ils deviennent des points de
départ de la pratique pastorale des Eglises particulières. a) Une
fois la dimension vocationnelle de l'Eglise mise en évidence, on comprend que la
pastorale des vocations n'est pas un élément accessoire ou secondaire, tendant
simplement au recrutement d'agents pastoraux, ni un moment isolé ou sectoriel,
déterminé par une situation ecclésiale d'urgence, mais plutôt une activité liée
à l'être de l'Eglise et donc aussi intimement insérée dans la
pastorale générale de chaque Eglise.(62) b) Toute vocation
chrétienne vient de Dieu, mais arrive à l'Eglise et passe toujours par sa
médiation. L'Eglise (« ecclesia »), qui par nature est vocation,
est en même temps génératrice et éducatrice de vocations.(63) Par
conséquent, « la pastorale des vocations a comme sujet actif, comme
protagoniste, la communauté ecclésiale comme telle, dans ses diverses
expressions: de l'Eglise universelle à l'Eglise particulière et, analogiquement,
de celle-ci à la paroisse et à tous les membres du peuple de Dieu ».(64)
c) Tous les membres de l'Eglise, sans exception, ont la grâce et la
responsabilité des vocations. C'est un devoir qui rentre dans le dynamisme
vital de l'Eglise et dans son processus de développement. Ce n'est que sur la
base de cette conviction que la pastorale des vocations pourra manifester son
visage véritablement ecclésial et développer une action concordante, en se
servant également d'organismes spécifiques et d'instruments adéquats de
communion et de co-responsabilité.(65) d) L'Eglise particulière
découvre sa dimension existentielle et terrestre dans la vocation de tous ses
membres à la communion, au témoignage, à la mission, au service de Dieu et des
frères... Par conséquent, elle respectera et encouragera la diversité des
charismes et des ministères, donc des différentes vocations, qui sont des
manifestations de l'unique Esprit. e) Le pilier de toute la
pastorale des vocations est la prière commandée par le Sauveur (Mt
9, 38). Elle engage non seulement les individus mais aussi les communautés
ecclésiales tout entières.(66) « Nous devons adresser une prière instante au
Maître de la moisson, pour qu'il envoie des ouvriers dans son Eglise, afin de
faire face aux urgences de la nouvelle évangélisation ».(67) Mais
l'authentique prière pour les vocations, il est bon de le rappeler, ne mérite ce
nom et ne devient efficace que lorsqu'elle crée une cohérence de vie avant tout
chez l'orant lui-même, et s'associe, dans le reste de la communauté croyante, à
l'annonce explicite et à la catéchèse adéquate, pour favoriser chez ceux qui
sont appelés au sacerdoce et à la vie consacrée, comme à toute autre vocation
chrétienne, une réponse libre, disponible et généreuse, qui permette à la grâce
de la vocation d'opérer.(68) Principes généraux de la pastorale des
vocations 26. Un peu partout, le besoin se fait sentir de donner
à la pastorale une empreinte vocationnelle claire. Pour atteindre cet objectif
programmatique, tentons de définir plusieurs principes théoricopratiques, que
nous déduirons de la théologie de la pastorale et, en particulier, des « points
clé » qui lui sont liés. Concentrons ces principes autour de plusieurs
affirmations thématiques. a) La pastorale des vocations est la
perspective originelle de la pastorale en général L'Instrumentum
laboris du Congrès sur les vocations l'affirme de façon explicite: « Toute
la pastorale, et en particulier celle des jeunes, est naturellement une
pastorale des vocations ».(69) En d'autres termes, dire vocation signifie dire
dimension constitutive et essentielle de la pastorale ordinaire, car la
pastorale tend, depuis le commencement, par nature, au discernement des
vocations. C'est un service qu'elle rend à chaque personne, afin que celle-ci
puisse comprendre le cheminement qui doit être le sien pour réaliser un projet
de vie comme Dieu le veut, selon les nécessités de l'Eglise et du monde
d'aujourd'hui.(70) C'est déjà ce qu'avait affirmé le Congrès
latino-américain sur les vocations, en 1994. Mais il nous faut élargir
cette perspective: la vocation n'est pas seulement le projet existentiel, mais
tous les appels individuels de Dieu, se référant toujours, évidemment, à un plan
de vie fondamental, et disséminés tout au long de l'existence. La pastorale
authentique rend le croyant vigilant, attentif aux nombreux appels du Seigneur,
prêt à capter sa voix et à lui répondre. La fidélité à ce type d'appels
quotidiens rend précisément le jeune d'aujourd'hui capable de reconnaître et
d'accueillir « l'appel » de sa vie, et l'adulte de demain non seulement capable
de lui être fidèle, mais aussi de découvrir toujours plus sa fraîcheur et sa
beauté. Chaque vocation, en effet, est « matinale »; elle est la réponse de
chaque matin à un appel nouveau chaque jour. Voilà pourquoi la pastorale
sera imprégnée d'attention à la vocation, pour l'éveiller en chaque croyant.
Elle partira de l'intention explicite de placer le croyant face à la proposition
de Dieu; elle oeuvrera pour conduire le sujet à prendre ses responsabilités à
l'égard du don reçu ou de la Parole de Dieu entendue; elle cherchera, de fait, à
entraîner le croyant à se compromettre face à ce Dieu.(71) b) La
pastorale des vocations est la vocation de la pastorale aujourd'hui
En ce sens, on peut dire qu'il faut « vocationnaliser » toute la
pastorale, ou faire en sorte que chaque expression de la pastorale manifeste
d'une façon claire et sans équivoque un projet ou un don de Dieu fait à la
personne et stimule chez elle une volonté de réponse et d'implication
personnelle. Ou bien la pastorale chrétienne conduit à cette confrontation avec
Dieu, avec tout ce que cela implique en terme de tension, de lutte, parfois de
fugue, mais aussi de paix et de joie liées à l'accueil du don, ou alors elle ne
mérite pas ce nom. Cela se manifeste aujourd'hui d'une façon toute
particulière, au point de pouvoir affirmer que la pastorale des vocations est la
vocation de la pastorale: elle en constitue peut-être l'objectif principal,
comme un défi pour la foi des Eglises d'Europe. La vocation est l'affaire la
plus sérieuse de la pastorale contemporaine. Alors, si la pastorale
en général est « appelée » à relever ce défi, et si c'est ce qu'on attend d'elle
aujourd'hui, elle doit être probablement plus courageuse et franche, plus
explicite pour aller au centre et au coeur du message-proposition, dirigée vers
la personne plus que vers le groupe, avec des implications plus concrètes et non
pas seulement de vagues rappels à une foi abstraite et éloignée de la vie.
Ce devra sans doute être aussi une pastorale plus pro-vocante que consolante;
capable, en tout cas, de transmettre le sens dramatique de la vie de l'homme,
appelé à faire quelque chose que personne ne pourra faire à sa place.
Dans le passage que nous avons cité, cette attention et cette tension
vocationnelles sont évidentes: dans le choix de Matthias, dans le discours
courageux (« debout en élevant la voix ») de Pierre à la foule, dans la façon
dont le message chrétien est annoncé et reçu (« il transperce le coeur »).
Il apparaît surtout clairement dans sa capacité de changer la vie de ceux qui y
adhèrent, comme cela résulte des conversions et du type de vie de la communauté
des Actes. c) La pastorale des vocations est graduelle et convergente
Nous avons déjà implicitement vu qu'il existe différentes sortes d'appels chez
l'homme, tout au long de sa vie: appel à la vie, avant tout, puis à l'amour, à
la responsabilité du don, puis à la foi, à suivre Jésus, au témoignage
particulier de sa foi, à être père ou mère, et à un service particulier pour
l'Eglise ou pour la société. Ceux qui tiennent compte, en premier lieu,
de ce riche ensemble de valeurs et de significations humaines et chrétiennes
d'où naît le sens de la vocation de la vie et de tout vivant font de l'animation
de vocations. Car ces valeurs permettent d'ouvrir la vie à de nombreuses
possibilités de vocations, convergeant ensuite vers un choix personnel
définitif. En d'autres termes, une pastorale des vocations correcte exige
que les choses se fassent graduellement, en partant des valeurs fondamentales et
universelles (le bien extraordinaire de la vie) et des vérités qui sont telles
pour tous (la vie est un bien reçu qui tend par nature à devenir bien donné),
pour passer ensuite à une spécification progressive, toujours plus personnelle
et concrète, croyante et révélée, de l'appel. Sur un plan plus
précisément pédagogique, il est important tout d'abord d'inculquer le sens de la
vie et de la gratitude pour celle-ci; pour transmettre ensuite cette
attitude fondamentale de responsabilité à l'égard de l'existence, et qui
demande par nature une réponse de la part de chacun dans la ligne de la
gratuité. De là, on peut ensuite passer à la transcendance de Dieu, Créateur
et Père. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'une proposition forte et radicale
(comme devrait toujours l'être la vocation chrétienne) devient possible, comme
celle de se consacrer à Dieu dans la vie sacerdotale ou consacrée. d)
La pastorale des vocations est à la fois générale et spécifique En
somme, la pastorale des vocations part nécessairement d'une vaste idée de la
vocation (et d'un appel adressé à tous en vue de celle-ci), pour se restreindre
et se préciser selon l'appel de chacun. En ce sens, la pastorale des vocations
est d'abord générale, puis spécifique, respectant un ordre qu'il ne semble
pas raisonnable d'inverser et qui déconseille, en général, de proposer
immédiatement une vocation particulière, sans aucune catéchèse progressive.
D'un autre côté, toujours en vertu de cet ordre, la pastorale des vocations ne
se limite pas à souligner de façon globale le sens de l'existence, mais conduit
à une implication personnelle dans un choix précis. Il n'y a pas de séparation,
ni encore moins de contraste, entre un appel qui souligne les valeurs communes
et fondatrices de l'existence et un appel à servir le Seigneur « selon la mesure
de la grâce reçue ». L'animateur des vocations, chaque éducateur dans la
foi, ne doit pas craindre de proposer des choix courageux et de don total, bien
que difficiles et non conformes à la mentalité du siècle. Par conséquent,
si chaque éducateur est un animateur de vocations, chaque animateur de vocations
est éducateur, et éducateur de toute vocation, en respectant le charisme
spécifique. De fait, chaque appel est lié à l'autre, il le suppose et le
sollicite, tandis que tous, ensemble, renvoient à la même source et au même
objectif qui est l'histoire du salut. Mais chacun possède une modalité
spécifique. L'authentique éducateur des vocations n'indique pas seulement
les différences entre un appel et un autre, en respectant les diverses tendances
chez les individus appelés, mais il laisse entrevoir et évoque ces «
possibilités suprêmes », de radicalisme et de dévouement, qui sont ouvertes à la
vocation de chacun et contenues en elle. Enseigner en profondeur les
valeurs de la vie, par exemple, signifie proposer (et apprendre à proposer) un
cheminement qui débouche naturellement sur la volonté de suivre le Christ
et qui peut conduire au choix d'une sequela typique de l'apôtre, du
prêtre ou du (de la) religieuxse, du moine qui abandonne le monde, ou du laïc
consacré dans le monde. D'un autre côté, proposer de suivre le Christ de
façon précise comme objectif de vie exige, par nature, une attention et une
formation préalables pour acquérir les valeurs élémentaires de la vie, de la
foi, de la gratitude-gratuité et de l'imitation du Christ requises de tout
chrétien. Il en résulte une stratégie vocationnelle théologiquement mieux
fondée et aussi plus efficace sur le plan pédagogique. Certains craignent que
l'élargissement de l'idée de vocation puisse nuire à la promotion spécifique des
vocations au sacerdoce et à la vie consacrée; en réalité, c'est exactement le
contraire. Le caractère graduel de l'annonce de la vocation permet, en
effet, de passer de l'objectif au subjectif et du général au particulier, sans
anticiper ni brûler les étapes des propositions, mais en les faisant
converger entre elles et vers la proposition décisive pour la personne,
qu'il faudra indiquer au moment opportun et mesurer attentivement, selon un
rythme qui tienne compte du destinataire en question. L'ordre harmonieux
et progressif rend beaucoup plus provocante et accessible la proposition
décisive faite à la personne. Concrètement, plus on forme le jeune à passer
naturellement de la gratitude pour le don reçu de la vie à la gratuité du bien
donné, plus il sera possible de lui proposer de se donner totalement à Dieu
comme résultat naturel et, pour certains, inéluctable. e) la pastorale
des vocations est universelle et permanente Il s'agit d'une double
universalité: en référence aux personnes auxquelles elle s'adresse et en
référence àl'âge de la vie auquel elle est faite. Avant tout, la
pastorale des vocations ne connaît pas de frontières. Comme nous l'avons dit
plus haut, elle ne s'adresse pas seulement à quelques personnes privilégiées ou
qui ont déjà fait une option de foi, ni même uniquement à ceux de la part de qui
il semble licite de s'attendre à une réponse positive, mais elle est adressée à
tous, précisément parce qu'elle est fondée sur les valeurs élémentaires de
l'existence. Ce n'est pas une pastorale d'élite, mais populaire; ce n'est pas
une récompense pour les plus méritants, mais une grâce et un don de Dieu pour
chaque personne, car tout vivant est appelé par Dieu. Elle ne doit pas non plus
être conçue comme quelque chose que seuls certains pourraient comprendre ou
estimer intéressante pour leur vie, car tout être humain est inévitablement
désireux de se connaître et de connaître le sens de la vie et sa place dans
l'histoire. En outre, ce n'est pas une proposition qui est faite une
seule fois dans la vie (à l'enseigne du « à prendre ou à laisser ») et qui est
retirée, dans la pratique, après un refus de la part du destinataire. Elle doit
être, au contraire, comme une sollicitation continuelle, faite de différentes
façons, en la proposant avec une intelligence qui ne se rend pas devant un
désintéressement initial, qui souvent n'est qu'apparent ou défensif. Il
faut également corriger l'idée que la pastorale des vocations est exclusivement
une pastorale de la jeunesse, car à tout âge de la vie résonne une invitation du
Seigneur à Le suivre; et ce n'est qu'au moment de la mort qu'une vocation pourra
être considérée comme complètement réalisée. Bien plus, la mort est l'appel par
excellence, de même qu'il y a un appel dans la vieillesse, lors du passage d'une
saison de la vie à une autre, dans les situations de crise. Il existe une
jeunesse de l'esprit qui demeure dans le temps, dans la mesure où l'individu se
sent continuellement appelé et où il cherche et trouve à chacun cycle vital une
tâche différente à accomplir, une manière spécifique d'être, de servir et
d'aimer, une nouveauté de vie et de mission à accomplir.(72) En ce sens la
pastorale des vocations est liée à la formation permanente de la personne,
et elle est elle-même permanente. « Toute la vie et chaque vie sont une réponse
».(73) Dans les Actes, Pierre et les Apôtres ne font absolument pas de
différences de personnes; ils parlent à tous, jeunes et vieux, juifs et
étrangers: tous les Parthes, Mèdes et Elamites indiquent la grande masse, sans
différences ni exclusions, à laquelle s'adressent l'annonce et la pro-vocation,
avec l'art de parler à chacun « dans son propre idiome », selon ses exigences,
problèmes, attentes, défenses, âges ou phases de la vie. C'est un miracle
de Pentecôte et donc un don extraordinaire de l'Esprit. Mais l'Esprit est
toujours avec nous... f) La pastorale des vocations est personnelle et
communautaire Cela peut sembler contradictoire, mais en réalité ce
principe décrit bien la nature ambivalente, en un certain sens, de la pastorale
des vocations, capable — lorsqu'elle est authentique — de composer deux
polarités du sujet et de la communauté. Du point de vue de l'animation des
vocations, il est urgent aujourd'hui de passer d'une pastorale des vocations
gérée par un agent pastoral seul à une pastorale toujours plus conçue comme une
action communautaire, de toute la communauté sous ses diverses expressions:
groupes, mouvements, paroisses, diocèses, instituts religieux et séculiers...
