II. Une proposition de réponse de lÂÉglise : La via pulchritudinis. II.3 La Via pulchritudinis, chemin vers la Vérité et la Bonté. III.1 La beauté de la création. A) LÂémerveillement devant la beauté de la création. B) De la création à la recréation. C) La création, utilisée ou idolâtrée. A) La beauté suscitée par la foi. B) Apprendre à accueillir cette beauté. C) LÂart sacré, instrument dÂévangélisation et de catéchèse. III.3 La beauté du Christ, modèle et prototype de la sainteté chrétienne. A) En chemin vers la beauté du Christ B) La beauté lumineuse du Christ et son reflet dans la sainteté chrétienne.
DOCUMENT FINAL DE L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE La Via pulchritudinis,
Introduction
Le thème de lÂAssemblée plénière 2006 du Conseil Pontifical de la Culture sÂinscrit dans sa mission dÂaider lÂÉglise à transmettre la foi au Christ par une pastorale qui réponde aux défis de la culture contemporaine, notamment lÂindifférence religieuse et la non-croyance (Motu proprio Inde a Pontificatus). Par des projets et des propositions concrètes, il souhaite aider les pasteurs en suivant La Via pulchritudinis comme chemin dÂévangélisation des cultures et de dialogue avec les non-croyants, à conduire au Christ qui est « la voie, la vérité et la vie » (Jn 14, 6).
LÂavant-dernière Plenaria du Dicastère en 2002, qui avait pour thème « Transmettre la foi au cÂur des cultures, novo millennio ineunte »[1], et la suivante en 2004, sur « La foi chrétienne à lÂaube du nouveau millénaire et le défi de la non-croyance et de lÂindifférence religieuse »[2], ont souligné lÂurgence dÂun nouvel élan apostolique de lÂÉglise, pour évangéliser les cultures par une inculturation effective de lÂÉvangile. La culture empreinte dÂune vision matérialiste et athée caractéristique des sociétés sécularisées, suscite une réelle désaffection et parfois une mise en accusation de la religion, en particulier du christianisme, et notamment un nouvel anti-catholicisme[3]. Beaucoup vivent comme si Dieu nÂexistait pas (Etsi Deus non daretur), comme si sa présence et sa parole ne pouvaient influencer dÂaucune manière la vie concrète des personnes et des sociétés. Ils éprouvent de la difficulté à affirmer clairement leur appartenance religieuse : celle-ci relèverait du strict domaine de la vie privée. LÂexpérience religieuse, par suite, se dissocie souvent dÂune claire appartenance à une institution ecclésiale : certains croient sans appartenir, tandis que dÂautres appartiennent sans donner de signes visibles de leur croire. Le phénomène de la nouvelle religiosité et les spiritualités émergentes qui se répandent dans le monde, se dressent comme un grand défi pour la nouvelle évangélisation : elles prétendent répondre mieux que lÂÉglise  ou, en tous cas, mieux que les formes religieuses traditionnelles  aux attentes spirituelles, émotives et psychologiques de nos contemporains, et à travers rites syncrétistes et pratiques ésotériques, elles touchent à vif lÂémotivité des personnes dans une dynamique communautaire pseudo-religieuse qui, souvent, les étouffe, voire les prive de leur liberté et de leur dignité.[4] Si en certains pays dÂanciennes chrétientés les chrétiens pratiquants ne constituent plus, comme dans un passé encore récent, la majorité de la population, ils demeurent une force vive, capable de témoigner avec discernement et courage, au cÂur dÂune culture néo-païenne. Les Journées mondiales de la Jeunesse, les grands rassemblements des Congrès eucharistiques et des sanctuaires de la Vierge Marie, la multiplication des lieux de ressourcement et la demande de séjours silencieux dans les hôtelleries des monastères, la redécouverte des antiques voies de pèlerinage et la floraison dÂune multitude de nouveaux mouvements religieux qui touchent jeunes et adultes, les foules immenses qui se sont pressées à Rome à la mort de Jean-Paul II et à lÂélection de Benoît XVI, sont autant de signes dÂespérance : « Oui, lÂÉglise est vivante, témoignait le Saint-Père dans son Homélie pour la messe inaugurale de son Pontificat  telle est la merveilleuse expérience de ces jours-ci. Au cours des journées tristes de la maladie et de la mort du Pape [Jean-Paul II], précisément, sÂest manifesté de manière merveilleuse à nos yeux le fait que lÂÉglise est vivante. Et lÂÉglise est jeune. Elle porte en elle lÂavenir du monde et cÂest pourquoi elle montre aussi à chacun de nous le chemin vers lÂavenir. LÂÉglise est vivante et nous le voyons: nous faisons lÂexpérience de la joie que le Ressuscité a promise aux siens. »[5]
II. Une proposition de réponse de lÂÉglise : La via pulchritudinis.
Devant les défis historiques, sociaux, culturels et religieux relevés dans les deux précédentes Assemblées plénières, quels aspects de la pastorale lÂÉglise est-elle appelée à privilégier dans son dialogue apostolique avec les hommes et les femmes de notre temps, notamment les non-croyants et les indifférents ? LÂÉglise accomplit sa mission de conduire les hommes au Christ Sauveur par le partage de la Parole de Dieu et le don des Sacrements de la Grâce. Pour mieux les rejoindre par une pastorale de la culture adaptée, à la lumière du Christ contemplé dans le mystère de son Incarnation (Cf. Gaudium et spes, n. 22), elle scrute les « signes des temps » et y trouve de précieuses indications pour établir des « ponts » qui permettent de rencontrer le Dieu de Jésus Christ à travers un itinéraire dÂamitié dans un dialogue de vérité. Dans cette perspective, la Via pulchritudinis se présente comme un itinéraire privilégié pour rejoindre beaucoup de celles et ceux qui éprouvent de grandes difficultés à recevoir lÂenseignement, en particulier moral, de lÂÉglise. Trop souvent en ces dernières décennies, la vérité a souffert dÂêtre instrumentalisée par lÂidéologie, et la bonté dÂêtre « horizontalisée », réduite à nÂêtre plus quÂun acte social, comme si la charité envers le prochain pouvait se priver de puiser sa force dans lÂamour de Dieu. Le relativisme qui trouve dans le « pensiero debole », la pensée faible, une de ses plus fortes expressions, contribue à rendre difficile une vraie confrontation, sérieuse et raisonnable avec les non-croyants. La Voie de la beauté, à partir de lÂexpérience toute simple de la rencontre avec la beauté qui suscite lÂémerveillement, peut ouvrir le chemin de la recherche de Dieu et disposer le cÂur et lÂesprit à la rencontre du Christ, la Beauté de la Sainteté Incarnée offerte par Dieu aux hommes pour leur Salut. Elle invite les nouveaux Augustin de notre temps, chercheurs insatiables dÂamour, de vérité et de beauté, à sÂélever de la beauté sensible à la Beauté éternelle, et à découvrir avec ferveur le Dieu Saint, lÂAuteur de toute beauté. Toutes les cultures ne sont pas également ouvertes au Transcendant et à lÂaccueil de la révélation chrétienne. De même, toutes les expressions de la beauté  ou de ce qui prétend lÂêtre  sont loin de favoriser lÂaccueil du message du Christ et lÂintuition de sa beauté divine. Les cultures, comme les expressions artistiques et les manifestations esthétiques, sont marquées par le péché et peuvent attirer, voire emprisonner lÂattention jusquÂà la faire se replier sur elle-même, et susciter de nouvelles formes dÂidolâtrie. Ne sommes-nous pas trop souvent confrontés à des phénomènes de réelle décadence où lÂart et la culture se dénaturent jusquÂà blesser lÂhomme dans sa dignité ? Le beau ne peut être réduit à un simple plaisir des sens : ce serait sÂinterdire dÂavoir la pleine intelligence de son universalité, de sa valeur suprême, transcendante. Sa perception requiert une éducation, car la beauté nÂest authentique que dans son lien à la vérité  de quoi serait-elle dÂailleurs le resplendissement, si ce nÂest de la vérité ?  et elle est en même temps « lÂexpression visible du bien, de même que le bien est la condition métaphysique du beau »[6]  « Le beau ne serait-il pas la route la plus sûre pour atteindre le bien ? », se demandait Max Jacob. Largement accessible à tous, la Voie de la beauté nÂest pas pour autant exempte dÂambiguïtés et de fourvoiements. Toujours dépendante de la subjectivité humaine, elle peut être réduite à un esthétisme éphémère, se laisser instrumentaliser et asservir par les modes captatrices de la société de consommation. Aussi est-il urgent dÂéduquer au discernement entre lÂuti et le frui, cÂest-à-dire entre un rapport avec les réalités et les personnes fondé uniquement sur la fonctionnalité  uti Â, et celui dÂune relation authentique et de confiance  frui Â, solidement enracinée dans la beauté de lÂamour gratuit, selon saint Augustin dans son De catechizandis rudibus : ÂNulla est enim maior ad amorem invitatio quam praevenire amando  Il nÂest pas de plus grande invitation à lÂamour que dÂaimer le premier (Lib. I, 4.7, 26). Aussi est-il nécessaire de clarifier ce quÂest et en quoi consiste la Via pulchritudinis : de quelle beauté sÂagit-il, qui permette de transmettre la foi par sa capacité à toucher le cÂur des personnes, à exprimer le mystère de Dieu et de lÂhomme, à se présenter comme un authentique « pont », espace libre pour cheminer avec les hommes et les femmes de notre temps qui savent ou apprennent à apprécier le beau, et les aider à rencontrer la beauté de lÂÉvangile du Christ que lÂÉglise a pour mission dÂannoncer à tous les hommes de bonne volonté.
