VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS
AU SRI LANKA ET AUX PHILIPPINES
(12-19 JANVIER 2015)
RENCONTRE DU SAINT-PÈRE AVEC LES JOURNALISTES
AU COURS DU VOL VERS MANILLE
Jeudi 15 janvier 2015
Avant toute chose bonjour, que Caroline se rassure: l’image de la Vierge de Luján m’est bien parvenue, merci beaucoup. Ces canonisations ont été faites suivant la méthodologie — prévue dans le droit de l’Eglise — qui s’appelle la canonisation équipollente. On y a recours lorsqu’un homme ou une femme est bienheureux ou bienheureuse depuis longtemps, et qu’il ou elle bénéficie de la vénération du peuple de Dieu, étant de fait vénéré en tant que saint, sans la reconnaissance du miracle. Il y a des personnes qui sont dans cette situation depuis des siècles. Le procès d’Angela de Foligno a été conclu ainsi, elle a été la première. Puis pour ma part, j’ai décidé de faire de même pour des personnes qui ont été de grands évangélisateurs et évangélisatrices. Pierre Favre en premier lieu, qui a été un évangélisateur de l’Europe: il est mort pour ainsi dire dans la rue, tandis qu’il voyageait pour évangéliser, à quarante ans. Et puis il y en a eu d’autres, les évangélisateurs du Canada, François de Laval et Marie de l’Incarnation: tous deux ont été les fondateurs de l’Eglise au Canada, lui en tant qu’évêque et elle en tant que sœur, par l’apostolat qu’ils accomplissaient là-bas. Puis il y a José de Anchieta, du Brésil, le fondateur de São Paulo, qui était bienheureux depuis longtemps, et qui est désormais saint. Nous avons Joseph Vaz ici, l’évangélisateur du Sri Lanka. Et en septembre je canoniserai, Deo mediante, Junípero Serra aux Etats-Unis, parce qu’il a été l’évangélisateur de l’ouest des Etats-Unis. Ce sont des figures qui ont accompli une forte évangélisation et qui sont en harmonie avec la spiritualité et la théologie d’Evangelii gaudium. C’est pour cela que j’ai choisi ces figures. Il s’agissait de cela.
Jerry O’Connell: Ma question comporte trois aspects. Premièrement: le changement climatique est-il principalement dû à l’homme et à sa négligence envers la nature? Deuxièmement: quand votre encyclique sera-t-elle disponible? Et troisièmement: vous insistez beaucoup sur la coopération entre les religions, avez-vous l’intention d’inviter les autres religions à se réunir pour affronter cette question?
La première question. Vous avez dit un mot qui m’évite une précision: «principalement». J’ignore si l’on peut dire que c’est entièrement dû à lui, mais principalement, c’est en grande partie l’homme qui piétine la nature, continuellement. Nous avons un peu pris possession de la nature, de notre terre sœur, de notre terre mère. Je me rappelle, vous l’aurez déjà entendu, ce qu’un vieux paysan m’a dit un jour: «Dieu pardonne toujours, nous — les hommes — pardonnons parfois, mais la nature ne pardonne jamais». Si nous la piétinons, elle en fera autant. Je crois que nous avons trop exploité la nature; les déforestations, par exemple. Je me souviens, à Aparecida: à cette époque je ne comprenais pas bien ce problème, lorsque j’entendais les évêques brésiliens parler de déforestation de l’Amazonie, je ne parvenais pas à bien comprendre. L’Amazonie est un poumon du monde. Puis il y a cinq ans, avec une commission des droits de l’homme, j’ai effectué un recours devant la Cour suprême d’Argentine pour stopper, au moins temporairement, une déforestation terrible au nord du pays, dans la zone de Nor de Salta, Tartagal. C’est un des aspects. Il y a aussi les monocultures. Les paysans, par exemple, savent que si l’on cultive le maïs durant trois ans, il faut ensuite faire une halte et changer de culture pendant un ou deux ans, pour fertiliser la terre avec du nitrogène afin que la terre donne son meilleur rendement. Par exemple, chez nous on cultive seulement le soja afin que la terre ne s’use pas. Tout le monde ne le fait pas, mais c’est un exemple parmi tant d’autres. Je crois que l’homme est allé trop loin. Grâce à Dieu, des voix s’élèvent aujourd’hui, il y en a beaucoup qui évoquent cela; je voudrais à présent rendre hommage à mon bien-aimé frère Bartholomée qui prêche sur ce thème depuis des années. J’ai pour ma part lu beaucoup de ses écrits pour préparer cette encyclique. Je peux revenir là-dessus mais je ne veux pas être long. Guardini — j’ajouterai seulement cela — a eu des mots qui expliquent bien la situation. Il dit: la seconde méthode d’inculture, c’est la mauvaise. La première est l’inculture que nous recevons avec la création pour la cultiver, mais quand nous en prenons trop possession et que nous allons trop loin, cette culture va contre nous, pensons à Hiroshima. L’on créé une inculture, qui est la seconde.