L'Eglise est davantage appelée à être entièrement vocationnelle: en son
sein « chaque évangélisateur doit prendre conscience qu'il devient une "lampe"
pour les vocations, capable de susciter une expérience religieuse qui conduise
les enfants, les adolescents, les jeunes et les adultes à un contact personnel
avec le Christ, à une rencontre où se révèlent les vocations spécifiques ».(74)
De la même façon, le destinataire de la pastorale des vocations est
encore toute l'Eglise. Si c'est toute la communauté ecclésiale qui
appelle, c'est encore toute la communauté ecclésiale qui est appelée, sans
aucune exception. Le pôle émetteur et le pôle récepteur s'identifient en quelque
sorte à l'intérieur des diverses articulations ministérielles du tissu
ecclésial. Mais le principe est important; il est le reflet de cette mystérieuse
identification entre celui qui appelle et l'appelé à l'intérieur de la réalité
trinitaire. En ce sens, la pastorale des vocations est communautaire.
Toujours en ce sens il est beau que tous les Apôtres, le jour de la Pentecôte,
s'adressent à la foule et qu'ensuite Pierre prenne la parole au nom des Douze.
De même lorsqu'il s'agit de choisir Matthias, Etienne ou encore Barnabé et Saul,
toute la communauté prend part au discernement par la prière, le jeûne et
l'imposition des mains. En même temps, cependant, c'est l'individu
qui doit se faire l'interprète de la proposition de vocation, c'est le croyant
qui, en vertu de sa foi, doit en quelque sorte prendre en charge la vocation de
l'autre. Le ministère de l'appel à la vocation ne revient donc pas
seulement aux prêtres ou aux personnes consacrées, mais à tout croyant, aux
parents, aux catéchistes et aux éducateurs. S'il est vrai que l'appel
doit être adressé à tous, il est tout aussi vrai cependant que ce même appel
doit être personnalisé, adressé à une personne précise, à sa conscience,
à l'intérieur d'une relation tout à fait personnelle. Il existe un moment
dans la dynamique vocationnelle où la proposition est faite par une personne à
une personne et a besoin de tout le climat particulier que seule la relation
individuelle peut garantir. Il est vrai, alors, qui Pierre et Etienne parlent à
la foule; mais Saul a ensuite besoin d'Ananie pour discerner ce que Dieu veut de
lui (9, 13-17), de même que l'eunuque avec Philippe (8, 26-39). g) La
pastorale des vocations est la perspective unitaire et de synthèse de la
pastorale Le point de départ est aussi le point d'arrivée. Ainsi la
pastorale des vocations se pose en catégorie unificatrice de la pastorale
en général, destination naturelle de toute peine, lieu d'abordage des diverses
dimensions, presque comme une sorte d'élément de vérification de la pastorale
authentique. Répétons-le: si la pastorale n'arrive pas à « transpercer le
coeur » et à placer l'auditeur face à la question stratégique (« que dois-je
faire? »), ce n'est pas une pastorale chrétienne, mais une hypothèse de travail
inoffensive. En conséquence, la pastorale des vocations se situe et doit
se situer en rapport avec toutes les autres dimensions, par exemple avec la
dimension familiale et culturelle, liturgique et sacramentelle, avec la
catéchèse et le cheminement de foi dans le catéchuménat; avec les différents
groupes d'animation et de formation chrétiennes (non seulement avec les enfants
et les jeunes, mais avec les parents, les fiancés, les malades et les personnes
âgées...) et de mouvement (du mouvement pour la vie aux diverses initiatives de
solidarité sociale).(75) La pastorale des vocations est surtout la
perspective unificatrice de la pastorale de la jeunesse. Il ne faut pas
oublier que l'âge évolutif est une période riche en projets. Une authentique
pastorale de la jeunesse ne peut donc pas éluder la dimension de la vocation; au
contraire, elle doit l'assumer, car proposer Jésus-Christ signifie proposer un
projet de vie précis. D'où une collaboration pastorale féconde, bien
qu'en distinguant les deux milieux de vie: parce que la pastorale de la jeunesse
englobe d'autres problématiques que la problématique purement vocationnelle, et
parce que la pastorale des vocations ne concerne pas seulement le monde des
jeunes, mais un horizon beaucoup plus large ayant des problématiques
spécifiques. En outre, pensons à l'importance que pourrait avoir une
pastorale des vocations et familiale qui éduquerait progressivement les
parents à être les premiers animateurs-éducateurs des vocations. Ou aux
bienfaits que pourrait présenter une pastorale des vocations parmi les
malades, qui ne les invite pas seulement à offrir leurs souffrances pour les
vocations sacerdotales, mais qui les aide à vivre l'événement de la maladie,
avec toute la charge de mystère qu'elle contient, comme vocation personnelle,
que le malade-croyant a le « devoir » de vivre pour et dans l'Eglise et le «
droit » d'être aidé à vivre dans l'Eglise. Ce lien facilite le dynamisme
pastoral car, de fait, il lui est congénital: les vocations, comme les
charismes, se cherchent entre eux, s'éclairent réciproquement, sont
complémentaires les uns des autres. En revanche, isolés ils deviennent
incompréhensibles; de même que celui qui reste enfermé dans son secteur de
spécialisation ne fait pas une pastorale d'Eglise. Naturellement, ce
discours vaut dans les deux sens: c'est la pastorale, en général, qui doit
converger dans l'animation des vocations pour favoriser l'option vocationnelle;
mais c'est la pastorale des vocations qui doit, à son tour, demeurer ouverte aux
autres dimensions, en s'insérant et en cherchant des débouchés dans ces
directions. Elle constitue donc le point d'aboutissement qui résume les
diverses provocations pastorales et qui permet de les faire fructifier dans
l'histoire existentielle du croyant. En définitive, la pastorale des vocations
requiert beaucoup d'attention, mais elle offre en échange une dimension
destinée à rendre vraie et authentique l'initiative pastorale de chaque secteur.
La vocation est le coeur battant de la pastorale unitaire!(76)
Itinéraires de la pastorale des vocations 27. L'icône biblique
autour de laquelle nous avons bâti notre réflexion nous permet de faire un pas
en avant, en passant des principes théoriques à la définition de plusieurs
itinéraires de pastorale des vocations. Ce sont des cheminements de foi
communautaires, correspondant à des fonctions ecclésiales précises et à des
dimensions classiques du croyant, au long desquels la foi mûrit et devient
toujours plus manifeste ou qui permettent à la vocation de l'individu de se
confirmer progressivement, au service de la communauté ecclésiale. La
réflexion et la tradition de l'Eglise indiquent que normalement le discernement
d'une vocation advient en suivant plusieurs chemins communautaires précis: la
liturgie et la prière, la communion ecclésiale, le service de la charité ou
l'expérience de l'amour de Dieu reçu et offert à travers le témoignage. Dans la
communauté décrite dans les Actes, c'est grâce à eux que « le nombre des
disciples augmentait considérablement à Jérusalem » (Ac 6, 7). La
pastorale devrait aussi emprunter ces routes aujourd'hui pour stimuler et
accompagner le cheminement vocationnel des croyants. Une expérience personnelle
et communautaire, systématique et engageante dans ces directions, pourrait et
devrait aider le croyant à découvrir l'appel à sa vocation. Cela ferait
véritablement de la pastorale une pastorale des vocations. a) La
liturgie et la prière La liturgie signifie et indique à la fois
l'expression, l'origine et l'aliment de chaque vocation et ministère dans
l'Eglise. Dans les célébrations liturgiques, on fait mémoire de l'action de Dieu
par le Christ dans l'Esprit à laquelle renvoient toutes les dynamiques de la vie
du chrétien. Dans la liturgie, qui culmine avec l'Eucharistie, s'exprime la
vocation-mission de l'Eglise et de tout croyant dans sa plénitude. Un
appel à la vocation est toujours adressé par la liturgie à ceux qui y
participent.(77) Chaque célébration est un événement vocationnel. Dans le
mystère célébré, le croyant ne peut pas ne pas reconnaître sa vocation
personnelle; il ne peut pas ne pas entendre la voix du Père qui, dans le Fils,
par la puissance de l'Esprit, l'appel à se donner à son tour pour le salut du
monde. La prière aussi devient une voie de discernement d'une vocation,
non seulement parce que Jésus a invité à prier le maître de la moisson, mais
parce que c'est seulement en étant à l'écoute de Dieu que le croyant peut
parvenir à découvrir le projet que Dieu a pensé pour lui: dans le mystère
contemplé, le croyant découvre son identité, « cachée avec le Christ en Dieu » (Col
3, 3). Et c'est encore dans la prière que peuvent se mettre en place des
attitudes de confiance et d'abandon indispensables pour prononcer le « oui » et
surmonter les peurs et les incertitudes. Toute vocation naît de
l'in-vocation. Mais l'expérience personnelle de la prière, en tant
que dialogue avec Dieu, appartient aussi à cette dimension: même si elle est «
célébrée » dans l'intimité de sa « cellule », elle est relation avec cette
paternité d'où dérive toute vocation. Cette dimension est on ne peut plus
évidente dans l'expérience de l'Eglise des origines, dont les membres se
montraient assidus « à la fraction du pain et aux prières » (Ac 2, 42).
Toute décision, dans cette communauté, était précédée par la prière; chaque
choix, surtout pour la mission, survenait dans un contexte liturgique (Ac
6, 1-7; 13, 1-5). C'est la logique orante que la communauté avait apprise
de Jésus lorsque, face aux foules « lasses et prostrées comme des brebis qui
n'ont pas de berger, il leur dit ?La moisson est abondante, mais les ouvriers
peu nombreux; priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à sa
moisson' » (Mt 9, 36-38; Lc 10, 2). Ces dernières années,
les communautés chrétiennes d'Europe ont multiplié les initiatives de prière
pour les vocations, qui ont trouvé un vaste écho durant le Congrès. La prière à
l'intérieur des communautés diocésaines et paroissiales, bien souvent rendue «
incessante », jour et nuit, est une des voies les plus suivies pour créer une
nouvelle sensibilité et une nouvelle culture des vocations favorable au
sacerdoce et à la vie consacrée. L'icône évangélique du « Maître de la
moisson » mène au coeur de la pastorale des vocations: la prière. Une prière qui
sait « regarder » le monde avec une sagesse évangélique et chaque homme dans la
réalité de ses besoins de vie et de salut. Une prière qui exprime la charité et
la « compassion » (Mt 9, 36) du Christ vers l'humanité, qui aujourd'hui
encore apparaît comme « un troupeau sans berger » (Mt 9, 36). Une prière
qui exprime la foi en la voix puissante du Père, qui seul peut appeler et
envoyer travailler dans sa vigne. Une prière qui exprime l'espérance vive en
Dieu qui ne laissera jamais l'Eglise manquer d'« ouvriers » (Mt 9, 38)
nécessaires pour mener à bien sa mission. Durant le Congrès, les
témoignages sur l'expérience de lectio divina dans une perspective de
vocation ont suscité beaucoup d'intérêt. Dans certains diocèses, les « écoles de
prière » ou les « écoles de la Parole » sont très répandues. Le principe dont
elles s'inspirent est le principe classique contenu dans la constitution Dei
Verbum: « Le saint Concile exhorte de façon insistante et spéciale tous les
chrétiens (...) à apprendre, par la lecture fréquente des divines Ecritures, 'la
science éminente de Jésus-Christ' ».(78) Quand cette science devient
sagesse qui se nourrit par fréquentation habituelle, les yeux et les oreilles
des croyants s'ouvrent pour reconnaître la Parole qui appelle sans cesse. Alors
le coeur et l'esprit sont en mesure de l'accueillir et de la vivre sans peur.
b) La communion ecclésiale La première fonction vitale qui jaillit
de la liturgie est la manifestation de la communion qui se vit à l'intérieur de
l'Eglise, comme peuple réuni dans le Christ par sa croix, comme communauté où
toute division est pour toujours dépassée dans l'Esprit de Dieu qui est esprit
d'unité (Ep 2, 11-22; Ga 3, 26-28; Jn 17, 9-26).
L'Eglise se propose comme espace humain de fraternité où chaque croyant peut et
doit faire l'expérience de cette union entre les hommes et avec Dieu qui est don
d'en haut. Les Actes des Apôtres, qui décrivent une communauté de croyants
profondément marquée par l'union fraternelle, par la mise en commun des biens
matériels et spirituels, des affections et des sentiments (Ac 2, 42-48),
au point de n'avoir « qu'un seul coeur et qu'une âme » (Ac 4, 32),
constituent un splendide exemple de cette dimension ecclésiale. Si toute
vocation dans l'Eglise est un don à vivre pour les autres, comme service
de charité dans la liberté, alors elle est également un don à vivre avec
les autres. Mais on ne le découvre qu'en vivant en fraternité. La
fraternité ecclésiale n'est pas seulement une vertu au niveau du comportement,
mais un itinéraire de vocation. Ce n'est qu'en la vivant qu'on peut la choisir
comme élément fondamental d'un projet de vocation, ou seulement en la goûtant
qu'il est possible de s'ouvrir à une vocation qui, quoi qu'il en soit, sera
toujours vocation à la fraternité.(79) Au contraire, il est impossible d'être
attiré par une vocation si l'on n'expérimente aucune fraternité et si l'on se
ferme au rapport avec les autres ou si l'on n'interprète la vocation que comme
perfection privée et personnelle. La vocation est relation; elle est
manifestation de l'homme que Dieu a créé pour être ouvert à la relation. Et même
la vocation à l'intimité avec Dieu dans la vie monacale implique une capacité
d'ouverture et de partage que l'on ne peut acquérir qu'avec l'expérience d'une
réelle fraternité. « Le dépassement d'une vision individualiste du ministère et
de la consécration, de la vie dans les diverses communautés chrétiennes,
représente une contribution historique décisive ».(80) La vocation est
dialogue; c'est se sentir appelé par un Autre et avoir le courage de lui
répondre. Comment peut mûrir cette capacité de dialogue chez celui qui n'a pas
appris, dans la vie de tous les jours et dans les rapports quotidiens, à se
laisser aimer, à répondre, à distinguer le je du tu? Comment celui qui ne se
soucie pas de répondre à son frère pourrait-il se faire appeler par le Père?
Le partage avec le frère et avec la communauté des croyants devient alors chemin
au long duquel on apprend à faire en sorte que les autres participent à ses
projets, pour accueillir enfin sur soi le plan pensé par Dieu, plan qui sera
toujours, quoi qu'il en soit, projet de fraternité. Les centres
d'écoute, c'est-à-dire des groupes de croyants qui se rencontrent
périodiquement chez eux pour redécouvrir le message chrétien et faire part les
uns aux autres de leurs expériences respectives et de leurs dons
d'interprétation de la Parole elle-même, constituent une expérience de partage
de la Parole, signalée par plusieurs Eglises européennes. Pour les
jeunes, ces centres revêtent un aspect vocationnel grâce à l'écoute de la Parole
qui appelle, à la catéchèse et à la prière vécues d'une manière personnelle, qui
les implique, plus libre et plus créatrice. Le centre d'écoute les stimule ainsi
à la co-responsabilité ecclésiale, car ils peuvent découvrir ici les différentes
façons de servir la communauté et, souvent, y faire mûrir leurs vocations
spécifiques. Une autre expérience positive d'itinéraire de vocation dans
les Eglises particulières et dans les différents Instituts de vie consacrée est
la communauté d'accueil, qui répond à l'invitation de Jésus: « Venez et
voyez ». Le Souverain Pontife définit la « règle d'or de la pastorale des
vocations ».(81) Dans ces communautés ou centres d'orientation des vocations,
grâce à une expérience très spécifique et immédiate, les jeunes peuvent
accomplir un véritable chemin de discernement progressif. Ils sont donc
accompagnés pour leur permettre, au moment opportun, non seulement de percevoir
clairement le projet de Dieu, mais de décider de le choisir et de s'y
identifier. c) Le service de la charité C'est une des
fonctions les plus typiques de la communauté ecclésiale. Elle consiste à vivre
l'expérience de la liberté dans le Christ, dans ce sommet suprême qui consiste à
servir. « Celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur » (Mt
20, 26), « Si quelqu'un veut être le premier, il sera le serviteur de tous » (Mc
9, 35). Dans l'Eglise primitive, cette leçon semble avoir été très bien apprise,
étant donné que le service apparaît comme un de ses éléments structurels, au
point que des diacres sont institués pour « le service des tables ».