II.2 De quelle manière la via pulchritudinis peut-elle être une réponse de lÂÉglise aux défis de notre temps ? Le Pape Jean-Paul II, inlassable scrutateur des signes des temps, indique la voie dans son Encyclique Fides et ratio : « Tandis que je ne me lasse pas de proclamer lÂurgence dÂune nouvelle évangélisation, je fais appel aux philosophes pour quÂils sachent approfondir les dimensions du vrai, du bon et du beau, auxquelles donne accès la parole de Dieu. Cela devient plus urgent lorsque lÂon considère les défis que le nouveau millénaire semble lancer et qui touchent particulièrement les régions et les cultures dÂancienne tradition chrétienne. Cette préoccupation doit aussi être considérée comme un apport fondamental et original sur la route de la nouvelle évangélisation. »[7] Cet appel aux philosophes peut surprendre, mais la via pulchritudinis nÂest-elle pas une via veritatis sur laquelle lÂhomme sÂengage pour découvrir la bonitas du Dieu dÂamour, source de toute beauté, de toute vérité et de toute bonté ? Le beau, tout autant que le vrai ou le bien, nous conduit à Dieu, Vérité première, Bien suprême, et Beauté même. Mais le beau dit plus que le vrai ou le bien. Dire dÂun être quÂil est beau, nÂest pas seulement lui reconnaître une intelligibilité qui le rend aimable. CÂest en même temps dire quÂen spécifiant notre connaissance, il nous attire, voire nous captive par un rayonnement capable de susciter lÂémerveillement. SÂil exprime un certain pouvoir dÂattraction, plus encore, peut-être, le beau dit la réalité elle-même dans la perfection de sa forme. Il en est lÂépiphanie. Il la manifeste en exprimant sa clarté interne. Cette dernière est, selon saint Thomas dÂAquin, lÂune des trois conditions de la beauté. Dans son Traité sur la Trinité de la Somme Théologique, il sÂinterroge sur les attributs propres à chaque personne divine et rattache la beauté à la personne du Fils : « Pulchritudo habet similitudinem cum propriis Filii  La beauté présente quelque similitude avec ce qui est le propre du Fils ». Et il indique les trois conditions de la beauté, pour les appliquer au Christ : lÂintégrité ou la perfection  integritas sive perfectio Â, la juste proportion ou harmonie  proportio sive consonantia  et la clarté  claritas (Ia, qu. 39, art. 8). Si le bien dit le désirable, le beau dit plus encore la splendeur et la lumière dÂune perfection qui se manifeste.[8] La via pulchritudinis est une voie pastorale, qui ne saurait se réduire à une approche philosophique. Mais le regard du métaphysicien nous aide à comprendre pourquoi la beauté est une voie royale pour conduire à Dieu. En nous suggérant qui Il est, elle suscite en nous le désir dÂen jouir dans le repos de la contemplation, non seulement parce que Lui seul peut combler nos intelligences et nos cÂurs, mais parce quÂIl contient en lui-même la perfection de lÂÊtre, source harmonieuse et intarissable de clarté et de lumière. Pour y parvenir, il importe de savoir accomplir le passage « du phénomène au fondement ». CÂest encore lÂappel du pape philosophe : « Partout où lÂhomme constate un appel à lÂabsolu et à la transcendance, il lui est donné dÂentrevoir la dimension métaphysique du réel : dans le vrai, dans le beau, dans les valeurs morales, dans la personne dÂautrui, dans lÂêtre même, en Dieu. Un grand défi qui se présente à nous au terme de ce millénaire est celui de savoir accomplir le passage, aussi nécessaire quÂurgent, du phénomène au fondement. Il nÂest pas possible de sÂarrêter à la seule expérience ; même quand celle-ci exprime et rend manifeste lÂintériorité de lÂhomme et sa spiritualité, il faut que la réflexion spéculative atteigne la substance spirituelle et le fondement sur lesquels elle repose. » Et il ajoute : « Une pensée philosophique qui refuserait toute ouverture métaphysique serait donc radicalement inadéquate pour remplir une fonction de médiation dans l'intelligence de la Révélation. »[9] Ce passage du phénomène au fondement ne se fait pas spontanément pour qui nÂest pas apte à passer du visible à lÂinvisible, parce quÂune certaine accoutumance à la laideur, au mauvais goût, à la grossièreté, se voit promue, tant par la publicité que par certains « artistes fous » qui érigent en valeur lÂimmonde et le laid, dans le but de susciter le scandale. Les fleurs captieuses du mal fascinent : « Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de lÂabîme, ô Beauté ? », sÂinterroge Baudelaire. Et Dimitri Karamazov confie à son frère Aliocha : « La Beauté est une chose terrible. Elle est la lutte de Dieu et de Satan, et le champ de bataille, cÂest mon cÂur ». Si la beauté est image du Dieu créateur, elle est aussi fille dÂAdam et Ève et à leur suite marquée par le péché. LÂhomme souvent risque de se laisser prendre au piège de la beauté prise pour elle-même, lÂicône devenue idole, moyen qui engloutit la fin, vérité qui emprisonne, piège dans lequel tombent nombre de personnes, faute dÂune formation adéquate de la sensibilité et dÂune juste éducation à la beauté. Parcourir la Via pulchritudinis implique de sÂengager à éduquer les jeunes à la beauté, les aider à développer un esprit critique face à lÂoffre de la culture médiatique et à façonner leur sensibilité et leur caractère pour les élever et les conduire à une réelle maturité. La « culture kitch » nÂest-elle pas caractéristique dÂune certaine peur de se sentir poussé à une profonde transformation ? Après un long refus de cette « passion », saint Augustin témoigne de la transformation profonde de lÂâme provoquée par la rencontre avec la beauté de Dieu : dans les Confessions, il songe avec tristesse et amertume au temps perdu et aux occasions manquées, et, en des pages inoubliables, il revit son parcours tourmenté à la recherche de la vérité et de Dieu. Mais, dans une sorte dÂillumination dans lÂévidence, il retrouve Dieu et le saisit comme « la Vérité elle-même » (X, 24), source dÂune joie pure et dÂun authentique bonheur : « Tard je tÂai aimée, ô Beauté si ancienne et si nouvelle, tard je tÂai aimée ! Mais quoi ! tu étais au-dedans de moi, et jÂétais, moi, en dehors de moi-même ! Et cÂest au dehors que je te cherchais ; je me ruais, dans ma laideur, sur la grâce de tes créatures Tu mÂas appelé, et ton cri a forcé ma surdité ; tu as brillé et ton éclat a chassé ma cécité ; tu as exhalé ton parfum, je lÂai respiré, et voici que pour toi je soupire ; je tÂai goûtée et jÂai faim de toi, soif de toi ; tu mÂas touché, et je brûle dÂardeur pour la paix que tu donnes. »[10] Cette expérience de la rencontre avec le Dieu de Beauté, est un évènement vécu dans la totalité de lÂêtre, et non pas seulement dans la sensibilité. DÂoù la confession du De musica (6, 13, 38) : « Num possumus amare nisi pulchra ?  Que pourrions-nous aimer sinon le beau ? ».
II.3 La Via pulchritudinis, chemin vers la Vérité et la Bonté. En proposant une esthétique théologique, Urs von Balthazar entendait ouvrir les horizons de la pensée à la méditation et à la contemplation de la beauté de Dieu, de son mystère et du Christ en qui Il se révèle. Dans lÂintroduction au premier volume de son ouvrage magistral : La Gloire et la Croix, le théologien évoque ce mot « qui pour nous sera le premier », la beauté, et il en exprime la portée par rapport au bien qui « a aussi perdu sa force dÂattraction » et où « les preuves de la vérité ont perdu leur caractère concluant » :
« Le mot par lequel nous commenceronsÂ
cÂest : beauté ; cÂest lui qui pour nous sera le premier. Beauté, cÂest la dernière aventure où la raison raisonnante puisse se risquer, parce que la beauté ne fait que cerner dÂune éclat impalpable le double visage du vrai et du bien et leur réciprocité indissoluble ; beauté désintéressée, sans laquelle le monde ancien refusait de se concevoir, mais qui, insensiblement, a pris congé du monde intéressé dÂaujourdÂhui, pour lÂabandonner à sa cupidité et à sa tristesse. Beauté, que même la religion nÂaime et ne choie plus et qui pourtant, ôtée comme un masque de son visage, met à nu des traits qui menacent de devenir incompréhensibles aux hommesÂ
Celui qui, à son nom, fait la moue comme si elle était le vain ornement dÂun passé bourgeois, on peut être sûr que  en secret ou ouvertement  il ne peut déjà plus prier, et bientôt ne pourra plus aimerÂ
Dans un monde sans beauté  même si les hommes ne peuvent se passer de ce mot, et lÂont sans cesse à la bouche en le prostituant  dans un monde qui nÂest peut-être pas dépourvu de beauté, mais nÂest plus capable de la voir, de compter avec elle, le bien a aussi perdu sa force dÂattraction, lÂévidence « quÂil doit être accompli »Â Dans un monde qui ne se croit plus capable dÂaffirmer le beau, les preuves de la vérité ont perdu leur caractère concluant. »[11] Parallèlement, avec dÂautres préoccupations, Aleksandr I. Soljenitsyne note avec accent prophétique, dans son Discours pour la remise du Prix Nobel de littérature : « Cette antique tri-unité de la Vérité, du Bien et de la Beauté nÂest pas simplement une formule caduque de parade, comme il nous avait semblé aux temps de notre présomptueuse jeunesse matérialiste. Si, comme le disaient les sages, les cimes de ces trois arbres se réunissent tandis que les pousses de la Vérité et du Bien, trop précoces et sans défenses, sont écrasées, déchirées et nÂarrivent pas à maturation, il peut se faire que, étranges, imprévues, inattendues, les pousses de la Beauté pousseront et croîtront à la même place, et ce seront elles, de cette manière, qui accompliront le travail pour toutes les trois. »[12] Le Père Turoldo, chantre de la beauté, rapporte cette affirmation significative de Divo Barsotti : « Le mystère de la beauté ! JusquÂà ce que la vérité et le bien ne deviennent beauté, la vérité et le bien semblent rester, en quelque sorte, étrangers à lÂhomme, et sÂimposent à lui de lÂextérieur ; il y adhère, mais ne les possède pas ; ils exigent de lui une obéissance qui, de quelque manière, le mortifie ». Et il en tire la conclusion suivante : « Le vrai et le bien ne suffisent pas à créer une culture, parce que seuls, ils ne semblent pas suffire à créer une communion, une unité de vie entre les hommes. Et parce que la culture est lÂexpression même dÂun développement individuel, dÂune certaine perfection atteinte, il sÂensuit que la culture semble sÂexprimer au plus haut point dans la beauté. » Ainsi, bien loin de renoncer à proposer la Vérité et le Bien qui sont au cÂur de lÂÉvangile, il sÂagit de suivre une voie privilégiée pour leur permettre de rejoindre le cÂur de lÂhomme et des cultures.[13] Le monde en a un urgent besoin, comme le soulignait le Pape Paul VI dans son vibrant Message aux Artistes le 8 décembre 1965, à la clôture du Concile Âcuménique Vatican II : « Ce monde dans lequel nous vivons a besoin de beauté pour ne pas sombrer dans la désespérance. La beauté, comme la vérité, cÂest ce qui met la joie au cÂur des hommes, cÂest ce fruit précieux qui résiste à lÂusure du temps, qui unit les générations et les fait communiquer dans lÂadmiration. »[14] Contemplée avec une âme pure, la beauté parle directement au cÂur, et lÂélève intérieurement de lÂétonnement à lÂémerveillement, de lÂadmiration à la gratitude, et du bonheur à la contemplation. Par là, elle crée un terrain fertile pour lÂécoute et le dialogue, car elle aide à saisir lÂhomme tout entier, esprit et cÂur, intelligence et raison, capacité créatrice et imagination. Car elle laisse difficilement indifférent : elle suscite des émotions, elle met en mouvement un dynamisme de profonde transformation intérieure qui engendre joie, sentiment de plénitude, désir de participer gratuitement à cette même beauté, de se lÂapproprier en lÂintériorisant et en lÂintégrant dans son existence concrète. La voie de la beauté répond au désir intime de bonheur qui habite le cÂur de tous les hommes. Elle ouvre des horizons infinis qui poussent lÂêtre humain à sortir de lui-même, de la routine et de lÂéphémère instant qui passe, à sÂouvrir au Transcendant et au Mystère, à désirer, comme but ultime de son désir de bonheur et de sa nostalgie dÂabsolu, cette Beauté originelle quÂest Dieu lui-même, Créateur de toute beauté créée. Nombre de Pères sÂy sont référés au cours du Synode des Évêques sur lÂEucharistie, en octobre 2005. LÂhomme, dans son désir intime de bonheur, ne peut éviter de se trouver au prises avec le mal, la souffrance et de la mort. Et les cultures elles-mêmes sont parfois confrontées à des phénomènes analogues de blessures qui peuvent conduire jusquÂà leur disparition. La voie de la beauté aide à sÂouvrir à la lumière de la vérité, et elle éclaire ainsi la condition humaine en aidant à saisir le sens mystérieux de la douleur. Ce faisant, elle facilite la guérison de ces blessures.
Trois développements sÂoffrent à nous comme voies privilégiées de la Via pulchritudinis pour dialoguer avec les cultures contemporaines : III.1 La beauté de la création III.2 La beauté des arts III.3 La beauté du Christ, modèle et prototype de la sainteté chrétienne La Beauté de Dieu, révélée par la beauté singulière de son Fils, constitue lÂorigine et la fin de tout le créé. SÂil est possible de partir du degré le plus élémentaire, pour ensuite remonter, selon un dynamisme inscrit dans lÂÉcriture Sainte, de la beauté sensible de la nature à la Beauté du Créateur, celle-ci resplendit dÂune manière unique sur le visage du Christ, et sur celui de sa Mère et des saints. Pour le chrétien, la « création » est inséparable de la « recréation », car si Dieu a jugé bonne et belle lÂÂuvre des six jours (cf. Gn 1), le péché, avec le désordre a introduit la laideur du mal et de la mort dont le Christ ressuscité est vainqueur. « Heureuse faute qui nous a valu un tel Rédempteur ! », chante la liturgie de Pâques : la Grâce qui se répand sur le monde du côté ouvert du Christ Sauveur, purifie et introduit dans une beauté tout autre le monde sauvé qui attend dans les gémissements lÂheure de la transformation finale (Rm 8, 22).