L’encyclique: le cardinal Turkson et son équipe en ont jeté la première ébauche. Puis avec l’aide de quelques personnes, j’ai pris cette base et j’y ai travaillé. J’ai ensuite fait une troisième ébauche avec certains théologiens et ai envoyé une copie à la Congrégation pour la doctrine de la foi, à la deuxième section de la secrétairerie d’Etat et au théologien de la Maison pontificale, afin qu’ils vérifient bien que je n’aie pas dit de «sottises». Il y a trois semaines, j’ai reçu les réponses, dont certaines étaient très longues, mais toutes constructives. Je prendrai une semaine entière au mois de mars pour la terminer. Je crois que d’ici la fin du mois de mars, elle sera finie et envoyée aux traducteurs. Je pense que si le travail de traduction se passe bien — Mgr Becciu m’écoute en ce moment: il doit aider dans cette étape —, elle pourra sortir en juin- juillet. L’important est qu’il se passe un peu de temps entre la sortie et la rencontre de Paris, afin qu’il s’agisse d’une contribution. La rencontre au Pérou n’a pas donné grand chose. J’ai été déçu par le manque de courage: ils se sont arrêtés à un certain point. Espérons que les représentants à Paris seront plus courageux et feront avancer les choses.
Concernant la troisième question, je crois que le dialogue interreligieux est important à cet égard. Les autres religions ont une bonne vision. Sur ce point également, il existe un consensus pour une vision commune. Pas encore dans l’encyclique. En réalité, j’ai discuté avec certaines personnes d’autres religions de ce thème et je sais que le cardinal Turkson l’a également fait, de même qu’au moins deux théologiens, c’est la voie qui a été empruntée. Ce ne sera pas une déclaration commune. Les rencontres arriveront ensuite.
Pia: Quel est votre message pour les milliers de Philippins qui n’ont pas pu vous rencontrer en personne, et qui l’auraient pourtant voulu?
Pour répondre à cela, je risque de devenir trop simple, mais je dirai un mot. Le centre, le noyau du message seront les pauvres, les pauvres qui veulent aller de l’avant, les pauvres qui ont souffert du typhon Yolanda et qui en subissent encore les conséquences; les pauvres qui ont la foi, de l’espoir en ce cinquième centenaire de la prédication de l’Evangile aux Philippines; le peuple de Dieu, aux Philippines, les pauvres, les pauvres exploités également, exploités par ceux qui génèrent de si nombreuses injustices sociales, spirituelles, existentielles. Je pense à eux. En me rendant aux Philippines, je pense à eux. L’autre jour, chez nous à Sainte-Marthe, le 7 janvier, il y a eu la fête de Noël des Eglises orientales, et là trois personnes de nationalité éthiopienne, ainsi que certains Philippins y travaillent. Les Ethiopiens ont fait la fête: ils ont invité tous les employés, une cinquantaine, à déjeuner. J’étais parmi eux et je regardais les employés des Philippines, qui ont laissé leur patrie, à la recherche d’un plus grand bien-être, laissant leur papa, leur maman, les enfants, pour y parvenir... Les pauvres. Je ne sais pas... le noyau est certainement celui-là.
Juan Vicente Boo: Au cours des années de la guerre civile, au Sri Lanka, il y a eu plus de trois cents attentats kamikazes, attentats suicides, perpétrés par des hommes, des femmes, des jeunes garçons et des jeunes filles. A présent, nous voyons des attentats suicides de garçons, de filles et aussi d’enfants. Que pensez-vous de cette façon de faire la guerre?