C'est précisément parce que le croyant vit par grâce l'expérience de liberté
dans le Christ qu'il est appelé à être témoin de liberté et agent de libération
pour les hommes; de cette libération qui se réalise non par la violence et la
domination, mais par le pardon et l'amour, par le don de soi et le service, à
l'exemple du Christ Serviteur. C'est sans doute la voie royale, dans un
itinéraire de vocation, pour discerner sa propre vocation, car l'expérience de
service, en particulier si elle est bien préparée, conduite et pénétrée de son
sens le plus vrai, est une expérience d'une grande humanité qui porte à mieux se
connaître et à mieux connaître la dignité d'autrui, ainsi que la beauté de se
consacrer aux autres. Dans l'Eglise, l'authentique serviteur est celui
qui a appris que c'est un privilège de laver les pieds de ses frères les plus
pauvres, c'est celui qui a conquis la liberté de perdre de son temps pour les
besoins d'autrui. L'expérience du service est une expérience de grande liberté
dans le Christ. Celui qui sert son frère rencontre inévitablement Dieu et
entre en harmonie particulière avec lui. Il ne lui sera pas difficile de
découvrir sa volonté sur lui et, surtout, de se sentir attiré à l'accomplir. Ce
sera en tout cas une vocation de service pour l'Eglise et pour le monde.
Il en a été ainsi pour de très nombreuses vocations au cours de ces dernières
décennies. L'animation des vocations de l'après-Concile est progressivement
passée de la « pastorale de la propagande » à la « pastorale du service », en
particulier des plus pauvres et des plus nécessiteux. De nombreux jeunes
ont vraiment retrouvé Dieu et se sont retrouvés eux-mêmes, ils ont retrouvé le
but de leur vie et le vrai bonheur, en donnant de leur temps et en prêtant
attention à leurs frères, allant jusqu'à décider de leur consacrer non pas une
partie de leur vie, mais toute leur existence. De fait, la vocation chrétienne
est existence pour les autres. d) Le témoignage-annonce de
l'Evangile Il s'agit de proclamer que Dieu est proche de l'homme tout
au long de l'histoire du salut, en particulier dans le Christ, et donc aussi les
merveilles de miséricorde du Père pour l'homme, afin qu'il ait la vie en
abondance. Cette annonce est à l'origine du cheminement de foi de tout croyant.
En effet, la foi est un don reçu de Dieu et manifesté par l'exemple de la
communauté croyante et de tant de frères et soeurs en son sein, ainsi que par le
biais de l'instruction catéchétique sur les vérités de l'Evangile. Mais
la foi doit être transmise et vient un moment où chaque témoignage devient don
actif: le don reçu devient don donné à travers le témoignage et l'annonce
personnels. Le témoignage de la foi implique l'homme tout entier et ne
peut être fait que dans la totalité de son existence et de son humanité, de tout
son coeur, de tout son esprit, de toutes ses forces, jusqu'au don de sa vie et
même de son sang. Ce crescendo de significations de ce terme est
intéressant; c'est un crescendo que nous retrouvons, au fond, dans le passage
biblique qui nous guide: il suffit de voir le témoignage-catéchèse de Pierre et
des Apôtres le jour de la Pentecôte et, par la suite, la courageuse catéchèse
d'Etienne qui culmine lors de son martyre (Ac 6, 8; 7, 60) et des Apôtres
« tout joyeux d'avoir été jugés dignes de subir des outrages pour le Nom (de
Jésus) » (Ac 5, 41). Mais il est plus intéressant encore de
découvrir combien ce témoignage-annonce peut devenir un itinéraire spécifique de
vocation. La conscience reconnaissante d'avoir reçu le don de la foi
devrait se traduire normalement par un désir et par la volonté de transmettre
aux autres ce que l'on a reçu, aussi bien par l'exemple de sa propre vie que par
le ministère de la catéchèse. Celle-ci est d'ailleurs « destinée à éclairer les
multiples situations de la vie en enseignant à chacun à vivre sa vocation
chrétienne dans le monde ».(82) Et, si le catéchiste est également avant tout un
témoin, cette dimension de vocation n'en sera que plus évidente.(83) Le
Congrès a confirmé l'importance de la catéchèse dans la perspective des
vocations et considéré que la célébration du sacrement de la Confirmation
représentait un extraordinaire itinéraire vocationnel pour les pré-adolescents
et les adolescents. L'âge de la Confirmation pourrait précisément être « l'âge
de la vocation », période qualifiée de l'orientation théologique et pédagogique
pour la découverte et la réalisation du don reçu et pour en témoigner.
L'action catéchétique devrait susciter la capacité de reconnaître et de
manifester le don de l'Esprit.(84) La rencontre directe de croyants qui
vivent avec fidélité et courage leur vocation, de témoins crédibles qui offrent
des expériences concrètes de vocations réussies, peut être décisifs pour aider
les confirmants à découvrir et à accueillir l'appel de Dieu. En tout cas,
la vocation est toujours engendrée par la conscience d'un don et par une
conscience si reconnaissante qu'elle trouve tout à fait logique de mettre son
existence au service des autres pour se charger de leur croissance dans la foi.
Ceux qui vivent avec attention et générosité le témoignage de la foi ne
tarderont pas à saisir le projet de Dieu sur eux pour se consacrer à sa
réalisation avec toutes leurs énergies. Des itinéraires pastoraux à
l'appel personnel 28. Nous pourrions dire, en résumé, que la
condition existentielle de tout croyant se condense dans les dimensions de la
liturgie, de la communion ecclésiale, du service de la charité et du témoignage
de l'Evangile. C'est sa dignité, sa vocation fondamentale, mais c'est aussi la
condition pour que chacun puisse découvrir son identité particulière.
Tout croyant doit donc vivre l'événement commun de la liturgie, de la communion
fraternelle, du service caritatif et de l'annonce de l'Evangile, car ce n'est
qu'à travers cette expérience qu'il pourra identifier sa façon de vivre
particulière avec ces dimensions de la vie chrétienne. Par conséquent, ces
itinéraires ecclésiaux doivent être privilégiés car ils représentent en quelque
sorte la voie royale de la pastorale des vocations, grâce à laquelle le mystère
de la vocation de chacun peut se révéler. Il s'agit d'ailleurs des
itinéraires classiques, qui appartiennent à la vie même de toute communauté
voulant se dire chrétienne; ils en révèlent en même temps la solidité ou la
précarité. C'est justement pour cela qu'ils représentent non seulement une voie
obligée, mais qu'ils offrent surtout une garantie de l'authenticité de la
recherche et du discernement. De fait, ces quatre dimensions et fonctions
entraînent, d'un côté, une implication globale du sujet et, de l'autre, elles le
conduisent au seuil d'une expérience très personnelle, d'une confrontation
pressante, d'un appel impossible à ignorer, d'une décision à prendre, qu'il ne
peut pas retarder indéfiniment. Voilà pourquoi la pastorale des vocations devra
expressément aider à faire oeuvre de discernement par le biais d'une expérience
profondément et globalement ecclésiale, qui conduise tout croyant « à la
découverte de sa responsabilité dans l'Eglise et à l'assumer ».(85) Les
vocations qui ne naissent pas de cette expérience et de cette insertion dans
l'action ecclésiale communautaire risquent d'être viciées à la racine et
d'une authenticité douteuse. Naturellement, ces dimensions seront
toutes présentes, coordonnées de manière harmonieuse, pour une expérience qui ne
pourra être décisive que si elle englobe tout. Souvent, en effet,
certains jeunes privilégient spontanément l'une ou l'autre de ces fonctions
(soit uniquement engagés dans le volontariat, soit trop attirés par la dimension
liturgique ou par les grandes théories un peu idéalistes). Dès lors, il sera
important que l'éducateur des vocations conduise à un engagement qui ne
corresponde pas sur mesure aux goûts du jeune, mais qui corresponde à la
mesure objective de l'expérience de foi qui ne peut pas, par définition,
être réduite. Seul le respect de cette mesure objective peut laisser
entrevoir la mesure subjective. En ce sens, l'objectivité précède
la subjectivité et le jeune doit apprendre à lui donner la priorité s'il veut
vraiment se découvrir et découvrir ce qu'il est appelé à être. Ou encore: il
doit d'abord réaliser ce qui est requis à tous s'il tient à être lui-même.
Ce n'est pas tout! Car ce qui est objectif, réglé sur la base d'une norme et
d'une tradition, visant un objectif précis qui transcende la subjectivité,
comporte une force d'attraction et d'attrait vocationnel considérable.
Naturellement l'expérience objective devra également devenir subjective ou être
reconnue par l'individu comme sienne. Toujours, cependant, à partir d'une source
ou d'une vérité que le sujet ne détermine pas lui-même mais qui se prévaut de la
riche tradition de la foi chrétienne. En définitive, « la pastorale des
vocations possède les étapes fondamentales d'un itinéraire de foi ».(86) Cela
implique aussi la progressivité et la convergence de la pastorale des vocations.
Des itinéraires aux communautés chrétiennes a) La communauté
paroissiale 29. Le Congrès européen s'est, entre autres, fixé un
objectif: amener la pastorale des vocations au coeur des communautés
paroissiales, là où les gens vivent et où les jeunes, en particulier, sont
impliqués de manière plus ou moins significative dans une expérience de foi.
Il s'agit de faire sortir la pastorale des vocations des ornières réservées aux
spécialistes pour atteindre la périphérie de l'Eglise particulière. Mais
en même temps il est désormais urgent de dépasser la phase d'expérimentation que
traversent de nombreuses Eglises d'Europe pour passer à de véritables
cheminements pastoraux, greffés dans le tissu des communautés chrétiennes, en
mettant en valeur ce qui est déjà éloquent du point de vue des vocations.
Une attention particulière doit être accordée à l'année liturgique qui
est une école de foi permanente où tout croyant, aidé par l'Esprit Saint, est
appelé à grandir selon Jésus. De l'Avent, temps de l'espérance, à la Pentecôte,
en passant par le temps ordinaire, le chemin de l'année liturgique, qui revient
de façon cyclique, célèbre et annonce un modèle d'homme appelé à se mesurer au
mystère de Jésus, l'« aîné d'une multitude de frères » (Rm 8, 29).
L'anthropologie que l'année liturgique porte à explorer est un authentique
dessein vocationnel qui invite chaque croyant à répondre toujours plus à
l'appel, en vue d'une mission précise et personnelle dans l'histoire. D'où
l'attention accordée aux itinéraires quotidiens où chaque communauté chrétienne
est impliquée. La sagesse pastorale requiert en particulier des pasteurs, guides
des communautés chrétiennes, une attention minutieuse et un discernement
attentif pour faire parler les signes liturgiques, les vécus de l'expérience de
foi; car c'est de la présence du Christ aux temps ordinaires de l'homme que
viennent les appels de l'Esprit en vue d'une vocation. Il ne faut pas
oublier que le pasteur, surtout le prêtre, responsable d'une communauté
chrétienne, est celui qui « cultive directement » toutes les vocations.
En vérité, on ne reconnaît pas partout à plein titre la dimension vocationnelle
de la communauté paroissiale; alors qu'au contraire « les Conseils Pastoraux
diocésains et paroissiaux, en lien avec les centres nationaux des vocations
(sont précisément) les organes compétents dans toutes les communautés et dans
tous les secteurs de la pastorale ordinaire ».(87) Il faut donc
encourager l'initiative des paroisses qui ont constitué en leur sein des groupes
de responsables de l'animation des vocations et des différentes activités pour
résoudre « un problème vital qui est au coeur même de l'Eglise »(88) (groupes de
prière, journées et semaines pour les vocations, catéchèses et témoignages et
tout ce qui peut contribuer à accorder une grande attention aux vocations).(89)
b) Les « lieux-signe » de la vie-vocation Pour ce passage délicat
et urgent d'une pastorale des vocations basée sur les expériences à une
pastorale des vocations basée sur le cheminement, il est nécessaire de faire
parler non seulement les appels à la vocation provenant des itinéraires qui
traversent la vie quotidienne de la communauté chrétienne, mais il est sage de
rendre significatifs les lieux-signe de la vie comme vocation et les
lieux pédagogiques de la foi. Une Eglise est vivante si, grâce aux dons de
l'Esprit, elle sait percevoir ces lieux et les mettre en valeur. Les
lieux-signe de la nature vocationnelle de l'existence dans une Eglise
particulière sont les communautés monastiques, témoins de visage priant de la
communauté ecclésiale; les communautés religieuses apostoliques et les
fraternités des instituts séculiers. Dans un contexte culturel fortement
attiré par les choses proches et immédiates, à travers le vent glacé de
l'individualisme, les communautés orantes et apostoliques ouvrent de vraies
horizons de vie authentiquement chrétienne, surtout pour les dernières
générations manifestement plus attentives aux signes qu'aux paroles. La
communauté du séminaire diocésain ou interdiocésain est un signe
particulier de la nature vocationnelle de la vie. Il vit une histoire singulière
au sein de nos Eglises. D'une part, c'est un signe fort car il constitue
une promesse de futur. Les jeunes qui y entrent, fils de cette génération,
seront les prêtres de demain. Mais ce n'est pas tout: le séminaire rappelle
concrètement la nature vocationnelle de la vie et l'urgence du ministère ordonné
pour l'existence de la communauté chrétienne. D'autre part, le séminaire
est un signe faible: car il requiert une attention constante de l'Eglise
particulière, il sollicite une sérieuse pastorale des vocations pour repartir
chaque année avec de nouveaux candidats. La solidarité économique peut aussi
être une sollicitation pédagogique pour éduquer le peuple de Dieu à la prière
pour toutes les vocations. c) Les lieux pédagogiques de la foi
En plus des lieux-signe, les lieux pédagogiques de la pastorale
des vocations sont précieux. Ils sont constitués par les groupes, les
mouvements, les associations et même par l'école. Au-delà de la
différence de physionomie sociologique de telles formes d'agrégation, surtout au
niveau des jeunes, il faut apprécier leur valeur pédagogique comme lieux où les
gens peuvent être pleinement aidés à atteindre une véritable maturité de foi.
Ce but peut être efficacement poursuivi si l'on prend garde à ne pas négliger
trois dimensions de l'expérience chrétienne: la vocation de chacun, la communion
de l'Eglise et la mission avec l'Eglise. d) Des figures de formateurs
et de formatrices Une autre attention pédagogico-pastorale est
proposée avec une particulière insistance en ce moment précis de l'histoire: la
formation de figures éducatives précises. La faiblesse et le
caractère problématique des lieux pédagogiques de la foi, mis à dure épreuve par
la culture de l'individualisme, de l'associationnisme spontané ou par la crise
des institutions, est bien connu. Par ailleurs, le besoin se fait surtout
sentir chez les jeunes d'une confrontation, d'un dialogue, de points de
référence. Les signaux à cet égard sont nombreux. En somme, il existe une
urgence de maîtres de vie spirituelle, de figures significatives, capables
d'évoquer le mystère de Dieu et disposés à l'écoute pour aider les personnes à
entrer dans un dialogue sérieux avec le Seigneur. Les personnalités
spirituelles fortes ne se réduisent pas seulement à quelques personnes
particulièrement dotées de charisme, mais elles sont le résultat d'une formation
particulièrement attentive à la primauté absolue de l'Esprit. Pour former
les figures éducatives de notre communauté, il faut accorder une attention
particulière dans deux directions: d'une part, il s'agit de rendre explicite et
vigilante la conscience d'éducation à la vocation chez toutes les personnes qui
sont déjà appelées à oeuvrer dans la communauté aux côtés des enfants et des
jeunes (prêtres, religieuxses et laïcs). De l'autre, il faut
soigneusement encourager et former le caractère ministériel éducatif
de la femme pour qu'elle soit surtout à côté des jeunes une figure de
référence et un guide sage. De fait, la femme est largement présente dans les
communautés chrétiennes et chacun connaît la capacité intuitive du « génie
féminin » et la vaste expérience de la femme dans le domaine éducatif (famille,
école, groupes, communautés). L'apport de la femme doit donc être
considéré comme précieux, pour ne pas dire décisif, dans le cadre du monde de la
jeunesse féminine, que l'on ne peut pas traiter comme le monde masculin, car il
a besoin d'une réflexion plus attentive et plus spécifique, surtout dans le
domaine des vocations. Cela fait peut-être partie aussi du tournant qui
caractérise la pastorale des vocations. Alors que par le passé les vocations
féminines étaient également engendrées par des figures significatives de pères
spirituels, guides authentiques des personnes et des communautés, aujourd'hui
les vocations au « féminin » ont besoin de se référer à des figures féminines,
individuelles et communautaires, capables de fournir des propositions de modèles
concrets et de valeurs. e) Les organismes de pastorale des vocations
Pour se présenter comme une perspective unitaire et synthétique de la pastorale
en général, la pastorale des vocations doit d'abord exprimer en son sein la
synthèse et la communion des charismes et des ministères. Depuis
longtemps déjà, l'Eglise ressent la nécessité de cette coordination(90) qui,
grâce à Dieu, a déjà porté des fruits remarquables: organismes paroissiaux et
centres diocésains et nationaux des vocations fonctionnent déjà depuis plusieurs
années, procurant de multiples bienfaits. Mais il n'en va pas partout de
même. Le Congrès qui vient de se réunir a regretté dans certains cas l'absence
ou le manque d'incidence de ces structures dans plusieurs nations
européennes(91) et forme des voeux pour que celles-ci soient créées ou
amplifiées de façon adéquate le plus tôt possible. Plusieurs observateurs
relèvent aussi que, tandis que les centres nationaux semblent stimuler de façon
notoire et constructive la pastorale des vocations dans son ensemble, les
centres diocésains ne paraissent pas partout animés de la même volonté de
travailler et de collaborer vraiment pour les vocations de tous. Il existe un
certain projet global de pastorale unitaire qui tarde encore à devenir une
pratique d'Eglise locale et qui semble, d'une certaine façon, s'enrayer
lorsqu'il s'agit de passer des propositions générales à la traduction effective
dans la réalité diocésaine ou paroissiale. De fait, des perspectives et des
pratiques particulières et moins ecclésiales n'ont pas encore tout à fait
disparu.(92) En ce qui concerne les centres diocésains et nationaux,
plutôt que de rappeler ici ce que soulignent déjà d'une manière exemplaire
divers documents quant à leur fonction, il semble nécessaire de rappeler qu'il
ne s'agit pas tant d'une question d'organisation pratique que d'une cohérence
avec le nouvel esprit qui doit imprégner la pastorale des vocations dans
l'Eglise et, en particulier, dans les Eglises d'Europe. La crise des vocations
est également crise de communion pour encourager et faire croître les vocations.