III.1 La beauté de la création. LÂÉcriture souligne la valeur symbolique de la beauté du monde qui nous entoure, reflet visible de la beauté de son créateur invisible : « Oui, vains par nature tous les hommes en qui se trouvait lÂignorance de Dieu, qui, en partant des biens visibles, nÂont pas été capables de connaître Celui-qui-est, et qui, en considérant les Âuvres, nÂont pas reconnu lÂArtisan SÂils les ont pris pour des dieux, quÂils sachent combien leur Maître est supérieur, car cÂest la source même de la beauté qui les a créés. » (Sg 13, 1 et 3). Il est toutefois un abîme entre la beauté ineffable de Dieu et ses vestiges dans la création, aussi lÂauteur sacré ne croit pas inutile de préciser le cadre de cette « dialectique ascendante » : « La grandeur et la beauté des créatures font, par analogie, contempler leur Auteur » (v. 5). Il importe de dépasser les formes visibles des choses de la nature, pour remonter jusquÂà leur Auteur invisible, le « Tout Autre » que nous professons dans le Credo : « Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de lÂunivers visible et invisible ».
A) LÂémerveillement devant la beauté de la création. « La nature est un temple où de vivants piliers laissent parfois sortir de confuses paroles ». Les poètes sont, avec Baudelaire, particulièrement sensibles aux beautés de la création et à leur mystérieux langage. Ainsi, en son Cantique spirituel, saint Jean de la Croix donne aux créatures de confesser : « Répandant mille grâces
En hâte il est passé par ces bocages.
Les allant regardant,
par sa seule figure,
il les laissa revêtus de beauté »,
et le poète anglais G.M. Hopkins : « Le monde est pénétré de la splendeur de Dieu ». CÂest que de la contemplation dÂun paysage au coucher du soleil, des sommets des montagnes enneigées sous le ciel étoilé, des champs couverts de fleurs baignés de lumière, du foisonnement des plantes et des espèces animales naissent une palette de sentiments qui nous invitent à « lire de lÂintérieur  intus-legere », pour, du visible atteindre lÂinvisible et donner réponse raisonnable au questionnement incontournable : qui est cet artisan à lÂimagination si puissante à lÂorigine de tant de beauté et de grandeur, dÂune telle profusion dÂêtres dans le ciel et sur la terre ?
Voici deux mille ans, Platon avait dit : « Le beau, qui est lÂunité dÂune diversité, nous fait parvenir au seuil de la réalité suprême, le Bien », c'est à dire Dieu. Et Aristote affirmait que « dans toutes les choses de la nature, il est quelque chose de merveilleux ». LÂétude de la nature et du cosmos a, de fait, joué un rôle essentiel dans la philosophie, dès la Grèce antique. De même, en théologie, la cosmologie a constitué un élément fondamental pour comprendre lÂÂuvre de Dieu et son action dans lÂhistoire. Ainsi : la vision du Pseudo-Denys lÂAréopagite, tant de fois reprise dans la théologie et la mystique chrétienne, et la cosmologie aristotélicienne reprise par saint Thomas, présente dans ses « preuves de lÂexistence de Dieu ». Emmanuel Kant reconnaît lui aussi la beauté de la création et sa capacité à provoquer lÂémerveillement, dans la Critique de la raison pratique : « Deux choses remplissent le cÂur dÂune admiration et dÂune vénération toujours nouvelles et toujours croissantes, à mesure que la réflexion sÂy attache et sÂy applique : le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi. » La contemplation des beautés de la création suscite la paix intérieure et aiguise le sens de lÂharmonie et le désir dÂune vie belle. Chez lÂhomme religieux, lÂétonnement et lÂadmiration se transforment en des attitudes intérieures plus spirituelles : lÂadoration, la louange et lÂaction de grâces envers lÂAuteur de ces beautés. Ainsi le psalmiste : « Quand je contemple les cieux, ouvrage de tes mains, la lune et les étoiles que tu as créées : QuÂest-ce que lÂhomme, pour que tu te souviennes de lui ? le fils de lÂhomme, pour que tu en prennes souci ? Tu lÂas fait de peu inférieur à Dieu, et tu lÂas couronné de gloire et de magnificence. Tu lui as donné la domination sur les oeuvres de tes mains, tu as tout mis sous ses pieds Yahvé, notre Dieu, que ton nom est magnifique sur toute la terre ! » (Ps 8, 3-6 et 9). La tradition franciscaine, avec saint Bonaventure et Dun Scot Erigène[15], accorde une dimension « sacramentelle » à la création, qui porte en elle les traces de ses origines. Aussi, la nature est-elle considérée comme une allégorie, et chaque réalité naturelle le symbole de son Auteur.
B) De la création à la recréation. Parmi les créatures, il en est une qui présente une certaine similitude de Dieu : lÂhomme, créé « à son image et à sa ressemblance » (Gn 1, 27). Par son âme spirituelle, il porte en lui un « germe dÂéternité irréductible à la seule matière » (Gaudium et spes, 18). Mais lÂimage a été altérée par le premier péché, ce poison qui affaiblit la volonté dans son orientation vers le bien et, par là, obscurcit lÂintelligence et entache la sensibilité. La beauté de lÂâme, assoiffée de vérité et élan vers le bien-aimé, perd de son éclat et devient capable du mal, du laid. Un enfant témoin dÂun acte mauvais ne dit-il pas spontanément : « Ce nÂest pas beau ». Ainsi la laideur  et donc a fortiori le bien  apparaît dans le domaine de la morale et rejaillit sur lÂhomme, son sujet. Avec le péché, celui-ci a perdu sa beauté originelle et se voit nu, jusquÂà en éprouver de la honte. La venue du Rédempteur le rétablit dans sa beauté première, plus encore, le revêt dÂune beauté nouvelle : la beauté inimaginable de la créature élevée à la filiation divine, la transfiguration promise de lÂâme rachetée et élevée par la grâce, son resplendissement dans toutes les fibres du corps appelé à ressusciter avec le Christ (Eph 2, 6). Si le Christ, Nouvel Adam, « manifeste pleinement lÂhomme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation » (Gaudium et spes, 22), le regard chrétien sur la beauté de la création trouve son achèvement dans la bouleversante nouvelle de la recréation : le Christ, parfaite représentation de la gloire du Père, communique à lÂhomme de sa plénitude de grâce. Il le rend « gracieux », cÂest-à-dire beau et agréable à Dieu. LÂIncarnation est le centre focal, la juste perspective dans laquelle la beauté prend son ultime signification : « "Image du Dieu invisible" (Col 1,15), le Christ Seigneur est lÂhomme parfait qui a restauré dans la descendance dÂAdam la ressemblance divine, altérée dès le premier péché. Parce quÂen lui la nature humaine a été assumée, non absorbée, par le fait même, cette nature a été élevée en nous aussi à une dignité sans égale. Car, par son incarnation, le Fils de Dieu sÂest en quelque sorte uni lui-même à tout homme. » Nous y reviendrons plus loin, la beauté de la sainteté qui émane de lÂhomme configuré au Christ sous le souffle de lÂEsprit-Saint, est lÂun des plus beaux témoignages, capable dÂébranler les plus indifférents et de leur faire ressentir le passage de Dieu dans la vie des hommes. Dans une action de grâces continuelle, le chrétien loue le Christ qui lui a redonné vie, et se laisse transfigurer par ce don glorieux qui lui est fait. Nos yeux avides de beauté se laissent attirer par le Nouvel Adam, véritable icône du Père éternel, « resplendissement de Sa gloire » et « effigie de Sa substance » (He 1.3). Aux « cÂurs purs » à qui il est promis de voir Dieu face à face, le Christ donne déjà dÂentrevoir la lumière de la gloire au cÂur même de la nuit de la foi.
C) La création, utilisée ou idolâtrée. Nombreux, cependant, sont les hommes et les femmes qui ne voient la nature et le cosmos que dans leur matérialité visible, univers muet qui nÂaurait dÂautre destin que dÂobéir aux froides lois physiques immuables et invariables, sans évoquer nulle autre beauté, encore moins un Créateur. Dans une culture où le scientisme, cette science extrapolée hors de ses frontières, impose les limites de sa méthode dÂobservation valable dans le domaine des sciences exactes, jusquÂà en faire indûment la norme exclusive de toute connaissance, le cosmos est réduit à nÂêtre quÂun immense réservoir où lÂhomme puise jusquÂà lÂépuiser, en fonction de ses besoins croissants, démesurés. Le Livre de la Sagesse met en garde contre une telle myopie que saint Paul dénonce comme un « péché dÂorgueil et de présomption » (Rm 1, 20-23). Au reste, la création nÂest pas muette : les phénomènes naturels extraordinaires, parfois tragiques, enregistrés ces dernières années, et les désastres écologiques qui ne cessent de se multiplier, suscitent une nouvelle compréhension de la nature, de ses lois, de son harmonie. Il sÂavère de plus en plus évident pour nombre de nos contemporains que la nature ne peut ni ne doit être manipulée sans respect. Il ne sÂagit pas pour autant de faire de la nature un absolu, voire une idole, comme en certains groupes néo-païens : sa valeur ne saurait surpasser la dignité de lÂhomme appelé à en être le gardien.
Une attention particulière à la nature, aide à y découvrir le miroir de la beauté de Dieu. Aussi est-il urgent de promouvoir une plus grande attention à lÂégard de la création et de sa beauté, tant dans la formation humaine que chrétienne, en évitant de la réduire à un simple écologisme, voire à une vision panthéiste. Certains mouvements  scoutisme, Action catholique de lÂenfance, etc.  sÂemploient à éduquer à lÂobservation de la nature et sensibilisent à sa protection. Ils aident les jeunes à découvrir le projet créateur de Dieu, tout en éveillant en eux les sentiments liés à lÂémerveillement, à lÂadoration et à lÂaction de grâce. Il importe donc dÂêtre attentif à mettre en lumière la double dimension de lÂécoute :  écoute de la création qui raconte la gloire de Dieu (Ps 18, 2),  et écoute de Dieu qui nous parle à travers sa création et se rend accessible à la raison, selon lÂenseignement du Concile Vatican I (Dei Filius, Ch. 2, can.1). La catéchèse, dans son effort de formation des enfants et des jeunes, tire avantage à développer une pédagogie de lÂobservation des beautés naturelles et des attitudes humaines fondamentales qui sÂy rapportent : silence, écoute, admiration, intériorisation, patience dans lÂattente, découverte de lÂharmonie, respect de lÂéquilibre naturel, sens de la gratuité, adoration et contemplation. LÂenseignement dÂune authentique philosophie de la nature et dÂune théologie de la Création mériterait un nouvel élan dans une culture où le dialogue science et foi est particulièrement crucial, où les clercs se doivent de posséder un minimum de connaissances épistémologiques, et où les scientifiques méconnaissent trop souvent lÂimmense profit à tirer de la sagesse chrétienne.[16] Les préjugés scientistes et le fidéisme sont encore trop souvent présents dans la mentalité commune, aussi est-il crucial de provoquer à tous les niveaux  dans les Établissements dÂenseignement catholiques, les Instituts de formation, les Universités, les Centres culturels catholiques, etc.  des occasions de rencontre et de dialogue entre hommes de science et de foi. Dans ce cadre, le Jubilé des Scientifiques, célébré pendant le grand Jubilé de lÂan 2000, a provoqué de nouvelles initiatives culturelles, destinées à renouveler le dialogue science et foi[17]. Parmi celles-ci, le projet STOQ, Science, Theology and Ontological Quest, promu par le Conseil Pontifical de la Culture en collaboration avec plusieurs Universités pontificales, aide un nombre croissant dÂétudiants à parcourir le chemin qui conduit de lÂobservation intellectuelle et de lÂexpérience humaine à la connaissance du Créateur, en utilisant avec sagesse sous la conduite de spécialistes reconnus les meilleurs acquis des sciences modernes, à la lumière de la droite raison. Par ailleurs, chaque branche du savoir  philosophie, théologie, sciences humaines et sociales, psychologie  peut contribuer au dévoilement de la beauté de Dieu et de sa création. Les actions en faveur de la défense de la nature, de lÂhabitat naturel, organisées par des communautés chrétiennes ou des familles religieuses sÂinspirant de lÂexemple de saint François qui « contemplait le Très Beau dans les choses belles »[18], ont un certain écho et contribuent au développement dÂune vision moins « idolâtre » de la nature. La Lettre pastorale des Évêques Australiens du Queensland au titre évocateur : Let the Many Coastlands Be Glad ! A Pastoral Letter on the Great Barrier Reef, en est un exemple. Il est important de multiplier les initiatives pour transmettre, dans la culture contemporaine, le sens de la valeur authentique de la nature, de sa beauté, de sa puissance symbolique et de sa capacité à faire découvrir lÂÂuvre créatrice de Dieu.