Les vocations ne peuvent pas naître là où il n'existe pas d'esprit ecclésial
authentiquement vécu. Le Congrès et ce Document recommandent donc non
seulement un regain d'efforts dans ce domaine, en lien plus étroit entre centre
national, centres diocésains et organismes paroissiaux, mais ils souhaitent
aussi que ces organismes prennent davantage à coeur deux questions: la promotion
d'une authentique culture des vocations dans la société civile et ecclésiale,
que nous avons déjà soulignée, et la formation d'éducateurs-formateurs des
vocations, élément véritablement central et stratégique de l'actuelle pastorale
des vocations.(93) Le Congrès demande en outre que soit sérieusement
prise en considération la constitution, pour l'Europe, d'un organisme ou
Centre unitaire supranational de la pastorale des vocations, comme signe et
expression concrète de communion et de partage, de coordination et d'échange
d'expériences et de personnes entre les différentes Eglises nationales,(94) tout
en sauvegardant les particularités de chacune. QUATRIÈME PARTIE
PÉDAGOGIE DES VOCATIONS:
« Notre coeur n'était-il pas tout brûlant
au-dedans de nous » (Lc 24, 32)
Cette
partie pédagogique est puisée au sein même de l'Evangile, s'inspirant de
l'exemple de cet extraordinaire animateur-éducateur des vocations qu'est Jésus,
et en vue d'une animation des vocations rythmée par des attitudes
pédagogico-évangéliques précises: semer, accompagner, éduquer, former,
discerner. Nous voici parvenus à la dernière section, celle qui, dans
la logique du document, devrait représenter la partie méthodologique et
applicative. De fait, nous sommes partis de l'analyse de la situation concrète,
pour définir ensuite les éléments théologiques porteurs du thème des vocations,
avant de revenir à la vie concrète de nos communautés pour préciser le sens et
la direction de la pastorale des vocations.Il nous reste maintenant à considérer
la dimension pédagogique de la pastorale des vocations. Il nous reste
maintenant à considérer la dimension pédagogique de la pastorale des vocations.
Crise des vocations et crise d'éducation 30. Très souvent, dans
nos Eglises, les objectifs sont clairs, tout comme les stratégies fondamentales,
mais les pas à accomplir restent trop vagues pour susciter chez nos jeunes la
disponibilité de vocation. Et cela parce que la structure éducative, à
l'intérieur comme à l'extérieur de l'Eglise, est trop faible, cette structure
qui devrait offrir, en plus de la précision de l'objectif à atteindre, les
parcours pédagogiques qui y conduisent. L'Instrumentum laboris le dit
encore avec son réalisme habituel: « Nous constatons... la faiblesse de nombreux
lieux pédagogiques (groupe, communauté, patronage, école et surtout
famille).(95) La crise des vocations est certainement aussi une crise de
proposition pédagogique et de chemin éducatif. Nous tenterons donc
d'indiquer, toujours à partir de la Parole de Dieu, cette convergence entre la
fin et la méthode, convaincus qu'une bonne théologie se laisse normalement
traduire dans la pratique, devient pédagogie et fait entrevoir des parcours,
avec le désir sincère d'offrir aux différents agents pastoraux une aide, un
instrument utile à tous. L'Evangile de la vocation
31. Chaque rencontre ou dialogue avec l'Evangile revêt une signification
vocationnelle: lorsque Jésus chemine sur les routes de Galilée, il est toujours
envoyé par le Père pour appeler l'homme au salut et lui révéler le projet du
Père. La bonne nouvelle — l'Evangile — est précisément celle-ci: le Père a
appelé l'homme par le Fils dans l'Esprit, il l'a appelé non seulement à la vie
mais à la rédemption, et pas seulement à une rédemption méritée par d'autres,
mais à une rédemption qui le touche directement, le rendant responsable du salut
des autres. Ce salut actif et passif, reçu et partagé, renferme le sens
de toute vocation; il renferme le sens même de l'Eglise, comme communauté de
croyants, de saints et de pécheurs, tous « appelés » à participer au même don et
à la même responsabilité. C'est l'Evangile de la vocation. La
pédagogie de la vocation 32. A l'intérieur de cet Evangile
cherchons une pédagogie qui lui corresponde, celle de Jésus, authentique
pédagogie de la vocation. C'est la pédagogie que tout animateur des
vocations ou tout évangélisateur devrait savoir appliquer pour amener le jeune à
reconnaître le Seigneur qui l'appelle et à lui répondre. Si le point de
référence de la pédagogie des vocations est le mystère du Christ, le Fils de
Dieu fait homme, il existe de multiples aspects et dimensions significatives
dans son action « vocationnelle ». Avant tout, Jésus nous est présenté
dans les Evangiles beaucoup plus comme un formateur que comme un
animateur, précisément parce qu'il oeuvre en lien très étroit avec le Père, qui
répand la semence de la Parole et éduque (en tirant du néant), et
avec l'Esprit qui accompagne sur le chemin de la sanctification.
Ces aspects ouvrent des perspectives importantes à ceux qui travaillent dans la
pastorale des vocations et qui sont appelés par conséquent à être non seulement
des animateurs des vocations, mais avant tout semeurs du bon grain de la
vocation, puis accompagnateurs sur le chemin qui conduit le coeur à «
brûler », éducateurs de la foi et de l'écoute de Dieu qui appelle,
formateurs des attitudes humaines et chrétiennes de réponse à l'appel de
Dieu;(96) il est enfin appelé à discerner la présence du don qui vient
d'en haut. Ce sont les cinq caractéristiques centrales du ministère
vocationnel ou les cinq dimensions du mystère de l'appel qui arrive à
l'homme à travers la médiation d'un frère, d'une soeur ou d'une communauté.
Semer 33. « Voici que le semeur est sorti pour semer. Et comme il
semait, des grains sont tombés au bord du chemin, et les oiseaux sont venus tout
manger. D'autres sont tombés sur les endroits rocheux où ils n'avaient pas
beaucoup de terre, et aussitôt ils ont levé, parce qu'ils n'avaient pas de
profondeur de terre; mais, une fois le soleil levé, ils ont été brûlés et, faute
de racine, se sont desséchés. D'autres sont tombés sur les épines, et les épines
ont monté et les ont étouffés. D'autres sont tombés sur la bonne terre et ont
donné du fruit, l'un cent, l'autre soixante, l'autre trente » (Mt 13,
3-8). Ce passage indique en quelque sorte la première étape d'un
cheminement pédagogique, la première attitude de la part de celui qui se place
comme médiateur entre le Dieu qui appelle et l'homme qui est appelé, et qui
s'inspire nécessairement de l'action de Dieu. Le semeur, c'est Dieu le Père;
l'Eglise et le monde sont les lieux où il continue à répandre la semence en
abondance, avec une liberté absolue et sans exclusions d'aucune sorte, une
liberté qui respecte celle du terrain où tombe le grain. a) Deux
libertés en dialogue La parabole du semeur montre que la vocation
chrétienne est un dialogue entre Dieu et la personne humaine. L'interlocuteur
principal est Dieu qui appelle qui il veut, quand il veut et comme il veut «
conformément à son propre dessein et à sa grâce » (2 Tm 1, 9); qui
appelle tous les hommes au salut, sans se laisser limiter par les dispositions
de celui qui reçoit l'appel. Mais la liberté de Dieu rencontre la liberté de
l'homme, en un dialogue mystérieux et fascinant, fait de paroles et de silences,
de messages et d'actions, de regards et de gestes, une liberté qui est parfaite,
celle de Dieu, et l'autre imparfaite, celle de l'homme. La vocation est donc
totalement activité de Dieu, mais aussi réellement activité de l'homme: travail
et pénétration de Dieu au coeur de la liberté humaine, mais aussi peine et lutte
de l'homme pour être libre d'accueillir le don. Celui qui se place à côté
d'un frère au long du chemin de discernement d'une vocation entre dans le
mystère de la liberté et sait qu'il ne pourra apporter son aide que s'il
respecte ce mystère. Même si cela devait correspondre, du moins en apparence, à
un moindre résultat. Comme pour le semeur de l'Evangile. b) Le courage
de semer partout Le respect des deux libertés signifie précisément et
avant tout le courage de semer le bon grain de l'Evangile, de la Pâque du
Seigneur, de la foi et enfin de la sequela pour se mettre à la suite du
Christ. Telle est la condition préalable. Aucune pastorale des vocations ne peut
se faire sans ce courage. Et ce n'est pas tout: il faut semer partout,
dans le coeur de quiconque, sans aucune préférence ni exception. Si
chaque être humain est créature de Dieu, il est également porteur d'un don,
d'une vocation particulière qui attend d'être reconnue. On se plaint
souvent dans l'Eglise du manque de réponses au niveau des vocations, mais on ne
s'aperçoit pas que souvent la proposition est faite à l'intérieur d'un cercle
restreint de personnes et, peut-être, retirée aussitôt après le premier refus.
Il est bon de rappeler ici ce que réclamait Paul VI: « Que personne, par notre
faute, ignore ce qu'il doit savoir, pour orienter sa vie, différemment et mieux
».(97) Et pourtant, combien de jeunes n'ont jamais entendu de proposition
chrétienne quant à leur vie et leur avenir! Il est singulier d'observer
le semeur de la parabole, avec son ample geste de la main qui sème « partout »;
il est émouvant de reconnaître en cette image le coeur de Dieu le Père. C'est
l'image de Dieu qui sème un plan de salut dans le coeur de tout vivant;
ou, si l'on préfère, c'est l'image du « gaspillage » de la générosité divine qui
s'étend sur tous car elle veut sauver et appeler tous les hommes à elle.
C'est cette même image du Père qui revient de façon évidente dans l'action de
Jésus qui appelle à lui les pécheurs, qui choisit de construire son Eglise avec
des gens apparemment inadaptés à cette mission, qui ne connaît pas de barrières
et n'établit pas de préférences de personnes. C'est en se reflétant dans
cette image qu'à son tour l'agent des vocations annonce, propose, secoue, avec
une générosité identique. Et c'est précisément la certitude de la semence
déposée par le Père dans le coeur de chaque créature qui lui donne la force
d'aller partout et de semer le bon grain des vocations, de ne pas rester à
l'intérieur des espaces habituels et d'affronter de nouveaux environnements,
pour tenter des approches insolites et s'adresser à toute personne. c)
Semer au bon moment La sagesse du semeur le conduit à répandre le bon
grain de la vocation au moment propice. Ce qui signifie qu'il ne s'agit pas du
tout d'accélérer les temps du choix ou prétendre qu'un pré-adolescent ait la
maturité de décision d'un jeune, mais comprendre et respecter le sens de la
vocation de la vie humaine. Chaque saison de l'existence a une
signification vocationnelle, à commencer par l'instant où le garçonla fille
s'ouvre à la vie et a besoin d'en saisir le sens et tente de s'interroger sur
son rôle dans cette vie. Méconnaître cette demande au moment opportun pourrait
empêcher le grain de germer: « l'expérience pastorale montre que la première
manifestation de la vocation naît, dans la plupart des cas, dans l'enfance et
dans l'adolescence. Voilà pourquoi il semble important de retrouver ou de
proposer des formules qui puissent susciter, soutenir et accompagner cette
première manifestation de vocation »,(98) sans toutefois se limiter à celle-ci.
Chaque personne a ses rythmes et ses temps de maturation. L'important est
d'avoir un bon semeur à côté de soi. d) Le plus petit de tous les
grains L'oeuvre du « semeur de vocations » n'est certes pas simple
aujourd'hui. Pour les raisons que nous savons: il n'existe pas, à proprement
parler, une culture des vocations; le modèle anthropologique dominant semble
être celui de l'« homme sans vocation »; le contexte social est neutre sur le
plan éthique et privé d'espérance et de modèles de projets. Tous ces éléments
semblent concourir à affaiblir la proposition de vocation et nous permettent,
peut-être, de lui appliquer ce que Jésus dit à propos du Royaume de Dieu (cf.
Mt 13, 31 et suiv.): le grain de la vocation est comme un grain de sénevé
qui, lorsqu'il est semé, ou quand il est proposé ou indiqué, est le plus petit
de tous les grains; il ne suscite très souvent aucun attrait immédiat; il est
même refusé ou démenti, comme étouffé par d'autres attentes et d'autres projets,
pas pris au sérieux; ou encore il est considéré comme suspect et avec méfiance,
presque comme une semence de malheur. Alors le jeune refuse, déclare
qu'il n'est pas intéressé, qu'il a déjà hypothéqué son avenir (ou que d'autres
l'ont fait pour lui); ou encore que cela lui plairait et l'intéresse, mais qu'il
n'est pas sûr, que c'est trop difficile et que ça lui fait peur... Rien
d'étranger ni d'absurde dans cette réaction craintive et négative; au fond, le
Seigneur l'avait prédit. Le grain de la vocation est le plus petit de tous les
grains, il est faible et ne s'impose pas, précisément parce qu'il est
l'expression de la liberté de Dieu qui entend respecter jusqu'au bout la liberté
de l'homme. La liberté de celui qui guide le chemin de l'homme est alors
nécessaire, elle aussi: une liberté du coeur qui permette de ne pas renoncer
devant le refus ou le désintérêt initial. Jésus dit, toujours dans la
brève parabole du grain de sénevé, que « quand il a poussé, c'est la plus grande
des plantes potagères » (Mt 13, 32). C'est donc un grain qui possède une
force qui n'est pas immédiatement évidente et éclatante et qui a même besoin de
beaucoup de soin pour mûrir. Il existe une sorte de secret élémentaire qui fait
partie de la sagesse paysanne: pour garantir une récolte à la bonne saison, il
faut s'occuper de tout, absolument de tout, du terrain au grain; il faut faire
attention à tout, de ce qui le fait croître à ce qui empêche sa croissance; il
faut même tenir compte des intempéries impondérables des saisons. Il se passe
quelque chose de semblable dans le domaine des vocations. Les semailles ne sont
qu'une première étape qui doit être suivie de bien d'autres attentions précises
pour que les deux libertés entrent dans le mystère du dialogue de vocation.
Accompagner 34. « Et voici que, ce même jour, deux d'entre eux
faisaient route vers un village du nom d'Emmaüs, distant de Jérusalem de
soixante stades, et ils conversaient entre eux de tout ce qui était arrivé. Et
il advint, comme ils conversaient et discutaient ensemble, que Jésus en personne
s'approcha, et il faisait route avec eux; mais leurs yeux étaient empêchés de le
reconnaître » (Lc 24, 13-16). Pour décrire les articulations
pédagogiques de l'accompagnement, de l'éducation, de la formation, nous
choisissons l'épisode des deux disciples d'Emmaüs. C'est un passage significatif
car, en plus de la sagesse du contenu et de la méthode pédagogique adoptée par
Jésus, il nous semble voir chez les deux disciples l'image de nombreux jeunes
d'aujourd'hui, un peu tristes et démotivés, qui semblent avoir perdu le goût de
chercher leur vocation. Le premier pas, ou la première attention dans ce
cheminement, est de s'approcher: le semeur, ou celui qui a réveillé chez
le jeune la conscience du grain semé sur le terrain de son coeur, devient dès
lors accompagnateur. Dans la partie théologique de cette
réflexion, le ministère de l'accompagnement a été désigné comme une
caractéristique typique de l'Esprit; c'est en effet l'Esprit du Père et du Fils
qui demeure à côté de l'homme pour lui rappeler la Parole du Maître; c'est
encore l'Esprit qui demeure dans l'homme pour susciter en lui la conscience
qu'il est fils du Père. L'Esprit est donc le modèle auquel doit s'inspirer le
grand frère ou la grande soeur qui accompagne un petit frère ou une petite soeur
en recherche. a) Itinéraire de vocation Une fois défini
l'itinéraire pastoral de vocation, demandons-nous maintenant : qu'est-ce qu'un
itinéraire de vocation sur le plan pédagogique? L'itinéraire
pédagogique d'une vocation est un voyage orienté vers la maturité de la foi,
comme un pèlerinage vers le stade adulte du croyant, appelé à décider de
lui-même et de sa vie dans la liberté et la responsabilité, selon la
vérité du mystérieux projet pensé par Dieu pour lui. Ce voyage procède
par étapes en compagnie d'une soeur ou d'un frère aîné dans la foi, qui
connaît la route, la voix et les pas de Dieu, qui aide à reconnaître le Seigneur
qui appelle et à discerner au long du chemin la route qui mène à lui pour lui
répondre, le tout dans une relation de disciple. Un itinéraire de
vocation est donc avant tout un cheminement avec lui, le Seigneur de la vie, ce
« Jésus en personne », comme le note Luc avec beaucoup de précision, qui
s'approche du chemin de l'homme, emprunte le même parcours et entre dans son
histoire. Mais souvent les yeux de chair ne savent pas le reconnaître. Alors le
chemin de l'homme reste solitaire et le discours inutile, tandis que la
recherche risque de se perpétuer, en un désir interminable et parfois
narcissique de « faire des expériences », notamment celle de la vocation, sans
aucun résultat décisif. La première tâche de l'accompagnateur d'une vocation
consiste peut-être à indiquer la présence d'un Autre ou de confesser la
nature relative de son accompagnement, pour être médiation de cette
présence, ou itinéraire vers la découverte de Dieu qui appelle et se fait proche
de tout homme. Comme les deux disciples d'Emmaüs, ou comme Samuel au
coeur de la nuit, souvent nos jeunes n'ont pas d'yeux pour voir, pas d'oreilles
pour entendre Celui qui marche à côté de chacun et, à la fois avec insistance et
délicatesse, prononce leur nom. Le frère qui accompagne est signe de cette
insistance et de cette délicatesse; sa tâche consiste à aider à reconnaître la
provenance de la voix mystérieuse; il ne parle pas de lui, mais il annonce un
Autre qui est déjà présent; comme le faisait Jean-Baptiste. Le ministère
de l'accompagnement des vocations est un ministère humble, de cette humilité
sereine et intelligente qui naît de la liberté dans l'Esprit et qui s'exprime «
avec le courage de l'écoute de l'amour et du dialogue ». Grâce à cette liberté,
la voix de Celui qui appelle résonne avec plus de clarté et de force. Le jeune
se trouve alors en face de Dieu, il découvre avec surprise que c'est l'Eternel
qui chemine dans le temps à côté de lui et qui l'appelle à un choix pour
toujours! b) Les puits d'eau vive « Jésus, fatigué par la
marche, se tenait assis près du puits... » (Jn 4, 6): c'est le début de
ce que nous pourrions considérer comme un colloque vocationnel inédit: la
rencontre de Jésus avec la Samaritaine. Cette femme, en effet, à travers cette
rencontre, accomplit un itinéraire vers la découverte d'elle-même et du Messie,
et devient même, d'une certaine façon, son annonciatrice. Ce passage fait
encore une fois ressortir la liberté souveraine de Jésus qui cherche ses
messagers partout et chez tous; mais l'attention, de la part de Celui qui
est le chemin de l'homme vers le Père, à croiser la créature sur ses chemins ou
à l'attendre là où son attente est plus évidente et intense, est également
singulière. C'est ce que l'on peut déduire de l'image symbolique du « puits ».
Les puits, dans l'antique société juive, étaient source de vie, condition
fondamentale de survie pour un peuple toujours aux prises avec la pénurie d'eau;
or c'est précisément autour de ce symbole, l'eau pour et de la
vie, que Jésus construit avec une pédagogie très fine son approche de la femme.
Accompagner un jeune veut dire savoir identifier « les puits » d'aujourd'hui:
les lieux et les moments, les provocations et les attentes où, tôt ou tard, tous
les jeunes doivent passer avec leurs amphores vides, avec leurs questions non
posées, avec leur insuffisance affichée et qui n'est bien souvent qu'apparente,
avec leur désir profond et ineffaçable d'authenticité et d'avenir. La
pastorale des vocations ne peut pas être « attentiste », mais action de ceux qui
cherchent, qui ne s'avouent pas vaincus tant qu'ils n'ont pas trouvé et qui se
font trouver au bon endroit ou au bon puits, là où le jeune donne rendez-vous à
la vie et à l'avenir. De ce point de vue, l'accompagnateur des vocations
doit être « intelligent », quelqu'un qui n'impose pas nécessairement ses
questions, mais qui part de celles du jeune, quelles qu'elles soient. Ou qui est
capable — si nécessaire - de « susciter et de découvrir la demande de vocation
qui habite le coeur de chaque jeune, mais qui attend d'être creusée par de
véritables formateurs de vocations ».(99) c) Partage et con-vocation
Faire l'accompagnement d'une vocation signifie avant tout partager: le
pain de la foi, de l'expérience de Dieu, de la difficulté de la recherche,
jusqu'à partager aussi la vocation: ne pas l'imposer, évidemment, mais pour
confesser la beauté d'une vie qui se réalise selon le projet de Dieu. Le
registre communicatif typique de l'accompagnement d'une vocation n'est pas un
registre didactique ou d'exhortation, ni même un registre amical, d'un côté, et
de directeur spirituel, de l'autre (entendu comme celui qui imprime tout de
suite une direction précise à la vie d'un autre), mais c'est le registre de la
confessio fidei. Celui qui s'adonne à l'accompagnement des vocations
témoigne de son propre choix, ou mieux, du choix que Dieu a fait de lui, il
raconte — pas nécessairement en paroles — le cheminement de sa vocation et la
découverte continuelle de son identité dans le charisme vocationnel; il raconte
donc aussi ou laisse comprendre la peine, la nouveauté, le risque, la surprise,
la beauté. Il en résulte une catéchèse vocationnnelle de personne à
personne, de coeur à coeur, riche d'humanité et d'originalité, de passion et de
force de conviction, une animation des vocations sage, s'inspirant de
l'expérience. Un peu comme l'expérience des premiers disciples de Jésus, qui «
vinrent donc et virent où il demeurait, et ils demeurèrent auprès de lui ce
jour-là » (Jn 1, 39). Ce fut une expérience profondément touchante
puisque Jean, bien des années plus tard, se souvient encore que « c'était
environ la dixième heure ». L'animation des vocations se fait seulement
par contagion, par contact direct, parce que le coeur est plein et
l'expérience de la beauté continue à fasciner. « Les jeunes sont très intéressés
par le témoignage de vie des personnes qui suivent déjà un cheminement
spirituel. Prêtres et religieuxses doivent avoir le courage d'offrir des signes
concrets au long de leur chemin spirituel. Voilà pourquoi il est important de
passer du temps avec les jeunes, de cheminer à leur niveau, là où ils se
trouvent, les écouter et répondre aux questions qui surgissent dans cette
rencontre ». (100) C'est pourquoi l'accompagnateur des vocations est
aussi enthousiaste de sa propre vocation et de la possibilité de la transmettre
à d'autres; il est le témoin non seulement convaincu, mais content, et donc
convaincant et crédible. Ce n'est qu'ainsi que le message touche la
totalité spirituelle de la personne, coeur-esprit-volonté, en proposant quelque
chose qui est vrai-beau-bon. Tel est le sens de la con-vocation:
personne ne peut passer à côté d'un annonciateur d'une si « bonne nouvelle » et
ne pas se sentir touché, « totalement » appelé, à chaque niveau de sa
personnalité, et continuellement appelé, par Dieu, bien sûr, mais aussi par de
multiples personnes, idéaux, situations inédites, provocations variées,
médiations humaines de l'appel divin. Alors le signal vocationnel peut
être mieux perçu. Eduquer 35. « Il leur dit: « Quels
sont donc ces propos que vous échangez en marchant? ». Et ils s'arrêtèrent, le
visage sombre. Prenant la parole, l'un d'eux, nommé Cléophas, lui dit: « Tu es
bien le seul habitant de Jérusalem à ignorer ce qui y est arrivé ces jours-ci!
». « Quoi donc? » leur dit-il. Il lui dirent: « Ce qui concerne Jésus le
Nazarénien, qui s'est montré un prophète puissant en oeuvres et en paroles
devant Dieu et devant tout le peuple, comment nos grands prêtres et nos chefs
l'ont livré pour être condamné à mort et l'ont crucifié. Nous espérions, nous,
que c'était lui qui allait délivrer Israël; mais avec tout cela, voilà le
troisième jour depuis que ces choses sont arrivées! Quelques femmes qui sont des
nôtres nous ont, il est vrai, stupéfiés. S'étant rendues de grand matin au
tombeau et n'ayant pas trouvé son corps, elles sont revenues nous dire qu'elles
ont même eu la vision d'anges qui le disent vivant. Quelques-uns des nôtres sont
allés au tombeau et ont trouvé les choses tout comme les femmes avaient dit;
mais lui, ils ne l'ont pas vu! ». Alors il leur dit: « O coeurs sans
intelligence, lents à croire à tout ce qu'ont annoncé les Prophètes! Ne
fallait-il pas que le Christ endurât toutes ces souffrances pour entrer dans la
gloire? ». Et, commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur
interpréta dans toutes les Ecritures ce qui le concernait. Quand ils furent près
du village où ils se rendaient, il fit semblant d'aller plus loin. Mais ils le
pressèrent en disant: « Reste avec nous, car le soir tombe et le jour touche
déjà à son terme ». Il entra donc pour rester avec eux » (Lc 24, 17-29).
Après avoir semé, au long du chemin d'accompagnement, il s'agit d'éduquer
le jeune. Eduquer au sens étymologique du verbe, comme pour extraire (e-ducere)de
lui sa vérité , ce qu'il a dans son coeur, même ce qu'il ne sait pas et ne
connaît pas de lui-même: faiblesses et aspirations, pour encourager la liberté
de la réponse à la vocation. a) Eduquer à la connaissance de soi
Jésus s'approche des deux hommes et leur demande de quoi ils parlent. Il le
sait, mais il veut que tous deux se manifestent à eux-mêmes et, en disant leur
tristesse et leurs espoirs déçus, que cela les aide à prendre conscience de leur
problème et de la véritable raison de leur inquiétude. Ainsi les deux hommes
sont pratiquement contraints à relire l'histoire récente, en faisant
transparaître le vrai motif de leur tristesse. « Nous espérions, nous...
»; mais l'histoire paraît avoir pris une direction différente de celle de leurs
attentes. Bien plus, en réalité ils ont fait toutes les expériences
significatives au contact de Jésus, « puissant en oeuvres et en paroles »; mais
c'est comme si ce chemin de foi s'était soudain interrompu face à un événement
incompréhensible comme la passion et la mort de Celui qui aurait dû libérer
Israël. « Nous espérions, nous, mais... »: comment ne pas reconnaître en
cette histoire inachevée l'histoire de tant de jeunes qui semblent intéressés
par un discours de vocation, qui se laissent provoquer et manifestent de bonnes
dispositions, mais qui s'arrêtent ensuite face au choix à faire? D'une certaine
façon, Jésus contraint les deux hommes à admettre l'abîme qui existe entre leurs
espérances et le plan de Dieu tel qu'il s'est concrétisé en Jésus : entre leur
façon de concevoir le Messie et sa mort sur la croix, entre leurs attentes si
humaines et intéressées et le sens d'un salut qui vient d'en haut. De
même, il est important et décisif d'aider les jeunes à mettre au jour une
équivoque fondamentale: cette interprétation de la vie trop terrestre et centrée
sur le moi qui rend difficile ou même impossible le choix d'une vocation, ou qui
fait sentir les exigences de l'appel comme excessives, comme si le projet de
Dieu était l'ennemi du besoin de bonheur de l'homme. Combien de jeunes
n'ont pas accueilli l'appel à la vocation, non pas parce qu'ils n'étaient pas
généreux ou parce qu'ils étaient indifférents, mais simplement parce qu'ils
n'ont pas été aidés à se connaître, à découvrir la racine ambivalente et
païenne de certains schémas mentaux et affectifs; et parce qu'ils n'ont pas été
aidés à se libérer de leurs peurs et de leurs défenses, conscientes et
inconscientes, à l'égard de la vocation même! Combien d'avortements de vocations
à cause de ce vide éducatif! Eduquer signifie avant tout faire ressortir
la réalité du moi, tel qu'il est, si l'on veut ensuite le conduire à être comme
il doit être: la sincérité est un passage fondamental pour parvenir à la vérité,
mais en tout cas une aide extérieure est nécessaire pour voir bien l'intérieur.
L'éducateur doit alors connaître les souterrains du coeur humain, pour
accompagner le jeune et l'aider à construire son vrai moi. b) Eduquer
au mystère Le paradoxe naît ici. Lorsque le jeune est conduit aux
sources de lui-même et peut voir en face ses faiblesses et ses craintes, il a la
sensation de mieux comprendre certains de ses comportements et certaines de ses
réactions et, en même temps, il saisit toujours davantage la réalité du mystère
comme clef de lecture de la vie et de sa personne. Il est
indispensable que le jeune accepte de ne pas savoir, de ne pas se
connaître à fond. La vie n'est pas entièrement entre ses mains, parce que
la vie est mystère et que, d'autre part, le mystère est vie. Ou
encore: le mystère est cette partie du moi qui n'a pas encore été découverte,
qui n'a pas encore été vécue, qui doit attendre d'être déchiffrée et réalisée;
le mystère est cette réalité personnelle qui doit encore grandir, riche de vie
et de possibilités existentielles encore intactes: c'est la partie du moi qui
doit encore germer. Dès lors, accepter le mystère est un signe
d'intelligence, de liberté intérieure, de désir de futur et de nouveauté, de
refus d'une conception répétitive et passive, ennuyeuse et banale de la vie.