Si la nature et le cosmos qui sont lÂexpression de la beauté du Créateur peuvent introduire au seuil dÂun silence tout de contemplation, la création artistique possède une capacité propre à évoquer lÂindicible du mystère de Dieu. LÂÂuvre dÂart nÂest pas « la beauté », mais elle en est lÂexpression, et si elle obéit à des canons  par nature fluctuants : tout art est lié à une culture Â, elle possède un caractère intrinsèque dÂuniversalité. La beauté artistique suscite lÂémotion intérieure, provoque dans le silence le ravissement et conduit à la « sortie de soi », lÂextase où la personne se trouve comme transportée hors du monde sensible par lÂintensité du sentiment éprouvé. Pour le croyant, la beauté transcende lÂesthétique et le beau trouve son archétype en Dieu. La contemplation du Christ dans son mystère dÂIncarnation et de Rédemption est la source vive à laquelle lÂartiste chrétien puise son inspiration pour dire le mystère de Dieu et le mystère de lÂhomme sauvé en Jésus Christ. Toute Âuvre dÂart chrétienne a un sens : elle est, par nature, un « symbole », une réalité qui renvoie au-delà dÂelle-même, qui aide à avancer sur la voie qui révèle le sens, lÂorigine et la fin de notre cheminement terrestre. Sa beauté se caractérise par sa capacité à mouvoir de lÂintérieur le passage du « pour soi » au « plus grand que soi ». Ce passage se réalise en Jésus Christ, qui est lui-même « la voie, la vérité et la vie » (Jn 14, 6), la « Vérité tout entière » (Jn 16, 13).
A) La beauté suscitée par la foi. Les Âuvres dÂart dÂinspiration chrétienne, qui constituent une part incomparable du patrimoine artistique et culturel de lÂhumanité, sont lÂobjet dÂun véritable engouement de foules de touristes, croyants ou non, agnostiques ou indifférents au fait religieux. Ce phénomène ne cesse de croître et touche toutes les catégories de la population, sans distinction de culture et de religion. La culture, au sens du « patrimoine spirituel », sÂest fortement « démocratisée » : grâce aux développements extraordinaires de la technologie, les Âuvres dÂart se sont rapprochées du « peuple ». Désormais, un minuscule appareil électronique peut contenir toute lÂÂuvre de Mozart ou de Bach, et la mise sur vidéodisque de dizaines de milliers de miniatures de la bibliothèque du Vatican les met à la portée de tous. LÂincarnation du Fils de Dieu est le fondement de lÂimage chrétienne. « Image du Dieu invisible » (Col 1, 15), le Christ qui repose dans le sein du Père nous lÂa fait connaître (cf. Jn 1, 18). Aussi les générations de chrétiens se succèdent qui gardent soigneusement le souvenir non seulement de ses paroles et de ses gestes, mais aussi de lÂimage de sa sainte Face. LÂamour du sauveur incite les croyants à lÂexpression artistique de leur foi. Dans sa Lettre apostolique Duodecimum Saeculum du 4 décembre 1987, le pape Jean-Paul II souligne comment la doctrine du IIème Concile de Nicée a nourri lÂart de lÂÉglise, tant en Orient quÂen Occident, lui inspirant des Âuvres dÂune beauté et dÂune profondeur sublimes. Le pape rappelle lÂessentiel : « le croyant dÂaujourd'hui comme celui dÂhier doit pouvoir être aidé dans sa prière et sa vie spirituelle par la vue d'Âuvres qui tentent d'exprimer le mystère et jamais ne l'occultent », « l'art pour l'art qui ne renvoie qu'à son auteur, sans établir un rapport avec le monde divin, n'a pas sa place dans la conception chrétienne de l'icône », et « lÂart sacré doit tendre à nous offrir une synthèse visuelle de toutes les dimensions de notre foi. ». Ainsi, « l'art d'Église doit viser à parler le langage de l'Incarnation et, avec les éléments de la matière, exprimer Celui qui "a daigné habiter dans la matière et opérer notre salut à travers la matièreÂ. » [19]
Le visage du Christ, en sa beauté singulière, les scènes de lÂÉvangile et les grands événements prophétiques de lÂAncien Testament, le Golgotha, la Vierge à lÂEnfant et la Vierge des Douleurs ont constitué au long des siècles une source féconde dÂinspiration pour les artistes chrétiens. En un foisonnement imaginatif extraordinaire, ceux-ci sÂefforcent, à travers une recherche continuelle et sans cesse renouvelée, de représenter la beauté de Dieu révélée dans le Christ, et de la rendre plus proche, presque tangible et visible. En quelque sorte, lÂartiste prolonge la Révélation par une mise en forme, en image, en couleur ou en sonorité. En montrant combien Dieu est beau, il dit combien il lÂest pour lÂhomme, comme son bien propre et la vérité ultime de son existence. La beauté chrétienne est porteuse dÂune vérité plus grande que le cÂur de lÂhomme, vérité qui dépasse le langage humain, et indique son Bien, lÂunique essentiel. Les Cardinaux de la Sainte Église romaine nÂont-ils pas ressenti la terrible beauté du Jugement dernier de Michel Ange, en la Chapelle Sixtine, dans lÂacte dÂélire le nouveau Pontife Romain ? Les cathédrales et les églises dÂOrient et dÂOccident, nÂatteignent-elles pas un sommet de splendeur quand une liturgie ruisselante de beauté y est célébrée par tout un peuple rassemblé ? Les abbayes et les monastères, ne deviennent-ils pas des havres de paix quand y retentissent les mélodies inaltérables qui, à travers les siècles, poursuivent leur fonction de louange, de supplication et dÂaction de grâces ? Tant dÂhommes et de femmes, de toutes les époques et de toutes les cultures, ont éprouvé une profonde émotion, jusquÂà ouvrir leur cÂur à Dieu, en contemplant le visage du Christ en Croix, comme en son temps François dÂAssise, en écoutant une Passion ou un Te Deum, en sÂagenouillant devant un retable dÂor ou une icône byzantine. Le pape Jean-Paul II, dans sa Lettre aux artistes, a appelé à une nouvelle épiphanie de la beauté et à un nouveau dialogue foi et culture entre lÂÉglise et lÂart, en soulignant le besoin réciproque de lÂun et de lÂautre et la fécondité de leur alliance millénaire dÂoù jaillit cet « enfantement dans la beauté » dont Platon déjà parlait dans Le Banquet.[20] Si le milieu culturel conditionne fortement lÂartiste, alors se pose la question : comment être gardiens de la beauté, selon le vÂu de von Balthasar, dans cette culture artistique contemporaine où la séduction érotique omniprésente hypertrophie les instincts, pollue lÂimaginaire et inhibe les facultés spirituelles ? En réalité, sauver la beauté, nÂest-ce pas sauver lÂhomme ? NÂest-ce pas le rôle de lÂÉglise, « experte en humanité » et gardienne de la foi ?
B) Apprendre à accueillir cette beauté. Les Âuvres dÂart inspirées par la foi chrétienne  peintures et mosaïques, icônes et vitraux, sculptures et architectures, ivoires et argents, Âuvres poétiques et littéraires, musicales et théâtrales, cinématographiques et chorégraphiques, et tant dÂautres encore  possèdent un potentiel énorme, toujours actuel, qui ne se laisse pas altérer par le temps qui passe : il permet de communiquer de manière intuitive et savoureuse la grande expérience de la foi, de la rencontre avec Dieu dans le Christ en qui se dévoile le mystère de lÂamour de Dieu et lÂidentité profonde de lÂhomme. En sÂadressant aux artistes dans la Chapelle Sixtine, le 7 mai 1964, le pape Paul VI dénonçait le « divorce » entre lÂart et le sacré, caractéristique du XXème siècle, et observait quÂaujourdÂhui nombre dÂentre eux éprouvent de grandes difficultés à traiter les thèmes chrétiens par manque de formation et dÂexpérience de la foi chrétienne.[21] La laideur de certaines églises et de leur décoration, leur inadaptation à la célébration liturgique, sont les conséquences de ce divorce, dÂune lacération qui demande à être soignée pour être guérie. Aussi importe-t-il de remédier à lÂignorance galopante dans le domaine de la culture religieuse pour permettre à lÂart chrétien du passé comme du présent dÂouvrir à tous la via pulchritudinis.[22] Pour être pleinement reçue et comprise, lÂÂuvre dÂart chrétienne a besoin dÂêtre lue à la lumière de la Bible et des textes fondamentaux de la Tradition auxquels se réfère lÂexpérience de foi. Si la beauté se dit, encore faut-il en apprendre le langage propre, éveilleur dÂadmiration, dÂémotion et de conversion. SÂil existe un langage de la beauté, celui de lÂÂuvre chrétienne ne transmet pas seulement le message de lÂartiste, mais la vérité du mystère de Dieu médité par une personne qui nous en livre sa propre lecture, non pour se glorifier, mais pour en glorifier la Source. LÂanalphabétisme biblique stérilise la capacité de compréhension de lÂart chrétien. Par ailleurs, un effort conjoint doit être entrepris pour surmonter une difficulté due à un certain climat culturel suscité par une critique dÂart largement influencée par des idéologies matérialistes : la mise en évidence du seul aspect esthético-formel des Âuvres, sans intérêt pour leur contenu qui a inspiré tant de beauté, stérilise lÂart, tarît le flot vivifiant de la vie spirituelle pour lÂenfermer dans la seule émotion sensible.
C) LÂart sacré, instrument dÂévangélisation et de catéchèse. Le Serviteur de Dieu Jean-Paul II qualifiait le patrimoine artistique inspiré par la foi chrétienne de « formidable instrument de catéchèse », fondamental pour « relancer le message universel de la beauté et de la bonté » (Aux Évêques de Toscane, 11 mars 1991). En syntonie avec lui, le Cardinal Ratzinger, en sa qualité de Président de la Commission spéciale de préparation du Compendium du Catéchisme de lÂÉglise catholique, justifiait ainsi lÂinsertion caractéristique des images dans cet ouvrage : « LÂimage est aussi une prédication évangélique. En tout temps, les artistes ont offert à la contemplation et à lÂadmiration des fidèles les évènements marquants du mystère du salut, les présentant avec la splendeur des couleurs et dans la perfection de la beauté. CÂest là un indice de ce que, aujourdÂhui plus que jamais dans la civilisation de lÂimage, lÂimage sainte peut exprimer beaucoup plus que les paroles elles-mêmes, car son dynamisme de communication et de transmission du message évangélique est autrement plus efficace ».[23] Le futur Cardinal Christoph Schönborn, dans un article sur LÂIcône du Verbe Incarné publié dans LÂOsservatore romano à lÂoccasion de la publication de la Lettre apostolique Duodecimum Saeculum du Pape Jean-Paul II, sÂinterroge sur le regain dÂintérêt pour la théologie et la spiritualité des icônes orientales : « Dans un monde submergé par lÂimage, lÂimage de toute sorte, violente, érotique, commerciale, lÂimage qui choque ou qui séduit, nÂy a-t-il pas une soif de plus en plus grande de lÂimage pure, lÂimage sainte, lÂimage qui suscite la compassion, la joie, qui élève le cÂur vers lÂamour de Dieu et qui nous sensibilise à la vraie beauté, celle de Dieu et de sa création ? Soif de lÂimage « dÂen haut », de lÂimage qui nous parle du monde de Dieu, qui nous transcrit une inspiration qui ne vient pas simplement des bas-fonds de notre subconscient, de nos désirs refoulés ou inassouvis, mais qui est reçue « dÂen haut », dans une écoute et un accueil de ce que Dieu dit et donne à lÂhomme »[24]. CÂest pourquoi le document du Conseil Pontifical de la Culture, Pour une pastorale de la culture, souhaite qu« en notre culture marquée par un déluge dÂimages souvent banales et brutales, quotidiennement déversées par les télévisions, les films et les vidéocassettes », une « alliance féconde entre lÂÉvangile et lÂart » soit promue pour « de nouvelles épiphanies de beauté, nées de la contemplation du Christ, Dieu fait homme, de la méditation de ses mystères, de leur irradiation dans la vie de la Vierge Marie et des saints » (n. 36). La forte capacité de communiquer de lÂart sacré le rend capable de franchir les barrières et les filtres des préjugés, pour rejoindre le cÂur des hommes et des femmes dÂautres cultures et religions, et leur donner de percevoir lÂuniversalité du message du Christ et de son Évangile. Aussi, quand une Âuvre dÂart inspirée par la foi est offerte au public dans le cadre de sa fonction religieuse, elle se révèle comme une « via », un « chemin dÂévangélisation et de dialogue » qui donne de goûter, en même temps quÂau patrimoine vivant du christianisme, à la foi chrétienne elle-même. Des guides expérimentés, comme Emile Berthoud en son monumental ouvrage de quelque 500 pages abondamment illustrées, 2.000 ans dÂart chrétien[25], permettent de présenter à nos contemporains, souvent imperméables à un autre enseignement, le souci permanent de lÂÉglise, depuis deux millénaires, de rapprocher tout un chacun du Dieu de beauté à lÂaide de lÂimage, certes imparfaite, mais suggestive, et de transmettre le message évangélique du Christ par le puissant moyen de lÂart et de ses expressions en syntonie avec les cultures, des premiers lieux de rassemblement de lÂassemblée chrétienne aux cathédrales, de lÂart byzantin à lÂart roman, de lÂart gothique à la Renaissance, de lÂart baroque à lÂart moderne. Relire les Âuvres dÂart chrétiennes, grandes ou petites, artistiques ou musicales, et les replacer dans leur contexte tout en approfondissant leurs liens vitaux avec la vie de lÂÉglise, en particulier la liturgie, cÂest faire « parler » à nouveau ces Âuvres, leur permettre de transmettre le message qui en a inspiré la création. La via pulchritunidis, en empruntant le chemin des arts, conduit à la veritas de la foi, le Christ lui-même, devenu « par lÂIncarnation, icône du Dieu invisible ». Jean-Paul II nÂhésite pas à partager sa « conviction que, en un certain sens, lÂicône est un sacrement : en effet, dÂune manière analogue à ce qui se réalise dans les sacrements, elle rend présent le mystère de lÂIncarnation dans lÂun ou lÂautre de ses aspects ».[26] Michel Quenot en donne le témoignage : « Le regard se pose sur lÂimage sainte et le cÂur se laisse interroger. En effet, la plénitude pressentie de ces existences singulières éveille la curiosité : quÂest-ce qui fait la vérité dÂun visage ? DÂoù vient la lumière qui en rayonne ? A quelle source de vie sÂabreuvent ces existences pleines de paix, dÂunité profonde, dÂénergie et de rayonnement ? »[27] Les Âuvres dÂart chrétiennes offrent au croyant un thème de réflexion et une aide pour entrer en contemplation dans une prière intense, à travers un moment de catéchèse, comme aussi de confrontation avec lÂHistoire Sainte. Les chefs-dÂÂuvre inspirés par la foi sont de vraies ÂBibles des pauvresÂ, Âéchelles de Jacob qui élèvent lÂâme jusquÂà lÂAuteur de toute beauté, et avec Lui, au mystère de Dieu et de ceux qui vivent dans sa vision béatifiante : « Vita hominis, visio Dei  La vie de lÂhomme est la vision de Dieu », professe saint Irénée[28]. Ils sont les voies privilégiées dÂune authentique expérience de foi. En conclusion de sa lumineuse thèse de doctorat sur LÂicône du Christ. Fondements théologiques élaborés entre le Ie et le IIème Concile de Nicée (325-787), le futur Cardinal Christoph Schönborn fait de la contemplation le critère profond de lÂart sacré : « Pendant des siècles, lÂÉglise était le foyer rayonnant de la beauté, le lien dÂune créativité humaine transfigurée. Elle devrait se renier elle-même si, du fond de sa vocation, elle nÂaspirait pas à manifester la beauté dont elle a été comblée. LÂadmiration que suscite de nos jours lÂart des icônes, leur beauté si pure et si purifiante, ne viendrait-elle pas de lÂaspiration à cette beauté dont Dostoïevski a dit quÂelle sauvera le monde ? Or, dÂoù pourrait se nourrir un tel art, sinon de la contemplation du Christ ? Ne serait-ce pas là le seul critère profond quÂon puisse donner aujourdÂhui à ce qui constituerait un art spécifiquement chrétien ? Ce critère ne saurait être, ni un certain canon dÂexpression artistique, ni un certain choix thématique, mais un regard transformé par une longue et patiente contemplation de la Sainte Face du Christ notre Dieu. »[29]
La Lettre aux artistes du pape Jean-Paul II, qui constitue une référence fondamentale à cet égard, trouve un large écho dans le document du Conseil Pontifical de la Culture, Pour une pastorale de la culture.[30] Les conférences épiscopales peuvent prendre ces deux textes comme base de départ pour des initiatives concrètes.[31] Il sÂagit par une éducation appropriée dÂinitier au langage de la beauté et de former lÂaptitude à saisir le message de lÂart chrétien : ce qui rend les Âuvres belles, et surtout ce qui en elles favorise une rencontre avec le mystère du Christ. Dans ce domaine, une prise de conscience se fait jour, avec une reprise significative des études sur lÂart sacré chrétien, désormais mieux connu de ceux qui sont en charge de formation chrétienne. Ainsi, les cours de formation se multiplient dans les Universités catholiques, comme à la Faculté dÂHistoire de lÂÉglise et des Biens culturels de lÂUniversité pontificale Grégorienne, à lÂInstitut dÂArt Sacré et de Musique liturgique de lÂInstitut catholique de Paris et à lÂUniversité catholique de Lisbonne. Les revues dÂinspiration chrétienne abordent de plus en plus souvent ce sujet, comme par exemple Arte Cristiana de Milan, Humanitas de Santiago du Chili. Les Musées diocésains se multiplient, conçus comme de vrais Centres culturels catholiques. Des publications récentes empruntent la via pulchritudinis et aident le lecteur à entrer dans le langage de lÂart pour une méditation spirituelle.[32] Toutefois, un important travail de reformulation théorique de lÂenseignement de lÂart sacré à partir dÂune authentique vision chrétienne apparaît particulièrement nécessaire devant les interprétations idéologiques et athées largement répandues. Il sÂagit aussi de créer les conditions du renouveau de la création artistique dans la communauté chrétienne, et pour cela nouer des liens personnels avec les artistes et les aider à saisir ce qui permet à une Âuvre dÂart dÂêtre authentiquement religieuse et digne de l« art sacré ». Si beaucoup a été fait en ces dernières décennies en de nombreux diocèses, beaucoup reste encore à faire pour valoriser le très riche patrimoine culturel et artistique de lÂÉglise né de la foi chrétienne, et lÂutiliser comme instrument dÂévangélisation, de catéchèse et de dialogue. Il ne suffit pas de faire des musées : il faut donner à ce patrimoine de pouvoir exprimer le contenu de son message. Une liturgie authentiquement belle aide à pénétrer dans ce langage particulier de la foi, fait de symboles et dÂévocations du mystère célébré. Quelques initiatives ont déjà fait leurs preuves et méritent une attention particulière :  Dialogue avec les artistes, les peintres, les sculpteurs, architectes dÂéglise, restaurateurs, musiciens, poètes, dramaturges, etc., pour alimenter leur imaginaire aux sources de la foi et, dans le même temps, demeurer profondément enracinés dans les diverses cultures, pour permettre de nouveaux rapports entre les commandes de lÂÉglise et la production des artistes. LÂanalphabétisme liturgique de certains artistes choisis pour la construction dÂéglises, est un véritable drame trop largement répandu.  Formation à la beauté du mystère chrétien exprimé dans lÂart sacré, à lÂoccasion de lÂinauguration dÂune nouvelle église, dÂune Âuvre dÂart, dÂun concert, dÂune liturgie particulière.  Organisation dÂévénements culturels et artistiques  expositions, concours primés, concerts, conférences, festivals, etc. Â, pour valoriser lÂimmense patrimoine de lÂÉglise et son message, et favoriser une nouvelle créativité, en particulier dans le domaine de lÂart et du chant liturgiques.  Publications locales sous forme de dépliants touristiques, de pages web ou de revues plus spécialisées, sur le patrimoine, avec le souci pédagogique de mettre en évidence lÂâme, lÂinspiration et le message des Âuvres, lÂanalyse scientifique se mettant au service de la compréhension profonde de lÂÂuvre.  Sensibilisation des agents de la pastorale, des catéchistes et enseignants de religion, mais aussi des séminaristes et du clergé, à travers des cours de formation, des séminaires, des rencontres thématiques, des visites guidées. Les Musées diocésains et les Centres culturels catholiques peuvent jouer un rôle important, notamment en proposant la lecture des Âuvres dÂart locales ou régionales, et favoriser leur usage dans la catéchèse.  Formation de guides informés de la spécificité de lÂart dÂinspiration chrétienne, création de groupes spécialisés pour la mise en valeur des Âuvres et Centres culturels qui partagent ces mêmes finalités.  Étude et approfondissement de la problématique au niveau scolaire et universitaire, par des masters, séminaires, laboratoires, etc. Proposition de bourses dÂétude ou dÂaides propres à sensibiliser les instances éducatives. Développement au niveau régional et national, dÂInstituts de Musique sacrée, de Liturgie, dÂArchéologie, etc., et constitution de bibliothèques spécialisées dans ce domaine.
III.3 La beauté du Christ, modèle et prototype de la sainteté chrétienne. Si la beauté de la création est, selon saint Augustin, une « confessio » et invite à contempler la beauté dans sa source, le « Créateur du ciel et de la terre, de lÂunivers visible et invisible », et si la beauté des Âuvres dÂart nous dévoile quelque chose de la beauté dans sa figure, le Fils qui a pris chair, « le plus beau des enfants des hommes », il est une troisième voie fondamentale  la première en importance  qui conduit à la découverte de la beauté dans lÂicône de la sainteté, Âuvre de lÂEsprit qui façonne lÂÉglise à lÂimage du Christ, modèle de perfection : cÂest, pour le baptisé, la beauté du témoignage donné par une vie transformée dans la grâce, et, pour lÂÉglise, la beauté de la liturgie qui donne dÂexpérimenter Dieu, vivant au milieu de son peuple, et qui attire à Lui celui qui se laisse prendre dans son étreinte toute de joie et dÂamour. LÂEcclesia de caritate témoigne de la beauté du Christ. Elle se révèle comme son Épouse, embellie par son Seigneur lorsquÂelle accomplit ses actes de charité et ses choix préférentiels, quÂelle sÂengage pour la justice et lÂédification de la grande maison commune où toute créature est appelée à faire sa demeure, notamment les pauvres : ils ont, eux aussi, droit à la beauté. Dans le même temps, ce témoignage de la beauté par la charité et par lÂengagement au service de la justice et de la paix, annonce lÂespérance qui ne trompe pas. Proposer aux hommes et aux femmes dÂaujourdÂhui la vraie beauté, rendre lÂÉglise attentive à toujours annoncer, à temps et à contretemps, la beauté qui sauve, et qui sÂexpérimente là où lÂéternité a planté sa tente dans le temps, cÂest offrir des raisons de vivre et dÂespérer à celles et ceux qui en sont dépourvus ou qui risquent de les perdre. Témoin du sens ultime de la vie, ferment de confiance dans le cÂur de lÂhistoire humaine, lÂÉglise apparaît dès lors comme le peuple de la beauté qui sauve, car elle anticipe dans les temps qui sont les derniers, quelque chose de la beauté promise de ce Dieu qui se fait tout en tous à la fin des temps. LÂespérance, anticipation militante de lÂavenir dans le monde sauvé promis dans le Fils crucifié et ressuscité, est annonce de la beauté. Le monde en a particulièrement besoin.