Voilà pourquoi nous avons dit au début que la pastorale des vocations doit être
mystagogique et donc partir et repartir du Mystère de Dieu pour ramener au
mystère de l'homme. La perte du sens du mystère est une des principales
causes de la crise des vocations. En même temps, la catégorie du mystère
devient catégorie propédeutique de la foi. Il est possible, et dans certains cas
naturel, qu'à ce moment-là le jeune sente naître en lui comme un besoin de
révélation, c'est-à-dire le désir que l'Auteur de la vie lui révèle le sens
et la place qu'il doit occuper. Qui d'autre, en dehors du Père, peut accomplir
cette révélation? Par ailleurs, il n'est pas important que le jeune
découvre tout de suite (ou que le guide ait tout de suite l'intuition de) la
route qu'il doit suivre: ce qui compte c'est qu'il découvre et décide de placer
en dehors de lui, en Dieu le Père, la recherche du fondement de son
existence. Un authentique chemin de vocation porte toujours et dans tous les cas
à la découverte de la paternité et de la maternité de Dieu! c) Eduquer
à lire la vie Dans l'Evangile, Jésus invite en quelque sorte les deux
disciples d'Emmaüs à revenir à la vie, à ces événements qui avaient causé leur
tristesse à travers une méthode de lecture savante: capable non seulement de
recomposer entre eux les événements autour d'une signification centrale, mais de
déchiffrer, dans le tissu mystérieux de l'existence humaine, le fil conducteur
d'un projet divin. C'est la méthode que l'on pourrait appeler
génético-historique, qui fait chercher et trouver dans sa propre biographie
les pas et les traces du passage de Dieu et donc aussi sa voix qui appelle.
Cette méthode — est à la fois déductive et inductive, ou
historico-biblique: elle part en effet de la vérité révélée et, avec la
réalité historique, favorise ainsi le dialogue ininterrompu entre vécu subjectif
(les faits cités par les deux disciples) et référence à la Parole (« Et,
commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta dans
toutes les Ecritures ce qui le concernait », Lc 24, 27). — indique
l'aspect normatif de la Parole et l'aspect central du mystère pascal du
Christ mort et ressuscité comme des points précis d'interprétation des
événements existentiels, sans refuser aucun événement, spécialement les plus
difficiles et douloureux (« Ne fallait-il pas que le Christ endurât
toutes ces souffrances pour entrer dans la gloire? », Lc 24, 26).
La lecture de la vie devient ainsi une opération hautement spirituelle — pas
seulement psychologique — car elle conduit à reconnaître en elle la présence
lumineuse et mystérieuse de Dieu et de sa Parole. (101) Et, à l'intérieur de ce
mystère, elle permet petit à petit d'apercevoir le grain de la vocation que le
Père-semeur a déposé dans les sillons de la vie. Ce grain, bien que petit,
commence désormais à être visible et à croître. d) Eduquer à in-voquer
Si la lecture de la vie est une opération spirituelle, elle conduit
nécessairement la personne, non seulement à reconnaître son besoin de
révélation, mais à le célébrer, par la prière d'invocation.
Eduquer veut dire é-voquer la vérité du moi. Cette évocation naît
exactement de l'in-vocation priante, d'une prière qui est plus une prière de
confiance que de demande, prière de surprise et de gratitude, mais conçue aussi
comme une lutte et une tension, comme une recherche difficile de ses ambitions
pour saisir les attentes, les demandes, les désirs de l'Autre: du Père qui, dans
le Fils, peut parler à celui qui cherche la voie à suivre. Alors la
prière devient le lieu du discernement de la vocation, pour apprendre à
écouter le Dieu qui appelle, car l'origine de toute vocation réside dans une
prière d'invocation, patiente et confiante, soutenue non pas par la prétention
d'une réponse immédiate, mais par la certitude ou par l'espérance que
l'invocation ne peut pas être accueillie, et fera découvrir sa vocation, au
moment voulu, à celui qui invoque. Dans l'épisode d'Emmaüs, tout cela est
révélé par une expression essentielle, peut-être la plus belle prière jamais
prononcée par un coeur humain: « Reste avec nous, car le soir tombe et le jour
touche déjà à son terme » (Lc 24, 29). C'est la supplique de ceux qui
savent que sans le Seigneur il fait nuit dans notre vie, que sans sa parole, il
n'y a qu'incompréhension et que confusion d'identité. La vie apparaît sans sens
et sans vocation. C'est encore l'invocation de ceux qui n'ont peut-être pas
découvert leur route, mais qui ont l'intuition qu'en demeurant avec lui ils se
retrouvent eux-mêmes, parce que lui seul a « les paroles de la vie éternelle » (Jn
6, 67-68). Ce type de prière d'in-vocation ne s'apprend pas spontanément,
mais a besoin d'un lieu d'apprentissage. Il ne s'apprend pas tout seul, mais
avec l'aide de ceux qui ont appris à écouter les silences de Dieu. De même que
n'importe qui ne peut pas enseigner cette prière, mais seulement celui qui est
fidèle à sa vocation. Alors, si la prière est la voie naturelle de la
recherche d'une vocation, aujourd'hui comme hier ou plus qu'hier, il est
nécessaire d'avoir des éducateurs des vocations qui prient, qui enseignent à
prier, qui éduquent à l'invocation. Former 36. « Et
il advint, comme il était à table avec eux, qu'il prit le pain, dit la
bénédiction, puis le rompit et le leur donna. Leurs yeux s'ouvrirent et ils le
reconnurent... mais il avait disparu de devant eux. Et ils se dirent l'un à
l'autre: « Notre coeur n'était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il
nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les Ecritures? » (Lc 24,
30-32). La formation est en quelque sorte le moment culminant du
processus pédagogique, parce que c'est le moment où le jeune se voit proposer
une forme, une façon d'être, dans laquelle il reconnaît son
identité, sa vocation, sa norme. Le Fils, Celui qui est l'empreinte du
Père, est le formateur des hommes car il représente l'image selon laquelle le
Père a créé les hommes. Voilà pourquoi il invite ceux qui appellent à avoir les
mêmes sentiments que lui et à partager sa vie, à avoir sa « forme ». Il est à la
fois le formateur et la forme. Le formateur des vocations est ainsi en
tant que médiateur de l'action divine et se place à côté du jeune pour l'aider à
« reconnaître » son appel dans cette action et à se faire former en elle.
a) Reconnaître Jésus Le moment décisif de l'épisode d'Emmaüs est
sans aucun doute celui où Jésus prend le pain, le rompt et le leur donne: «
Leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent ». Il y a ici une série d'actes de
« reconnaissance » liés entre eux. Avant tout les deux disciples
reconnaissent Jésus, ils découvrent la véritable identité du voyageur qui
s'est uni à eux, précisément parce que lui seul pouvait faire ce geste, comme
tous deux le savaient bien. Dans une perspective de vocation, cela
souligne l'importance de poser des gestes forts, des signaux sans équivoques,
des propositions élevées, des projets pour suivre totalement le Christ. (102)
Le jeune a besoin d'être stimulé par de grands idéaux, en vue de quelque chose
qui le dépasse et qui est au-dessus de ses moyens, quelque chose pour laquelle
il vaut la peine de donner sa vie. L'analyse psychologique le rappelle aussi:
demander à un jeune quelque chose qui est en dessous de ses possibilités
signifie offenser sa dignité et empêcher sa pleine réalisation. En termes
positifs, il faut proposer aux jeunes le maximum de ce qu'il peut donner pour
qu'il devienne et soit lui-même. Et si Jésus est reconnu quand il rompt
le pain, la dimension eucharistique devrait sous-tendre chaque chemin de
vocation: comme « lieu » typique de la sollicitation de la vocation, comme
mystère qui dit le sens général de l'existence humaine, comme objectif final de
toute pastorale des vocations qui veuille être chrétienne. b)
Reconnaître la vérité de la vie Mais alors, dans un processus
authentique de formation pour choisir une vocation, une deuxième «
reconnaissance » doit avoir lieu: la reconnaissance-découverte, à l'intérieur
du signe eucharistique, de la signification de la vie. Si l'Eucharistie est
sacrifice du Christ qui sauve l'humanité et si ce sacrifice est corps brisé et
sang versé pour le salut de l'humanité, la vie du croyant aussi est appelée à se
modeler sur la même corrélation de significations: la vie aussi est un
bien reçu qui tend, par nature, à devenir bien donné, comme la vie du Verbe.
C'est la vérité de la vie, de chaque vie. Les conséquences sur le plan
des vocations sont évidentes. S'il y a un don au début de l'existence de
l'homme, qui le constitue dans son être, alors la vie a un chemin tracé. S'il
est don, il ne sera pleinement lui-même que s'il se réalise dans la
perspective qui porte à se donner; il ne sera heureux qu'à condition de
respecter sa nature. Il pourra faire le choix qu'il veut, mais toujours dans la
logique du don, autrement il deviendra un être en contradiction avec lui-même,
une réalité « monstrueuse »; il sera libre de décider de l'orientation
spécifique, mais il ne sera pas libre de se penser en dehors de la logique du
don. Toute la pastorale des vocations est construite sur cette
catéchèse élémentaire du sens de la vie. Si cette vérité anthropologique passe,
alors on peut faire n'importe quelle proposition de vocation. La vocation au
ministère ordonné ou à la consécration religieuse ou séculière, avec tout ce
qu'elle comporte de mystère et de mortification, devient alors la pleine
réalisation de l'humain et du don que tout homme a et est au plus
profond de lui. c) La vocation comme reconnaissance Mais si
c'est dans le geste eucharistique que les deux disciples d'Emmaüs «
reconnaissent » le Seigneur et chaque croyant le sens de la vie, alors la
vocation naît de la « reconnaissance ». Elle naît sur le terrain fécond de
la gratitude, car la vocation est réponse et non pas initiative de l'individu:
il s'agit d'être choisis, non pas de choisir. C'est précisément à
cette attitude intérieure de gratitude que devrait porter la lecture de toute la
vie passée. La découverte d'avoir reçu, sans aucun mérite et par surcroît,
devrait « contraindre » psychologiquement le jeune à concevoir l'offrande de
soi, dans l'option de la vocation, comme une conséquence inévitable, comme un
acte libre, certes, parce que déterminé par l'amour, mais en un certain
sens aussi dû, car en face de l'amour reçu de Dieu il sent qu'il ne peut
pas ne pas se donner. Il est bon et tout à fait logique qu'il en aille ainsi;
cela n'a rien d'extraordinaire en soi. La pastorale des vocations tend à
enseigner cette logique de la reconnaissance-gratitude; une logique
beaucoup plus saine et convaincante, sur le plan humain, et plus fondée sur le
plan théologique que la soi-disant « logique du héros », de celui qui n'a pas
assez mûri la conscience d'avoir reçu et qui se sent lui-même auteur du don et
du choix. Cette logique a bien peu de prise sur la sensibilité du jeune
d'aujourd'hui, car elle renverse la vérité de la vie comme bien reçu qui tend
naturellement à devenir bien donné. C'est la sagesse évangélique du «
Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10, 8) (103)
adressée par Jésus aux disciples annonciateurs de sa parole, qui dit la vérité
de chaque être humain: personne ne pourrait ne pas se reconnaître en
elle. C'est de cette vérité que dérive la forme que la vie est
ensuite appelée à prendre ou c'est de cette figure unique de la foi que naissent
ensuite les différentes représentations vocationnelles de la foi.
Alors il devient aussi possible de demander des choix forts et radicaux, comme
un appel de consécration spéciale, au sacerdoce et à la vie consacrée. Voilà
pourquoi la proposition de Dieu, aussi difficile et singulière qu'elle puisse
paraître (et elle l'est en réalité), devient aussi une promotion inouïe des
aspirations humaines authentiques et garantit le maximum du bonheur, un bonheur,
comblé de gratitude que chante Marie dans le « Magnificat ». d)
Reconnaître Jésus en se reconnaissant disciple Les yeux des disciples
d'Emmaüs s'ouvrent en présence du geste eucharistique de Jésus. C'est en
présence de ce geste que Cléophas et son compagnon perçoivent aussi le sens de
leur cheminement, non seulement comme un voyage qui porte à reconnaître Jésus,
mais aussi à se reconnaître: « Notre coeur n'était-il pas tout brûlant
au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les
Ecritures? » (Lc 24, 32). Il n'y a pas seulement une certaine
émotion chez les deux pèlerins qui écoutent l'explication du Maître, mais la
sensation que sa vie, son Eucharistie, sa Pâque et son mystère feront toujours
plus partie de leur vie, eucharistie, pâque, mystère. Dans le coeur
brûlant, il y a la découverte de la vocation et l'histoire de toute vocation,
toujours liée à une expérience de Dieu où la personne se découvre et découvre
aussi son identité. Former une personne à faire un choix de vocation veut
dire faire découvrir toujours plus le lien entre expérience de Dieu et
découverte du moi, entre théophanie et auto-identité. Ce qu'affirme l'Instrumentum
laboris est tout à fait vrai: « Le fait de Le reconnaître Lui, comme le
Seigneur de la vie et de l'histoire, comporte aussi l'auto-reconnaissance du
fait d'être disciple ». (104) Lorsque l'acte de foi parvient à conjuguer la «
reconnaissance christologique » et la « reconnaissance anthropologique », le
grain de la vocation est déjà mûr. Bien plus, il est déjà en train de fleurir.
Discerner 37. « A cette heure même, ils partirent et s'en
retournèrent à Jérusalem. Ils trouvèrent réunis les Onze et leurs compagnons,
qui dirent: « C'est bien vrai! le Seigneur est ressuscité et il est apparu à
Simon! ». Et eux de raconter ce qui s'était passé en chemin, et comment ils
l'avaient reconnu à la fraction du pain » (Lc 24, 33-35). Pour que
le chemin d'Emmaüs devienne un itinéraire de vocation, il faut un passage de
conclusion après la série de « reconnaissances » et « auto-reconnaissances »: le
choix effectif du jeune, auquel correspond, de la part de celui qui
l'accompagne le long de son cheminement vocationnel, le processus de
discernement. Un discernement qui ne s'achèvera certes pas au moment de
l'orientation de la vocation, mais qui devra se poursuivre jusqu'à la maturation
d'une décision définitive, « pour toute la vie ». (105) a) Le choix
effectif de celui qui est appelé Capacité de décision
Dans l'épisode évangélique dont s'est inspiré notre réflexion, le choix est bien
exprimé au verset 33: « A cette heure même, ils partirent... ». La note
temporelle (« A cette heure même ») montre bien la détermination des deux
hommes, provoquée par la parole et par la personne de Jésus, par la rencontre
avec lui, et mise en acte par un choix qui comporte une rupture par rapport avec
ce qu'ils étaient ou faisaient auparavant; elle indique donc une nouveauté de
vie. C'est précisément cette décision qui fait souvent défaut chez les
jeunes d'aujourd'hui. Pour cette raison, afin d'« aider les jeunes à
surmonter l'indécision face aux engagements définitifs, il semble utile de les
préparer progressivement à assumer des responsabilités personnelles, (...), leur
confier des tâches appropriées à leurs capacités et à leur âge, (...) favoriser
une éducation progressive qui leur enseigne à faire de petits choix quotidiens
par rapport aux valeurs (gratuité, constance, sobriété, honnêteté...) ». (106)
D'un autre côté, il faut rappeler que très souvent ces peurs et indécisions
indiquent non seulement la faiblesse de la structure psychologique de la
personne, mais aussi de l'expérience spirituelle et, en particulier, de
l'expérience de la vocation comme choix qui vient de Dieu. Lorsque cette
certitude est faible, le sujet s'en remet inévitablement à lui-même et à ses
ressources, et quand il constate leur précarité, il n'est pas étrange qu'il se
laisse étouffer par la peur de faire un choix définitif. L'incapacité de
prendre une décision n'est pas nécessairement caractéristique de la génération
des jeunes d'aujourd'hui: il n'est pas rare qu'elle soit la conséquence d'un
accompagnement vocationnel qui n'a pas assez souligné la primauté de Dieu dans
le choix ou qui ne lui a pas enseigné à se laisser choisir par lui. (107)
« Retour chez soi » Le choix d'une vocation indique la nouveauté de
vie, mais en réalité c'est également le signe que l'on a retrouvé son identité,
presque un « retour chez soi », aux racines du moi. Dans le passage d'Emmaüs, il
est symbolisé par l'expression: « ...et s'en retournèrent à Jérusalem » (cf.
Mt 10, 22). Combien de fois aussi les attitudes des adultes, y
compris des parents, ont contribué à créer une image négative de la vocation, en
particulier au sacerdoce et à la vie consacrée, créant notamment des obstacles à
sa réalisation et décourageant ceux qui se sentaient appelés! (108) Ce
problème ne se résout pas par une banale propagande opposée, qui mettrait en
relief les aspects positifs et gratifiants de la vocation, mais surtout en
soulignant l'idée que la vocation est la pensée de Dieu sur la créature, que
c'est le nom donné par Dieu à la personne. Découvrir et répondre à la
vocation des croyants veut dire trouver la pierre sur laquelle est écrit son nom
(cf. Ap 2, 17-18) ou retourner aux sources du moi. Témoignage
personnel A Jérusalem, les deux « trouvèrent réunis les Onze et leurs
compagnons, qui dirent: « C'est bien vrai! le Seigneur est ressuscité et il est
apparu à Simon! ». Et eux de raconter ce qui s'était passé en chemin, et comment
ils l'avaient reconnu à la fraction du pain » (Lc 24, 33-35).