A) En chemin vers la beauté du Christ. La beauté singulière du Christ, comme modèle dÂune « vie vraiment belle », se reflète dans la sainteté dÂune vie transformée par la grâce. Beaucoup malheureusement perçoivent le christianisme comme la soumission à des commandements faits dÂinterdits et de limites à la liberté personnelle. Le pape Benoît XVI le rappelait dans un interview à Radio-Vatican, le 14 août dernier, avant de partir pour Cologne rencontrer des jeunes du monde entier réunis pour les Journées Mondiales de la Jeunesse. Il ajoutait : « Moi, au contraire, je voudrais leur faire comprendre quÂêtre soutenu par un grand Amour et par une révélation, ce nÂest pas un fardeau : cela donne des ailes, et que cÂest beau dÂêtre chrétiens. Cette expérience donne de lÂampleur La joie dÂêtre chrétien : cÂest beau, et il est juste aussi de croire ». E. Bianchi fait écho à ces paroles quand il exhorte à « savoir annoncer la différence chrétienne » comme une vraie réponse à lÂindifférence : « Ou le christianisme est philocalie, amour de la beauté, via pulchritudinis, voie de la beauté, ou il nÂest pas ! Et sÂil est voie de la beauté, il saura attirer aussi les autres sur ce chemin qui conduit à la vie plus forte que la mort, il saura être une séquence des saints Évangiles pour les hommes et les femmes de notre temps. »[33] De la beauté intérieure et de la profonde émotion provoquée par la rencontre avec la Beauté en personne  pensons à lÂexpérience de saint Augustin  jaillit la capacité de proposer des événements de beauté dans toutes les dimensions de lÂexistence et de lÂexpérience de foi. La pastorale de lÂÉglise, pour conduire à la rencontre du Christ, trouve dans la présentation de sa beauté le moyen dÂéveiller les cÂurs à cette découverte. Dans sa Lettre aux artistes, le pape Jean-Paul II souligne la fécondité de la nouveauté de lÂIncarnation : « En se faisant homme, en effet, le Fils de Dieu a introduit dans lÂhistoire de lÂhumanité toute la richesse évangélique de la vérité et du bien, et, en elle, a révélé aussi une nouvelle dimension de la beauté : le message évangélique en est totalement rempli » (n. 5). Cette beauté, toute particulière et unique, du « fils de lÂhomme » se révèle tout autant sur le visage du « Beau Pasteur », que sur celui du Christ transfiguré au Thabor et, dans le même temps, sur Celui qui a perdu, suspendu à la Croix, toute beauté corporelle : lÂHomme des douleurs. Précisément, le chrétien voit dans la difformité du Serviteur souffrant dépouillé de toute beauté extérieure, la manifestation de lÂamour infini de Dieu qui va jusquÂà se revêtir de la laideur du péché pour nous élever, par delà les sens, à la beauté divine qui dépasse toute autre beauté et jamais ne sÂaltère. LÂicône du Crucifié au visage défiguré contient pour qui veut le contempler, la mystérieuse beauté de Dieu. CÂest la Beauté qui sÂaccomplit dans la douleur, dans le don de soi sans aucun retour pour soi. CÂest la beauté de lÂamour, qui est plus fort que le mal et la mort.
B) La beauté lumineuse du Christ et son reflet dans la sainteté chrétienne. Le Christ Jésus est la parfaite représentation de la Gloire du Père. Il est « le plus beau des enfants de lÂhomme », parce quÂil possède la plénitude de la Grâce par laquelle Dieu délivre lÂhomme du péché, lÂarrache à la ternissure du mal et le restitue à son innocence première. Une multitude dÂhommes et de femmes se sont, en tous lieux et en toutes les époques, laissés saisir par cette beauté pour se consacrer à elle. Le pape Benoît XVI lÂexprimait ainsi lors de la première canonisation de son pontificat célébrée au cours de la messe de clôture de la XIème Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques sur lÂEucharistie : « Le saint est celui qui est tellement fasciné par la beauté de Dieu et par sa parfaite vérité quÂil en est progressivement transformé. Pour cette beauté et cette vérité, il est prêt à renoncer à tout, même à lui-même » (23 octobre 2005). Si la sainteté chrétienne configure à la beauté du Fils, lÂImmaculée conception est la plus parfaite illustration de cette « Âuvre de beauté ». La Vierge Marie et les saints sont les reflets lumineux et les témoins attrayants de la beauté singulière du Christ, beauté de lÂamour infini de Dieu qui se donne et se communique aux hommes. Ils reflètent, chacun à leur manière, comme les prismes du cristal, les facettes du diamant, les contours de lÂarc-en-ciel, la lumière et la beauté originaire du Dieu dÂamour. LÂImmaculée, la « toute belle » du Cantique des Cantiques, est, au dire même de lÂArchange au matin de lÂAnnonciation, « pleine de grâce ». Par son fiat, la Nouvelle Ève ouvre sans réserve la totalité de sa vie à lÂaction de lÂEsprit divin, et par là elle permet à son humanité créée de donner chair au Dieu infini, dÂune beauté indicible. La fête de lÂImmaculée conception ouvre les horizons de notre condition humaine aux espérances de la foi : la beauté à laquelle nous sommes appelés dans la création rénovée par la grâce, anticipée pour la Mère de Dieu, « premier fruit du salut et signe resplendissant de lÂhumanité rénovée », au jour de lÂAssomption. Marie, qui anticipe et réalise cette plénitude de beauté à laquelle nous tous sommes appelés à participer par la mort et la Résurrection du Christ notre Sauveur, nous donne de comprendre avec Divo Barsotti : « Au fond, la beauté cÂest la gloire de Dieu qui resplendit dans la création, cÂest dieu qui vit dans lÂhomme : cÂest la sainteté »[34]. Ainsi, la sainteté des hommes est participation à la sainteté de Dieu, et, par là, à sa beauté : celle-ci, accueillie pleinement dans le cÂur et dans lÂesprit, illumine et guide la vie des hommes et leurs actions quotidiennes. La beauté du témoignage chrétien exprime la beauté du christianisme, et tout autant elle la fait advenir. « Comment pouvons-nous être crédibles dans notre annonce dÂune Âbonne nouvelleÂ, si notre vie ne réussit pas à manifester aussi la Âbeauté de cette vie ? » De la rencontre de foi avec le Christ, jaillissent ainsi, dans un dynamisme intérieur soutenu par la Grâce, la sainteté des disciples et leur capacité à rendre « belle et bonne » leur vie comme celle de leur prochain. Ce nÂest pas une beauté extérieure et superficielle, toute de façade, mais une beauté intérieure qui se dessine sous lÂaction de lÂEsprit Saint. Elle resplendit devant les hommes : nul ne peut cacher ce qui est partie essentielle de son être. CÂest lÂappel de Jean-Paul II à lÂintention des personnes consacrées, dans lÂExhortation apostolique post-synodale Vita consecrata : « CÂest à vous surtout, femmes et hommes consacrés, quÂau terme de cette Exhortation jÂadresse avec confiance mon appel : vivez pleinement votre offrande à Dieu, pour que ce monde ne soit pas privé dÂun rayon de la beauté divine qui illumine la route de lÂexistence humaine. Les chrétiens, plongés dans les occupations et les soucis de ce monde, mais appelés, eux aussi, à la sainteté, ont besoin de trouver en vous des cÂurs purifiés qui « voient » Dieu dans la foi, des personnes dociles à lÂaction de lÂEsprit Saint, qui marchent allègrement, fidèles au charisme de leur vocation et de leur mission. » (n. 109) Là où la charité rayonne, là se manifeste la beauté qui sauve, là est rendue gloire au Père, là grandit lÂunité des disciples de Notre Seigneur bien-aimé. Pavel Florenskij, chantre russe de la beauté, martyr du XXe siècle, commente ainsi un passage de lÂÉvangile de saint Matthieu (5, 16) : « Vos Âactes bons ne signifient pas en réalité Âactes bons au sens philanthropique et moraliste : tà kalà érga veut dire Âactes beauxÂ, révélations lumineuses et harmonieuses de la personnalité spirituelle  surtout, un visage lumineux, beau, dÂune beauté qui donne à Âla lumière intérieure de lÂhomme de se répandre à lÂextérieur. CÂest alors que, vaincus par cette lumière irrésistible, les hommes rendent gloire au Père céleste, et son image resplendit ainsi sur la terre »[35]. Ainsi, la vie chrétienne est appelée à devenir, dans la force de la Grâce donnée par le Christ ressuscité, un événement de beauté susceptible de susciter lÂadmiration, de provoquer la réflexion et dÂinciter à la conversion. La rencontre avec le Christ et avec ses disciples, en particulier avec Marie sa mère et avec les saints, ses témoins, doit pouvoir toujours devenir, en toutes circonstances, un évènement de beauté, un moment de joie, la découverte dÂune dimension nouvelle de lÂexistence, une incitation à se remettre en route vers la Patrie du Ciel pour jouir de la vision de « la Vérité tout entière », de la beauté de lÂAmour de Dieu : la beauté est splendeur de la Vérité et floraison de lÂAmour. Comme lÂécrit saint Augustin dans La cité de Dieu : « Là nous verrons, nous aimerons et nous louerons sans fin ».
C) La beauté de la Liturgie. La beauté de lÂamour du Christ vient chaque jour à notre rencontre, non seulement à travers lÂexemple des saints, mais encore dans la sainte Liturgie, particulièrement dans la célébration de lÂEucharistie où le Mystère se rend présent et illumine de sens et de beauté toute notre existence. CÂest lÂextraordinaire moyen par lequel notre Seigneur, mort et ressuscité, nous communique sa vie, nous rattache à son Corps comme ses membres vivants, et ainsi nous rend participants de sa beauté. Florenskij décrit la beauté de la liturgie, symbole des symboles du monde, comme ce qui permet la transformation du temps et de lÂespace « dans le temps saint, mystérieux, qui brille dÂune beauté céleste ». Dans lÂarticle déjà cité[36], le Père Schönborn indique trois fonctions des saintes images dans la vie de lÂÉglise, qui ne doivent pas manquer dans lÂart chrétien et donc, dans la liturgie : les images sacrées sont des « signes commémoratifs » : lÂÉglise ne peut vivre sans faire mémoire de ce qui le Seigneur a fait et dit ; des « signes démonstratifs » : elles ne commémorent pas seulement des faits du passé, elles indiquent la présence du salut ; et des « signes prognostiques » : en nous représentant le Christ et ses saints, lÂart chrétien tourne notre regard vers lÂavenir, vers notre but ultime, le Christ dans la gloire de son Père. Croix et résurrection sont inséparables : lÂart chrétien manquerait dÂune dimension essentielle sÂil ne donnait pas un certain avant-goût de la gloire à venir. Dans une conférence au XXIIIème Congrès eucharistique national italien, le Cardinal Ratzinger reprenait, en introduction, la vieille légende relative aux origines du christianisme en Russie : le Prince Vladimir de Kiev se serait décidé à adhérer à lÂÉglise Orthodoxe de Constantinople après avoir entendu les émissaires quÂil avait envoyés à Constantinople, où ils avaient assisté à une liturgie solennelle dans la basilique Sainte-Sophie. Ils dirent au prince : « Nous ne savions pas si nous étions au ciel ou sur la terre Nous en sommes témoins : Dieu a fait là sa demeure parmi les hommes. » Et le Cardinal théologien tirait de ce récit le fond de vérité à retenir : « Il est en effet certain que la force interne de la liturgie a joué un rôle essentiel dans la diffusion du christianisme Ce qui a convaincu les émissaires du prince russe que la foi célébrée dans la liturgie orthodoxe était la vraie, ce ne fut pas une argumentation de type missionnaire dont les éléments fussent apparus, à ceux qui les écoutaient, plus convaincants que ceux des autres religions. Ce qui les a frappés, ce fut plutôt le mystère en tant que tel, un mystère qui, précisément parce quÂil se situait au-delà de toute discussion, imposait à la raison la force de la vérité. »[37] Comment ne pas souligner lÂimportance de lÂart de lÂicône, merveilleux héritage de lÂOrient chrétien, qui donne dÂéprouver encore aujourdÂhui quelque chose de la liturgie de lÂÉglise indivise : son langage dÂune grande richesse et si profond plonge ses racines dans lÂexpérience de lÂÉglise indivise, des catacombes romaines aux mosaïques de Rome et de Ravenne tout autant que de Byzance. Pour le croyant, la beauté transcende lÂesthétique. Elle permet le passage du « pour soi » au « plus grand que soi ». La liturgie nÂest belle, et donc vraie, que « désintéressée », dépourvue de tout motif autre que celui de la célébration de Dieu, pour Lui, par Lui, avec Lui et en Lui. Il sÂagit « de se tenir devant Dieu et de porter son regard sur lui, éclairant dÂune lumière divine ce que se passe ». CÂest dans cette austère simplicité quÂelle devient missionnaire, cÂest à dire capable de témoigner aux observateurs qui se laissent saisir dans sa dynamique, la réalité invisible quÂelle donne de goûter. Le poète dramaturge français Paul Claudel témoigne de la force interne de la liturgie dans le témoignage de sa conversion, pendant le chant des Vêpres, le Magnificat de Noël à Notre-Dame de Paris : « CÂest alors que se produisit lÂévénement qui domine toute ma vie. En un instant, mon cÂur fut touché et je crus. Je crus, dÂune telle force dÂadhésion, dÂun tel soulèvement de tout mon être, dÂune conviction si puissante, dÂune telle certitude ne laissant place à aucune espèce de doute que, depuis, tous les livres, tous les raisonnements, tous les hasards dÂune vie agitée, nÂont pu ébranler ma foi, ni, à vrai dire, la toucher. »[38] La beauté de la liturgie, moment essentiel de lÂexpérience de foi et du cheminement vers une foi adulte, ne saurait se réduire à sa seule beauté formelle. Elle est dÂabord la beauté profonde de la rencontre avec le mystère de Dieu, présent au milieu des hommes par lÂintermédiaire de son Fils, « le plus beau des enfants de lÂhomme (Ps 45, 2), qui renouvelle sans cesse pour nous son sacrifice dÂamour. Elle exprime la beauté de la communion avec Lui et avec nos frères, la beauté dÂune harmonie qui se traduit en des gestes, des symboles, des paroles, des images et des mélodies qui touchent le cÂur et lÂesprit, et suscitent lÂémerveillement et le désir de rencontrer le Seigneur ressuscité, Lui qui est la « Porte de la Beauté ». Ce qui fait la beauté de la liturgie, ce nÂest pas tant la parfaite coordination des gestes et des attitudes, le parfait agencement des voix ou lÂharmonie du chÂur, cÂest lÂinspiration de la vision intérieure partagée par tous les acteurs de lÂaction sacrée. Cette source commune peut jaillir dans la mesure où le chantre, le liturge, se fond, sÂefface en quelque sorte pour devenir transparent de la lumière quÂil veut refléter. La beauté de la liturgie nÂest autre que le discret et humble reflet de la Beauté de Dieu. Elle a ses exigences, et la première est lÂhumilité du croyant. « Me voici, Seigneur, pour faire ta volonté. » La liturgie nÂest jamais la liturgie dÂun homme, ou dÂune communauté : elle est liturgie de lÂÉglise, Corps du Christ tout entier, et par là même, elle est la liturgie du Christ Grand Prêtre qui, sans cesse tourné vers le Père, lui présente le visage orant de ses frères. La superficialité, et parfois même la banalité, voire la négligence de certaines célébrations liturgiques, non seulement nÂaident pas le croyant à avancer dans son cheminement de foi, mais surtout heurtent ceux qui reviennent aux célébrations chrétiennes et, en particulier, à lÂEucharistie dominicale. Ces dernières décennies, certains en sont venus à accorder une importance excessive à la dimension pédagogique et à la volonté de rendre la liturgie compréhensible même aux observateurs extérieurs, et ont minimisé sa fonction première : nous introduire de tout notre être dans un mystère qui nous dépasse totalement. Urs von Balthasar aide à en percevoir la profondeur par sa réflexion sur le « paradoxe insoluble » du mystère de la beauté. « Car toujours, dit-il, ce qui se manifeste est, dans sa manifestation même, ce qui ne se manifeste pas Dans la surface visible de la manifestation, on perçoit la profondeur qui ne se manifeste pas, et cÂest cela seul qui donne au phénomène du beau son caractère enchanteur et subjuguant, de même que cela seul assure à lÂétant sa vérité et sa bonté ».[39] Célébration de la foi dans lÂaction salvifique de Dieu en Son Fils Jésus, cÂest par là que la liturgie est missionnaire. Essentiellement tournée vers Dieu, elle est belle quand elle permet à toute la beauté du mystère dÂamour et de communion, de se manifester.[40] La liturgie est belle, quand elle est « agréable à Dieu » et nous introduit dans la joie divine.
Il convient de proposer le message du Christ dans toute sa beauté, capable dÂattirer les esprits et les cÂurs par les liens de lÂamour. En même temps, les chrétiens sont appelés à vivre et à témoigner de la beauté de la communion dans un monde souvent marqué par la désharmonie et lÂéclatement. Il sÂagit de transformer en « évènements de beauté » tous les gestes de la charité quotidienne et lÂensemble des activités pastorales ordinaires des églises locales. La beauté salvatrice du Christ demande à être présentée de manière renouvelée pour être accueillie et contemplée non seulement par chaque croyant, mais aussi par ceux qui se déclarent peu concernés, voire indifférents. Il sÂagit notamment de sensibiliser les pasteurs et les catéchètes pour que, joignant la beauté de lÂexpression à la rigueur de lÂexposé, leurs prédications et leurs enseignements conduisent leurs auditeurs à être saisis par la beauté du Christ. Les chrétiens sont appelés à témoigner de la joie de se savoir aimés de Dieu et de la beauté dÂune vie transformée par cet amour qui vient dÂEn-haut. Pour la clôture du grand Jubilé de lÂan 2000, Jean-Paul II a adressé à toute lÂÉglise sa Lettre apostolique Novo millennio ineunte, où il invite expressément à repartir du Christ et à apprendre à contempler son visage. De cette contemplation jaillit le désir, la nécessité et lÂurgence de redécouvrir le sens authentique du mystère et de la liturgie chrétienne, dans laquelle se vit concrètement la rencontre avec le Seigneur mort et ressuscité[41]. Pour répondre à cette invitation, de nombreux évêques ont adressé à leurs diocésains des Lettres pastorales sur la beauté du salut et le sens de la célébration liturgique, tout en soulignant la beauté de la rencontre avec le Christ, le dimanche, jour qui Lui est consacré et qui permet de faire une pause dans les rythmes frénétiques de nos sociétés.[42] Par ailleurs, au cours des dernières décennies, et surtout à partir du discours de Paul VI au VIIème Congrès International de Mariologie, le 16 mai 1975, la Via pulchritudinis a été amplement parcourue en mariologie, avec des résultats positifs et prometteurs.[43] Il importe de présenter dans un langage qui parle et plaît à nos contemporains, en utilisant les moyens les mieux adaptés, les précieux témoignages donnés par la Mère de Dieu, les martyrs et les saints qui, dÂune manière particulièrement « attrayante » ont suivi le Christ. Beaucoup est fait, en catéchèse, pour faire découvrir les figures extraordinaires des saints qui, nous le constatons aujourdÂhui encore, exercent une authentique fascination sur les jeunes, tels François dÂAssise et José de Anchieta, Juan Diego et Thérèse de lÂEnfant-Jésus, Rose de Lima et Bakhita, Kisito et Maria Goretti, le Père Kolbe et Mère Teresa, etc., à travers bandes dessinées, théâtre, publications, films, récitals et comédies musicales. Leurs exemples le rappellent : chaque chrétien est un authentique pèlerin sur le chemin de la beauté, de la vérité, de la bonté, en marche vers la Jérusalem Céleste où nous contemplerons la beauté de Dieu, dans une intense relation dÂamour, dans le « face à face ». « Là , nous nous reposerons et nous verrons ; nous verrons et nous aimerons ; nous aimerons et nous louerons. Voilà ce qui sera à la fin, sans fin. »[44] Une formation appropriée aidera les fidèles à progresser dans le sens de la prière dÂadoration et de louange pour participer en vérité à une liturgie vécue dans sa plénitude de beauté qui introduit au mystère de foi. Aussi est-il nécessaire, en même temps que de réapprendre aux fidèles à sÂémerveiller devant lÂÂuvre que Dieu accomplit dans nos vies, de redonner à la liturgie sa vraie « splendeur », toute sa dignité et sa véritable beauté, par la redécouverte du sens véridique du mystère chrétien, et de former les fidèles pour les rendre aptes à entrer dans le sens et la beauté du mystère célébré, et en vivre dÂune manière authentique. La liturgie nÂest pas un facere de lÂhomme, mais une Âuvre divine. Il est important dÂaider les fidèles à percevoir que lÂacte de religion nÂest pas le fruit dÂune « activité » Â un « produit », un « mérite », un « gain » Â, mais lÂexpression dÂun mystère, dÂune réalité qui ne peut être entièrement comprise mais qui demande à être reçue plus quÂà être conceptualisée. Il sÂagit dÂun acte purement libre de toute considération dÂefficience. LÂattitude du croyant dans la liturgie est caractérisée par sa capacité à recevoir, condition du progrès dans la vie spirituelle. Cette attitude nÂest plus spontanée dans une culture où le rationalisme dominant tend à étouffer jusquÂaux sentiments les plus intimes. Il nÂest pas moins urgent de favoriser la création artistique pour revivifier un art sacré qui soit apte à accompagner et soutenir la célébration des mystères de la foi, capable de redonner une beauté expressive aux édifices du culte et au mobilier liturgique. Ainsi, les liturgies seront, certes, accueillantes, mais surtout capables de communiquer le sens authentique de la liturgie chrétienne, tout en favorisant la pleine participation des fidèles aux mystères, selon le vÂu formulé à maintes reprises par les Pères du Synode des Évêques sur lÂEucharistie, convoqué par le serviteur de Dieu Jean-Paul II et présidé par le pape Benoît XVI à lÂautomne 2005. Certes, les églises doivent être esthétiquement belles, bien décorées, les liturgies accompagnées de beaux chants et de pièces musicales de valeur, les célébrations dignes et les prédications soignées, mais ce nÂest pas cela qui, en définitive, est via pulchritudinis capable de conduire à Dieu. Ce ne sont que les conditions qui facilitent lÂagir de la grâce de Dieu. Il sÂagit donc dÂéduquer les fidèles à ne pas laisser cours à la seule dimension esthétique, pour suggestive quÂelle soit, et de les aider à percevoir que la Liturgie est un acte divin qui ne se laisse pas déterminer par une ambiance, un climat, ni même des rubriques, car il est mystère de foi célébré en Église.