L'élément le plus significatif de ce passage, en relation au choix de vocation,
est le témoignage des deux hommes, un témoignage particulier, parce qu'il
survient dans un contexte communautaire et revêt un sens vocationnel précis.
De fait, lorsque les deux disciples arrivent, l'assemblée est en train de
proclamer sa foi par une formule (« C'est bien vrai! le Seigneur est ressuscité
et il est apparu à Simon! ».) dont nous savons qu'elle figure parmi les
témoignages les plus anciens de la foi objective. Cléophas et son compagnon
ajoutent, en quelque sorte, leur expérience subjective, qui confirme ce que la
communauté était en train de proclamer et qui confirme aussi leur cheminement
personnel de croyants et leur cheminement vocationnel. C'est comme si ce
témoignage était le premier fruit de la vocation découverte et retrouvée, qui
est tout de suite mise au service de la communauté ecclésiale, comme le veut la
nature même de la vocation chrétienne. Nous retrouvons par ailleurs ce
que nous avons déjà dit quant au rapport entre itinéraires ecclésiaux objectifs
et itinéraire personnel subjectif, dans un rapport de synergie et de
complémentarité: le témoignage de l'individu aide et fait croître la foi de
l'Eglise, la foi et le témoignage de l'Eglise suscitent et encouragent le choix
de vocation de l'individu. b) Le discernement effectué par le guide
Dans l'Exhortation Apostolique post-synodale Pastores dabo vobis,
Jean-Paul II affirme: « La connaissance de la nature et de la mission du
sacerdoce ministériel est le présupposé nécessaire et en même temps le guide le
plus sûr et le stimulant le plus fort pour développer dans l'Eglise l'action
pastorale, en vue de la promotion et du discernement des vocations sacerdotales
et de la formation de ceux qui sont appelés au ministère ordonné ». (109)
Par analogie, on pourrait en dire de même lorsqu'il s'agit du discernement de
toute vocation à la vie consacrée. Le présupposé incontournable pour discerner
ces vocations consiste, avant tout, à tenir compte de la nature et de la mission
de cet état de vie dans l'Eglise. (110) Ce présupposé dérive directement
de la certitude que c'est Dieu qui appelle et donc de la recherche des signes
qui indiquent l'appel divin. Nous indiquons maintenant quelques critères
de discernement, que l'on peut répartir selon quatre catégories.
L'ouverture au mystère Si la fermeture au mystère, caractéristique
d'une certaine mentalité moderne, empêche d'être disponible à la vocation, son
contraire, c'est-à-dire l'ouverture au mystère, est non seulement une
condition positive pour la découverte de sa vocation, mais elle constitue le
signe d'une saine option vocationnelle. a) La certitude subjective
authentique d'une vocation est celle qui laisse une place au mystère et à
la sensation que sa décision, bien qu'étant ferme, devra continuer à scruter le
mystère. La certitude non authentique, en revanche, est une certitude non
seulement faible et incapable d'engendrer une décision, mais aussi son
contraire, à savoir la prétention d'avoir déjà tout compris, d'avoir exploré les
profondeurs du mystère personnel, prétention qui ne peut que créer des raideurs
et une certitude qui, bien souvent, est démentie dans la suite de la vie.
b) L'attitude typiquement d'une vocation est l'expression de la vertu de
prudence, plus que l'exhibition d'une capacité personnelle. C'est la raison
pour laquelle la sécurité de cette lecture de son propre avenir est celle de l'espérance
qui naît de la confiance placée dans un Autre, dont on peut se fier; elle n'est
pas le résultat d'une garantie basée sur la certitude que ses propres capacités
correspondent aux exigences du rôle choisi. c) Les capacités
d'accueillir et d'intégrer les polarités opposées qui constituent la
dialectique naturelle du moi et de la vie humaine sont aussi un bon indice de
vocation. Par exemple, un jeune qui est suffisamment conscient de ses aspects
positifs et négatifs, de ses idéaux et de ses contradictions, de la partie saine
et moins saine de son projet de vocation, et qui ne présume ni ne désespère face
à ses aspects négatifs, possède cette capacité. d) Le jeune qui
découvre les signes de l'appel de Dieu, non seulement dans des événements
extraordinaires, mais dans son histoire, dans les événements qu'il a
appris à lire en tant que croyant, dans ses interrogations, ses angoisses et ses
aspirations, entretient une bonne familiarité avec le mystère de la vie comme
lieu où il peut percevoir une présence et un appel. e) Une autre
caractéristique fondamentale de celui qui est authentiquement appelé rentre dans
cette catégorie: celle de lagratitude. La vocation naît sur le terrain
fécond de la gratitude et doit être interprétée avec un élan de générosité et de
radicalisme, précisément parce qu'elle naît de la conscience de l'amour reçu.
L'identité dans la vocation Le second ordre de critères tourne autour
du concept d'« identité ». L'option vocationnelle indique et implique en effet
la définition de son identité; elle est choix et réalisation du moi idéal, plus
que du moi actuel, et devrait conduire la personne à avoir un sens
substantiellement positif et stable de son moi. a) La première
condition est que la personne montre qu'elle est en mesure de se détacher de la
logique de l'identification aux niveaux corporel (= le corps comme source
d'identité positive) et psychique (= ses talents comme garantie unique et
prédominante d'estime personnelle) et qu'elle découvre en revanche la positivité
radicale liée de manière stable à l'être reçu en don de Dieu (c'est le niveau
ontologique), et non pas à la précarité de l'avoir ou du paraître. La
vocation chrétienne est ce qui permet à cette positivité de s'accomplir en
réalisant au plus haut degré les possibilités du sujet, selon un projet qui
normalement le dépasse car il est pensé par Dieu. b) « Vocation »
veut dire fondamentalement « appel »: il y a donc un sujet extérieur, un
appel objectif et une disponibilité intérieure à se laisser appeler et à
se reconnaître dans un modèle qui n'a pas été créé par l'appelé. c)
Quant à la motivation ou à la modalité du choix de vocation, le critère
fondamental est celui de la totalité (ou loi de la totalité), à savoir
que la décision est l'expression d'une implication totale des fonctions
psychiques (coeur-esprit-volonté) et décision en même temps mentale,
éthique et émotive. d) En particulier, il existe une maturité
vocationnelle lorsque la vocation est vécue et interprétée comme un don, mais
aussi comme un appel exigeant: à vivre pour les autres, non seulement pour sa
propre perfection, et avec les autres, dans l'Eglise mère de toutes les
vocations, dans un « sequela Christi » spécifique. Un projet de
vocation riche de mémoire de foi La troisième dimension sur laquelle
l'attention de celui qui discerne devrait se concentrer est relative à la
qualité du rapport entre passé et présent, entre mémoire et projet. a)
Avant tout, il est important que le jeune soit substantiellement réconcilié
avec son passé: avec l'inévitable partie négative de celui-ci, quelle
qu'elle soit, qui fait partie de lui, et avec la partie positive, qu'il devrait
être en mesure de reconnaître avec gratitude; réconcilié aussi avec les figures
significatives de son passé, avec leurs richesses et leurs faiblesses.
b) Il faut alors considérer avec attention le type de mémoire de son
histoire que le jeune entretient, quelle interprétation il donne à sa vie: en
termes de remerciements ou de lamentation? S'il se sent consciemment ou
inconsciemment encore en attente de recevoir ou ouvert pour donner? c)
L'attitude du jeune face aux traumatismes, plus ou moins graves, de sa vie
passée, est particulièrement significative. Projeter de se consacrer à Dieu veut
dire, dans tous les cas, se réapproprier de la vie que l'on veut donner,
sous tous ses aspects; tendre à intégrer ces éléments moins positifs,
en les reconnaissant avec réalisme, en adoptant une attitude responsable et
non pas d'autocommisération par rapport à eux. Un jeune « responsable » est un
jeune qui s'engage à adopter une attitude active et créative par rapport
à un événement négatif ou qui cherche à exploiter de façon intelligente
une expérience négative personnelle. Il faut accorder beaucoup
d'attention aux vocations qui naissent des souffrances, des déceptions ou
d'incidents variés qui ne sont pas encore bien intégrés. Dans ce cas, un
discernement plus attentif est nécessaire, notamment en ayant recours à des
spécialistes, pour ne pas faire porter des fardeaux trop lourds sur des épaules
trop faibles. La docilité à la vocation La dernière phase
de l'itinéraire d'une vocation est celle de la décision. Pour cette phase, les
critères de maturité d'une vocation semblent être les suivants: a)
la qualité fondamentale est le degré de docibilitas de la personne,
c'est-à-dire la liberté intérieure de se laisser conduire par un(e) frèresoeur
aîné(e); en particulier lors des phases stratégiques de la ré-élaboration et de
la ré-appropriation de son passé, surtout celui qui pose le plus de problèmes
et, par conséquent, la liberté d'apprendre et de savoir changer. b)
La docilité est au fond la qualité de la jeunesse, non pas tant sur le
plan de l'état civil que comme attitude existentielle globale. Il est important
que celui qui demande à entrer au séminaire ou dans la vie consacrée soit
vraiment « jeune », avec les vertus et les vulnérabilités typiques de cette
période de la vie, avec le désir de faire et le désir de donner le maximum de
soi, capable d'établir des rapports sociaux et d'apprécier la beauté de la vie,
conscient de ses défauts et de ses potentialités, conscient du don d'avoir été
choisi. c) Un domaine particulièrement digne d'attention,
aujourd'hui plus qu'hier est le secteur affectif et sexuel. (111) Il est
important que le jeune manifeste les dispositions nécessaires pour acquérir les
deux certitudes qui rendent la personne libre sur le plan affectif,
c'est-à-dire la certitude qui vient de l'expérience d'avoir déjà été aimé
et la certitude, toujours acquise par l'expérience, de se savoir aimé.
Concrètement, le jeune devrait faire preuve d'un équilibre humain qui lui
permette de savoir rester debout tout seul; il devrait posséder une assurance et
une autonomie qui lui facilitent les rapports sociaux et l'amitié cordiale,
ainsi qu'un sens de responsabilité qui lui permette de vivre les rapports
sociaux en adulte, libre de donner et de recevoir. d) En ce qui
concerne les inconsistances, toujours dans le domaine affectif et sexuel,
un discernement circonspect devrait tenir compte du caractère central de ce
domaine dans l'évolution générale du jeune et dans la culture (ou sous-culture)
actuelle. Il n'est pas si étrange ou si rare que le jeune manifeste des
faiblesses spécifiques dans ce secteur. A quelles conditions peut-on
accueillir prudemment la requête de vocation de jeunes présentant ce type de
problèmes? La condition est de rencontrer en même temps chez lui trois
autres qualités: 1) Que le jeune soit conscient de la racine de son
problème, qui très souvent n'est pas sexuel à l'origine. 2) La
seconde condition est que le jeune ressente sa faiblesse comme un corps étranger
à sa personnalité, comme quelque chose qu'il ne voudrait pas, qui jure avec son
idéal et contre lequel il lutte de toutes ses forces. 3) Enfin, il est
important de vérifier si le sujet est en mesure de contrôler cette
faiblesse, en vue de la dépasser, soit parce que, de fait, il tombe moins
souvent, soit parce que ces inclinations perturbent de moins en moins sa vie
(notamment psychique) et lui permettent d'accomplir ses devoirs normaux sans
créer de tension excessive ni occuper indûment son attention. (112) Ces trois
critères doivent tous êtres présents pour permettre un discernement positif.
e) Enfin, la maturité d'une vocation est déterminée par un élément essentiel
qui donne véritablement son sens à tout: l'acte de foi. L'option
vocationnelle authentique est de tout point de vue l'expression d'une adhésion
de foi, et est d'autant plus authentique qu'elle fait partie et constitue
l'épilogue d'un cheminement de formation vers la maturité de la foi. A
l'intérieur de la logique qui fait une place au mystère, l'acte de foi
représente précisément le point central qui permet de maintenir un équilibre
entre les polarités parfois opposées de la vie, éternellement en tension entre
la certitude de l'appel et la conscience de son inaptitude, entre la sensation
de se perdre et de se trouver, entre la grandeur des aspirations et la pesanteur
des limites, entre la grâce et la nature,entre Dieu qui appel et l'homme qui
répond. Le jeune authentiquement appelé devrait faire preuve de la solidité de
l'acte de foi en parvenant à vivre de manière équilibrée avec ces différents
pôles d'attraction.
CONCLUSION
Vers le Jubilé 38.
Ce document est adressé aux Eglises d'Europe à un moment où le peuple de Dieu se
prépare à célébrer un temps de grâce et de miséricorde, de conversion et de
renouveau lors du Jubilé de l'an 2000. Le Congrès sur les vocations fait lui
aussi partie de ce chemin de préparation et il contribue en quelque sorte à
l'orienter, dans deux directions. La première est une invitation à la
conversion. La crise des vocations que nous avons vécue et à laquelle nous
avons encore à faire face, ne peut pas ne pas nous faire réfléchir sur nos
responsabilités, en tant que croyants appelés à diffuser le don de la foi et à
encourager en chaque frère la disponibilité à l'appel. Tous, de
différentes façons, nous devons admettre que nous n'avons pas répondu pleinement
à cet appel, que nous avons rendu l'Eglise, l'église de nos familles et de nos
milieux de travail, de nos paroisses et de nos diocèses, de nos congrégations
religieuses et de nos instituts séculiers, moins fidèle à sa tâche consistant à
faire entendre la voix du Père qui appelle à suivre le Fils dans l'Esprit. Nous
ne sortirons de la crise des vocations que si ce processus de conversion est
sincère et porte des fruits de nouveauté de vie. La seconde direction que
ce document voudrait contribuer à imprimer au long du pèlerinage de l'Eglise
vers le Jubilé est une invitation à l'espérance. Invitation qui émerge de
l'ensemble du Congrès et que nous voudrions maintenant réaffirmer avec toute la
force de notre foi. Peut-être n'existe-t-il aucun secteur de la vie de l'Eglise
qui ait autant besoin de s'ouvrir à l'espérance que la pastorale des vocations,
en particulier là où la crise se fait le plus sentir. Voilà pourquoi nous
réaffirmons, au terme de cette réflexion, notre certitude que le Maître de la
moisson ne laissera pas son Eglise manquer d'ouvriers pour sa moisson. Bien
plus, si l'espérance repose non pas sur nos prévisions et sur nos calculs, que
le passé a souvent démentis, mais « sur Ta parole », alors nous pouvons et
voulons croire en une nouvelle floraison de vocations pour les Eglises d'Europe.
Ce document veut être comme un hymne à l'optimisme de la foi remplie
d'espérance, pour le réveiller chez les enfants, les adolescents et les jeunes,
chez les parents et les éducateurs, chez les pasteurs et les prêtres, chez les
personnes consacrées et chez tous ceux qui servent la vie aux côtés des
nouvelles générations, dans l'ensemble du peuple de Dieu qui est en Europe.
Prions le Maître de la moisson 39. Notre document, qui a commencé
par une action de grâces au Seigneur notre Dieu, ne peut pas s'achever sans une
prière à la sainte Trinité, source et destin de toute vocation. « Dieu
le Père, source de l'amour, qui de toute éternité appelle à la vie et qui la
donne en abondance, tourne ton regard sur cette terre d'Europe. Appelle-la
encore, comme tu l'as appelée autrefois; mais fais surtout en sorte qu'elle soit
consciente de Ton appel, de ses racines chrétiennes, de la responsabilité qui en
découle. Rends-la consciente de sa vocation à promouvoir une culture de la vie,
à respecter l'existence de chaque homme sous toutes ses formes et à chaque
instant de cette existence, à unir les peuples, à accueillir l'étranger, à
favoriser les formes de vie sociale civiles et démocratiques, afin qu'elle soit
toujours davantage une Europe unie dans la paix et la fraternité.
Verbe éternel, qui de toute éternité accueille l'amour du Père et répond à
son appel, ouvre le coeur et l'esprit des jeunes de cette terre afin qu'ils
apprennent à se laisser aimer par Celui qui les a pensés à l'image de son Fils
et, se laissant aimer, qu'ils aient le courage de réaliser cette image qui est
la Tienne. Rends les forts et généreux, capables de risquer sur Ta parole,
libres de voler haut, fascinés par la beauté de Te suivre. Suscite parmi eux les
annonciateurs de Ton Evangile: des prêtres, des diacres, des personnes
consacrées, des religieux et des laïcs, des missionnaires, des moines et des
moniales qui sachent à leur tour, par leur vie, appeler et proposer de suivre le
Christ Sauveur. Esprit Saint, amour toujours jeune de Dieu, voix
de l'Eternel qui ne cesse de résonner et d'appeler, libère le vieux continent de
tout esprit de suffisance, de la culture de l'« homme sans vocation », de la
peur qui empêche de risquer et rend la vie plate et insipide, du minimalisme qui
crée une accoutumance à la médiocrité et qui tue tout élan intérieur et
l'authentique esprit de jeunesse dans l'Eglise. Fais redécouvrir à nos jeunes le
sens plénier de la « sequela » comme appel à être pleinement eux-mêmes,
pleinement et pour toujours jeunes, chacun selon un projet pensé expressément
pour lui, unique individu incomparable. Dans une Europe qui risque de devenir
toujours plus vieille, fais le don de nouvelles vocations qui sachent témoigner
de la « jeunesse » de Dieu et de l'Eglise, universelle et locale, d'Est en
Ouest, et qui sachent formuler et encourager des projets de nouvelle sainteté,
pour la naissance d'une nouvelle Europe. Vierge Sainte, jeune
fille d'Israël, que le Père a choisie comme épouse de l'Esprit pour engendrer
son Fils sur la terre, engendre chez les jeunes d'Europe ce même courage hardi
qui fut le tien; ce courage qui, un jour, te rendit libre de croire à un projet
plus grand que toi, libre d'espérer que Dieu allait le réaliser. Toi qui es la
mère du Prêtre Eternel, nous te confions les jeunes appelés au sacerdoce;
toi qui es la première consacrée du Père, nous te confions les jeunes gens et
les jeunes filles qui choisissent d'appartenir totalement au Seigneur, unique
trésor et bien suprêmement aimé, dans la vie religieuse et consacrée; toi
qui as vécu comme aucune créature la solitude de l'intimité la plus entière avec
le Seigneur Jésus, nous te confions ceux qui quittent le monde pour se consacrer
toute leur vie à la prière de la vie monastique; toi qui as engendré et
assisté l'Eglise naissante avec un amour maternel, nous te confions toutes
les vocations de cette Eglise, afin qu'elles annoncent à toutes les nations,
aujourd'hui comme alors, que Jésus-Christ est le Seigneur, dans l'Esprit Saint,
à la gloire de Dieu le Père! Amen ». Rome, le 6 janvier 1998,
Solennité de l'Epiphanie de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Pio Card. Laghi Président
José Saraiva Martins Archevêque tit. de Tuburnica
Vice-Président
(1) Ont participé à ce Congrès: 253 délégués provenant de 37
nations européennes et des représentants des différentes catégories
vocationnelles (laïcs, personnes consacrées, prêtres, évêques), ainsi que
quelques représentants des Eglises soeurs (protestants, orthodoxes et
anglicans). (2) Oeuvre Pontificale pour les vocations ecclésiastiques,
La pastorale des vocations dans les Eglises particulières d'Europe. Document de
travail du Congrès sur les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée en
Europe, Rome 1996, n. 88. Désormais ce texte sera cité sous le sigle IL
(Instrumentum Laboris). (3) Ibidem, 15. (4) Voir notamment
Développements de la pastorale des vocations dans les Eglises particulières,
expériences du passé et programmes pour l'avenir, Document final du IIème
Congrès international des évêques et autres responsables des vocations
ecclésiastiques (document émanant des Congrégations pour les Eglises
Orientales, pour les Religieux et les Instituts Séculiers, pour l'Evangélisation
des Peuples, pour l'Education Catholique), Rome 10-16 mai 1981; Oeuvre
Pontificale pour les vocations ecclésiastiques, Développement de la pastorale
des vocations dans les Eglises particulières (document émanant des
Congrégations pour l'Education Catholique et pour les Instituts de Vie Consacrée
et les Sociétés de Vie Apostolique), Rome 1992; Déclaration finale du Ier
Congrès continental latinoaméricain sur les vocations, Itaici 1994 (publiée
in « Seminarium », 31994643-655). (5) IL, 18. (6) Cf.
Propositions finales du Congrès européen sur les vocations au sacerdoce et à la
vie consacrée, 8. A partir de maintenant, nous citerons ce texte en le
désignant par le terme Propositions. (7) IL, 32. (8)
Propositions, 7. (9) Propositions, 3. (10)
Propositions, 4. (11) Paul VI, Evangelii Nuntiandi, 2. Voir
aussi, à ce sujet, de Jean-Paul II, Christifideles laici, 33-34, et
Redemptoris missio, 33-34. (12) Propositions, 19. (13)
Lumen Gentium, 32; 39-42 (chap. V). (14) IL, 6. (15)
Propositions, 16. (16) Propositions,19. (17) La «
culture des vocations » fut le thème du Message pontifical pour la 30ème Journée
mondiale de prière pour les vocations, célébrée le 2V1993 (cf. « L'Osservatore
Romano », 18XII1992; cf. aussi Congrégation pour l'Education Catholique,
O.P.V.E., Messages pontificaux pour la Journée mondiale de prière pour les
vocations, Rome 1994, pp. 241-245). (18) Jean-Paul II, Discours
aux participants au Congrès sur les vocations en Europe, in « L'Osservatore
Romano », 11V1997, 4. (19) Ibidem. (20) Cf. Propositions,
12. (21) IL, 6. (22) Discours du Saint-Père, in «
L'Osservatore Romano », 11 mai 1997, n. 107. (23) Cf. Propositions,
20. (24) Cf. Jean-Paul II, Vita consecrata, 64. (25) IL,
85. (26) Une expression analogue a déjà été utilisée dans le Document
final du IIème Congrès international des Evêques et autres responsables des
vocations ecclésiastiques, cf. Sviluppi, 3. A partir de maintenant, nous
citerons ce document sous le sigle DF (Document final). (27)
Propositions, 3. (28) Paul VI, Populorum progressio, 15.
(29) Gaudium et spes, 22. (30) A ce propos, une thèse finale du
Congrès affirmait: "Dans le contexte européen, il est important de faire
ressortir le premier moment vocationnel, celui de la naissance. L'accueil de la
vie montre que l'on croit en ce Dieu qui 'voit' et qui 'appelle' dès le sein
maternel" (Propositions, 34). (31) Jean-Paul II, Familiaris
consortio, 11. (32) C'est pourquoi, comme l'affirme une thèse du
Congrès, "ce n'est qu'au contact vivant de Jésus-Christ Sauveur que les jeunes
peuvent développer la capacité de communion, faire mûrir leur personnalité et
décider de Le suivre" (Propositions, 13). (33) IL, 55.
(34) Sacrosanctum Concilium, 10. (35) Cf. Veritatis splendor,
23-24. (36) Cf. Lumen gentium, chap. V. (37) Cf.
Propositions, 16. (38) Rite de la Confirmation. (39) Cf.
Propositions, 35. (40) Lumen gentium, 1. (41) Cf.
Propositions, 21. (42) II Epiclèse. (43) DF, 18.
(44) DF, 13. (45) Cf. Propositions, 28. (46) Ceci
fait partie de l'enseignement dispensé avec insistance par Jean-Paul II dans les
Lettres Encycliques « Slavorum Apostoli » (1985) et « Ut unum sint »
(1995), ainsi que dans l'Exhortation Apostolique « Orientale lumen »
(1995). (47) IL, 58. (48) Jean-Paul II, Christifideles
laici, 55. (49) Jean-Paul II, Pastores dabo vobis, 15.
(50) « Dans la pastorale spécifique des vocations, une place doit être faite à
la vocation au diaconat permanent. Les diacres permanents constituent déjà une
présence précieuse dans diverses paroisses et il serait réducteur de ne pas les
inclure au nombre des nouvelles vocations de la nouvelle Europe » (Propositions,
18). (51) Sacrosanctum Concilium, 10. (52) « In laudibus
Virginus Matris », Homilia II, 4: Sancti Bernardi opera, IV, Romae,
Editiones Cistercenses, 1966, p. 23. (53) « In Iohannis Evangelium
Tractatus » VIII, 9: CCL 36, p. 87. (54) Discours de Jean-Paul II
aux participants au Congrès sur le thème: « De nouvelles vocations pour une
nouvelle Europe » in « L'Osservatore Romano », 11 mai 1997, no 107. (55)
DF, 5. (56) Cette expression se trouve dans l'Exhortation Apostolique
de Jean-Paul II Pastores dabo vobis, no 34. Ce même document indique bien
les motifs fondateurs qui lient intrinsèquement la pastorale des vocations à
l'Eglise. (57) Ibidem. (58) Ibidem. (59)
IL, 58. (60) L'expression « communauté chrétienne » est, en
soi, une expression générale qui entend indiquer une Eglise particulière ou
locale, comme par exemple une paroisse. Elle est l'équivalent d'un groupe de
chrétiens vivant en un lieu et représente l'Eglise d'une manière actuelle,
lorsqu'elle se rassemble pour prier et servir, pour rendre témoignage de l'amour
et de la présence du Christ au milieu d'eux. En revanche, l'expression «
communauté ecclésiale » possède un sens plus précis, car elle met en
évidence la présence des éléments qui constituent l'Eglise, à partir du
caractère central du mystère eucharistique. Elle s'applique en propre aux
diocèses et aux paroisses qui sont des communautés ecclésiales eucharistiques
grâce à la présence du ministère ordonné; les autres le sont par extension de
sens. Cf. à ce propos DF, 13-16. (61) Jean-Paul II, Discours au
VIème Symposium des Conférences Episcopales Européennes, 11.10.1985.
(62) Pastores dabo vobis, 34. (63) Ibidem, 35. (64)
Ibidem, 41. (65) Cf. ibidem, 41. (66) Ibidem,
66. (67) Vita consecrata, 64. (68) Ibidem.
(69) IL, 59. (70) Cf. Déclaration, 26. (71) Cf.
Propositions, 25. (72) Cf. Vita consecrata, 70. (73)
Propositions, 4. (74) Propositions, 13. (75) Cf.
Propositions, 10. (76) Cf. Propositions, 10. (77) « La
liturgie apparaît en soi comme un appel. C'est le lieu privilégié où l'ensemble
du peuple de Dieu se retrouve d'une manière visible et où se réalise le mystère
de la foi » (Propositions, 13). (78) Dei Verbum, 25.
(79) « Le premier lieu de témoignage est la vie d'une Eglise qui se redécouvre
"communion" et où les paroisses et les réalités associatives sont vécues comme
communion de communauté » (Propositions, 14). (80) Propositions,
21. (81) Vita consecrata, 64. (82) Lumen gentium,
12; 35; 40-42. (83) Cf. Catechesi tradendae, 186. (84)
Propositions, 35, où les Evêques se voient une nouvelle fois rappeler la
grande opportunité que leur offre la célébration de la Confirmation pour «
appeler » les jeunes qui reçoivent ce sacrement. (85) Propositions,
10. (86) Propositions, 11. (87) Propositions, 10.
(88) Pastores dabo vobis, 41. (89) Cf. les sages indications sur
ce thème du Document Final du IIème Congrès International de 1981, DF,
40. (90) Cf. Optatam totius, 2; DF, 57-59; cf. aussi
Développements de la pastorale, 89-91. (91) Cf. Propositions,
10. (92) « Parfois — a-t-on remarqué lors du Congrès — on constate une
certaine difficulté dans les rapports entre Eglise locale et vie religieuse. Il
est important de sortir d'une lecture fonctionnelle de la vie religieuse, même
si l'on entrevoit déjà des signes d'orientations nouvelles après le Synode sur
la vie consacrée. Cela vaut également pour les Instituts séculiers » (Propositions,
16). (93) « Dans une situation religieuse et culturelle qui évolue
rapidement, il devient indispensable de former des animateurs de base:
catéchistes, paroisses, diacres, personnes consacrées, évêques... et de prendre
soin de leur formation permanente » (Propositions, 17). (94) Cf.
Propositions, 29, où, parlant de ce Congrès européen pour les vocations,
s'exprime le désir que celui-ci, comme geste de charité et d'échange de dons,
"pourvoit aussi à une ?banque' de personnes qualifiées pour collaborer à la
formation des formateurs". Quant à la constitution de cet organisme, on trouve
aussi une sollicitation en ce sens dans l'Instrumentum laboris, 83 et
90h. Une expérience positive se déroule déjà depuis plusieurs années en Amérique
latine. A Bogotà (Colombie), au siège du Conseil épiscopal latino-américain
(CELAM), le "Departimento de Vocaciones y Ministerios" (DEVYM) oeuvre de
façon stable. Cet organisme a également constitué le point de référence pour la
préparation et la célébration du premier Congrès continental pour l'Amérique
latine, qui s'est déroulé à Itaici (Sao Paulo, Brésil) du 23 au 27 mai 1994.
(95) IL, 86. (96) Cf. Propositions, 9. (97) Paul VI,
Regardez le Christ et l'Eglise, Message pour la XVème Journée mondiale de
prière pour les vocations (16IV1978), in Insegnamenti di Paolo VI, XVI,
1978, pp. 256-260 (cf. aussi Congrégation pour l'Education Catholique, O.P.V.E.,
Messages Pontificaux, 127). (98) Propositions, 15. (99)
Propositions, 9. (100) Propositions, 22. Et encore: « La
naissance de l'intérêt pour l'Evangile et pour une vie qui lui est radicalement
consacrée, dépend en grande mesure du témoignage personnel de prêtres et de
religieuxses heureux de leur condition. La majorité des candidats à la vie
consacrée et au sacerdoce déclarent attribuer leur vocation à une rencontre avec
un prêtre ou une personne consacrée » (ibidem, 11). (101)
Propositions, 12. (102) Ainsi, la Proposition 23 affirme: « Il
est important de souligner que les jeunes sont ouverts aux défis et aux
propositions forts (qui sont "supérieurs à la moyenne", c'est-à-dire qui ont
quelque chose "de plus"!) ». (103) Qui revient sous forme de provocation
dans les paroles de Paul aux Corinthiens : "Qu'as-tu que tu n'aies reçu?" (1
Co 4, 7). (104) IL, 55. (105) Propositions, 27.
(106) Propositions, 25. (107) Cf. Propositions, 25.
(108) Cf. Propositions, 14. (109) Pastores dabo vobis, 11.
(110) Cf. Jurado, Il discernimento, 262. Cf. aussi L. R. Moran, «
Orientaciones doctrinales para una pastoral eclesial de las vocaciones », in
Seminarium, 4 (1991), 697-725. (111) Nous parlons ici d'une maturité
affectivo-sexuelle de base, comme condition préalable à l'admission aux voeux
religieux et au ministère ordonné, selon les deux voies des Eglises catholiques
d'Europe, au ministère comportant le célibat (Eglise occidentale) et au
ministère marié (Eglises orientales). Il est important que de la pastorale des
vocations à la formation proprement dite les programmes pédagogiques soient
cohérents et précis, pour que la préparation au ministère ordonné soit adaptée
dans un cas comme dans l'autre, en particulier sur le plan de la solidité
affective, et que l'exercice du ministère puisse ainsi atteindre l'objectif de
l'annonce de l'amour de Dieu comme origine et terme de l'amour humain.
(112) Voir en ce sens la recommandation du Potissimum Institutioni
d'écarter, en ce qui concerne l'homosexualité, non pas ceux qui ont cette
tendance, mais "ceux qui ne parviendront pas à maîtriser ces tendances" (39),
même si le verbe "maîtriser" doit être compris — selon nous — au sens plénier,
non pas simplement comme effort de la volonté, mais avec la liberté progressive
à l'égard des tendances elles-mêmes, dans le coeur et en esprit, au niveau de la
volonté et des désirs.
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