Proposer la Via pulchritudinis comme chemin dÂévangélisation et de dialogue, cÂest partir dÂune interrogation lancinante, parfois latente, mais toujours présente au cÂur de lÂhomme : « QuÂest-ce que la beauté ? », pour conduire « tous les hommes de bonne volonté, dans lesquels, invisiblement, agit la grâce », vers « lÂhomme parfait » qui est l « image du Dieu invisible » (Col 1, 15).[45] Cette interrogation remonte à lÂorigine des temps, comme si lÂhomme recherchait désespérément, depuis la chute originelle, ce monde de beauté désormais hors de sa portée. Elle traverse lÂhistoire sous de multiples formes, et la profusion dÂune multitude dÂÂuvres de beauté en toutes les civilisations ne parvient pas en étancher la soif. Pilate pose au Christ la question de la vérité. Le Christ ne répond pas, ou plutôt sa réponse est silence : cette vérité-là ne se dit pas, mais se rejoint sans paroles au plus intime de lÂêtre. Jésus sÂétait révélé à ses disciples : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ». Maintenant il se tait. Dans un instant il va montrer le chemin, chemin de vérité, qui aboutit à la Croix, mystère de sagesse. Pilate ne comprend pas, mais mystérieusement, il donne lui-même la réponse à sa question : « QuÂest-ce que la vérité ? ». Devant le peuple, il sÂécrie : « Voici lÂhomme ». CÂest le Christ qui est la vérité. Si la beauté est la splendeur de la vérité, alors notre interrogation rejoint celle de Pilate, et la réponse se fait identique : cÂest Jésus lui-même qui est la Beauté. Il se manifeste du Thabor à la Croix pour éclairer le mystère de lÂhomme, défiguré par le péché, mais purifié et recréé par lÂAmour rédempteur. Jésus nÂest pas un chemin parmi dÂautres, une vérité parmi dÂautres, une beauté parmi dÂautres. Il ne propose pas une vie parmi dÂautres : Il est le chemin vivant qui conduit à la vérité vivante qui donne la vie. Beauté suprême, splendeur de Vérité, Jésus est à la source de toute beauté, parce que, Verbe de Dieu fait chair, il est la manifestation du Père : « Celui qui mÂa vu a vu le Père » (Jn 14, 9). Le sommet, lÂarchétype de toute beauté se manifeste dans le visage du Fils de lÂhomme crucifié sur la Croix des douleurs, révélation de lÂamour infini de Dieu qui, dans sa miséricorde pour ses créatures, restaure la beauté perdue avec la faute originelle. « La beauté sauvera le monde » parce que cette beauté est le Christ, seule beauté qui défie le mal, et triomphe de la mort. Par amour, le « plus beau des enfants de lÂhomme » sÂest fait « lÂhomme des douleurs », « sans beauté ni éclat pour attirer nos regards » (Is 53, 2), et il a ainsi rendu à lÂhomme, à chaque homme, en plénitude sa beauté, sa dignité et sa vraie grandeur. Dans le Christ, et seulement en Lui, notre via Crucis se transforme dans la sienne en via lucis et en via pulchritudinis. LÂÉglise du troisième millénaire recherche cette beauté dans la rencontre avec son Seigneur, et, avec Lui, dans le dialogue dÂamour des hommes et des femmes de notre temps. Au cÂur des cultures, pour répondre à leurs angoisses, leurs joies et leurs espoirs, elle ne cesse de professer avec le pape Benoît XVI : « Celui qui fait entrer le Christ ne perd rien, rien  absolument rien de ce qui rend la vie libre, belle et grande. Non ! Dans cette amitié seulement sÂouvrent tout grand les portes de la vie. Dans cette amitié seulement se dévoilent réellement les grandes potentialités de la condition humaine. Dans cette amitié seulement nous faisons lÂexpérience de ce qui est beau et de ce qui libère. »[46] [1] Cf. Cultures et foi, Cité du Vatican, n° 2, 2002. [2] Cf. le document « Où est-il ton Dieu ? », publié en différentes langues : P. Poupard  Conseil Pontifical de la Culture, Où est-il ton Dieu ? La foi chrétienne au défi de lÂindifférence religieuse, Salvator, Paris 2004 ; Fede cristiana, non credenza e indifferenza religiosa, in ÂReligioni e sette nel mondoÂ, 26, 2003-2004 ; Where Is Your God ? Responding to the Challenge of Unbelief and Religious Indifference Today - Dónde está tu Dios ? La fe cristiana ante la increencia religiosa, Chicago 2004 ; Dónde está tu Dios ? La fe cristiana ante la increencia religiosa, Valencia 2005 ; Gdje je tvoj Bog ? KrÂćanska vjera pred izazovom vjerske ravnoduÂnosti, Sarajevo 2005.
[3] Cf. R. Rémond, Le Christianisme en accusation, Paris 2000 ; Le nouvel antichristianisme, ibid., 2005.
[4] Outre les textes de la Plenaria 2004, cf. le document Jésus-Christ, le porteur dÂeau vive. Une réflexion chrétienne sur le « Nouvel Âge », Cité du Vatican 2003 ; Gesù Cristo portatore dellÂacqua viva. Una riflessione cristiana sul ÂNew AgeÂ; Jesus Christ the Bearer of the Water of Life. A Christian Reflection on the ÂNew AgeÂ; Jesucristo portador del agua de la vida. Una reflexión cristiana sobre la ÂNueva EraÂ; Jesus Christus der Spender lebendigen Wassers. Überlegungen zu New Age aus christlicher Sicht.
[5] Benoît XVI, Homélie pour la messe dÂinauguration du Pontificat, le 24 avril 2005, La Documentation catholique, CII (2005) 545-549. [6] Jean-Paul II, Lettre aux artistes, 4 avril 1999, n. 3. [7] Jean-Paul II, Fides et ratio, 14 septembre 1998, n. 103. [8] Pour une réflexion sur une philosophie du beau et sur lÂactivité artistique, voir M.-D. Philippe, LÂactivité artistique. Philosophie du faire, 2 vol., Paris 1969-1970, avec une importante bibliographie. Pour une réflexion théologique, voir B. Forte, La porta della Bellezza. Per unÂestetica teologica, Brescia 1999 ; Inquietudini della trascendenza, chap. 3 : ÂLa BellezzaÂ, Brescia 2005, p. 45-55, et La bellezza di Dio. Scriti e discorsi 2004-2005, Edizioni San Paolo, 2006.
[9] Jean-Paul II, Fides et ratio, op. cit., n. 83. [10] St Augustin, Confessions, X, 27. [11] H. Urs Von Balthasar, La Gloire et la Croix. Les aspects esthétiques de la Révélation, I Â Apparition, Coll. Théologie 61, Aubier, 1965, p. 16-17. [12] Discours pour le Prix Nobel, in Âuvres, t. IX, YMCA Press, Vermont-Paris 1981, p. 9. [13] D. M. Turoldo, ÂBellezzaÂ, in Nuovo Dizionario di Mariologia, Ed. Paoline, 1985, p. 222-223.
[14] Le pape Jean-Paul II a repris cette affirmation essentielle dans sa Lettre aux Artistes, n. 11. [15] Cf. Jean Scot Erigène, De divisione naturae 1.3, et saint Bonaventure, Collationes in Hexaemeron II, 27. [16] Cf. Conseil Pontifical de la Culture, Pour une pastorale de la culture, Téqui, 1999, n. 35. [17] Cfr. The Human Search for Truth: Philosophy, Science, Theology. International Conference on Science and Faith. The Vatican 23-25 may 2000, Saint JosephÂs University Press, Philadelphia, USA, 2002; tr. it. LÂuomo alla ricerca della verità. Filosofia, scienza, teologia: prospettive per il terzo millennio. Conferenza internazionale su scienza e fede  Città del Vaticano, 23-25 maggio 2000, Vita e Pensiero, Milano 2005.
[18] St Bonaventure, Legenda Maior, IX. [19] Cf. Jean-Paul II, Lettre apostolique Duodecimum Saeculum, 4 décembre 1987, Ch. IV : LÂart chrétien authentique, N. 10-11. [20] Jean-Paul II, Lettre aux artistes, n. 12-13. [21] Cf. Associazione Arte e Spiritualità, Sulla via della Bellezza. Paolo VI e gli artisti, Cahier n. 3, Brescia 2003, p. 71-76.
[22] Cf. D. Ponnau, dans Forme et sens. Colloque de formation à la dimension religieuse du patrimoine culturel, Ecole du Louvre, Paris, 1997, p. 20. [23] Catéchisme de lÂÉglise catholique  Abrégé. Introduction, Bayard, Cerf, Fleurus-Mame, 2005, p. 21. [24] LÂOsservatore Romano, édition française, n. 15, 12 avril 1988, p. 13. [25] E. Berthoud, 2000 ans dÂart chrétien, CLD, 1998. [26] Jean-Paul II, Lettre aux artistes, op. cit., n. 12 et 8. [27] M. Quenot, Du Dieu-homme à lÂhomme-Dieu. De lÂicône du Christ à lÂicône des saints, Cerf, 2004, avec 150 illustrations. [28] St Irénée, Adversus hæreses, IV, 20, 7.
[29] C. Schönborn, LÂicône du Christ. Fondements théologiques élaborés entre le Ie et le IIème Concile de Nicée (325-787), Editions Universitaires, Fribourg, Suisse, 1976. Cf. aussi Paul Evdokimov, LÂart de lÂicône. Théologie de la beauté, Paris, 1970. [30] Cf. n° 17 : Art et loisir et surtout n° 36 : LÂart et les artistes. [31] Cf. la Lettre circulaire de la Commission pontificale pour les biens culturels de lÂÉglise, sur La formation aux biens culturels dans les séminaires, 15 octobre 1992 ; la Note pastorale de la Conférence épiscopale régionale de Toscane : La vita si è fatta visibile. La comunicazione della fede attraverso lÂArte, du 23 février 1997, et celle du Bureau national pour les Biens culturels ecclésiastiques de la Conférence Épiscopale Italienne : Spirito Creatore, du 30 novembre 1997. [32] Cf. M. G. Riva, NellÂarte lo stupore di una Presenza, San Paolo, Milano, 2004.
[33] E. Bianchi Perché e come evangelizzare di fronte allÂindifferentismo, in ÂVita e pensiero 2, 2005, p. 92-93.
[34] D. Barsotti, Il mistero cristiano nellÂanno liturgico, Cinisello Balsamo 2004, p. 70.
[35] P. Florenskij, Les portes royales. Essai sur lÂicône, Milan 1999, 50. [36] Cf. note 27. [37] Card. J. Ratzinger, Eucharistie et mission, dans Liturgie et Mission, Centre international dÂétudes liturgiques, Paris, 2002, p. 13-16. [38] Cf. P. Claudel, Ma conversion, dans Contacts et circonstances, Gallimard, 1940, p. 11 sq ; repris dans Ecclesia, Lectures chrétiennes, Paris, No 1, avril 1949, p. 53-58. [39] Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, op.cit., p. 373. [40] Cf. T. Verdon, Vedere il mistero. Il genio artistico della liturgia cattolica, Mondatori 2003.
[41] Cf. aussi Exhortation Apostolique post-synodale Ecclesia in Europa, 28 juin 2003, n. 66-73 ; Encyclique Ecclesia de Eucharistia, 17 avril 2003 ; Lettre Apostolique Mane nobiscum, 17 octobre 2004.
[42] Cf. par exemple : C.M. Martini, Quelle beauté sauvera le monde? Lettre pastorale 1999-2000, Milan 1999 ; B. Forte, Pourquoi aller à la messe le dimanche. LÂEucharistie et la beauté de Dieu, Cinisello Balsamo 2004 ; G. Vecerrica, Diamo forma alla bellezza della vita cristiana, Lettera pastorale, Fabriano 2006.
[43] Cf. Académie Pontificale Mariale Internationale, La mère du Seigneur. Mémoire, présence, espoir, Cité du Vatican, 2000, p. 40-42. [44] St Augustin, La Cité de Dieu, XXII, 30, 5.
[45] Concile Vatican II, Gaudium et spes, 22. [46] Benoît XVI, Homélie pour la messe dÂinauguration de son Pontificat, le 24 avril 2005, Documentation catholique CII (2005) 545-549. |