Ce que j’ai envie de dire est sans doute que c’est un manque de respect. Je pense que derrière tout attentat suicide se trouve un déséquilibre, un déséquilibre humain. Je ne sais pas s’il est mental, mais c’est un déséquilibre humain. Quelque chose qui ne va pas dans cette personne. Elle n’a pas cet équilibre sur le sens de sa vie, de sa propre vie et sur celle des autres. Mais elle lutte, elle donne sa vie, mais ne la donne pas bien. Tant de personnes, tant de personnes œuvrent — pensons aux missionnaires, par exemple — en donnant la vie, mais pour construire. Ici, on donne la vie en s’auto-détruisant et pour détruire. Cela ne va pas, il y a quelque chose qui ne va pas. J’ai suivi la thèse non pas du doctorat, mais de licence, d’un pilote d’Alitalia qui l’a préparée en sociologie sur le thème des kamikazes japonais. Il m’en a parlé un peu personnellement, mais il est difficile de comprendre cela. Lorsque je corrigeais, c’était davantage la partie de la méthodologie. Mais on ne comprend pas... Cela ne concerne pas seulement l’Orient. Il y a certaines études en ce moment, des études sur une proposition apparue au cours de la Deuxième guerre mondiale en Italie, et soumise au fascisme en Italie. Il n’y a pas de preuve, mais on étudie cette thèse, qui est très liée aux systèmes dictatoriaux ou totalitaires. Aux systèmes totalitaires. Elle est très liée. Le système totalitaire tue, sinon la vie, du moins les possibilités, tue l’avenir, il tue beaucoup de choses. Et aussi la vie. Voilà. Mais ce problème n’est pas fini, il n’est pas seulement oriental. C’est important. Voilà ce que j’ai à dire.
Sur l’utilisation des enfants, ce que j’ai dit de façon générale vaut pour tous, mais prenons les enfants. Les enfants sont utilisés partout pour tant de choses: ils sont exploités dans le travail, exploités comme esclaves, exploités aussi sexuellement. Il y a quelques années, avec certains membres du sénat en Argentine, nous avons voulu mener une campagne dans les hôtels les plus importants, pour dire publiquement que ne soient pas exploités les enfants par les touristes. Nous n’avons pas réussi à le faire. Les résistances cachées existent. Je ne sais pas s’ils étaient exploités ou pas. C’était une mesure préventive. Puis, lorsque j’étais en Allemagne, je tombais parfois sur certains journaux qui parlaient de régions touristiques, et le tourisme dans cette région du sud-est asiatique, et également le tourisme sexuel, et là, il y avait des enfants. Les enfants sont exploités, mais le travail d’esclave des enfants est terrible. Ils sont exploités également pour cela. Mais je n’ose pas dire plus.
Ignazio Ingrao: Il y a une grande préoccupation dans le monde au sujet de votre sécurité physique. Selon les services secrets américains et israéliens, le Vatican serait même la cible des terroristes islamiques. Nous savons que vous ne voulez pas renoncer au contact direct avec les personnes, mais à présent, pensez-vous qu’il soit nécessaire de modifier quelque chose dans votre comportement et dans vos programmes? Il y a également une crainte pour la sécurité physique des fidèles, qui participent aux célébrations, en cas d’attentats. Etes-vous préoccupé par cela? Et plus généralement, selon vous, quelle est la meilleure façon de répondre à ces menaces des intégristes islamiques?
Selon moi, la meilleure façon de répondre est toujours la douceur. Etre doux, humble — comme le pain — sans commettre d’agression. Moi je suis ici, mais il y a des gens qui ne comprennent pas cela. Puis, au sujet des préoccupations: je suis préoccupé pour les fidèles, vraiment, cela me préoccupe. Sur sur ce point, j’ai parlé avec la sécurité vaticane: ici, sur ce vol, se trouve M. Giani qui est chargé de cela, il est au courant de ce problème. Cela me préoccupe, me préoccupe beaucoup. Ai-je peur? Vous savez que j’ai un défaut: une bonne dose d’inconscience. Parfois, je me suis demandé: et si cela m’arrivait? Et j’ai dit au Seigneur: Seigneur, je ne te demande qu’une grâce, que l’on ne me fasse pas mal. Parce que je ne suis pas courageux face à la douleur je suis très craintif, mais pas de Dieu. Mais je sais que l’on prend des mesures de sécurité, prudentes, mais sûres. Puis, on verra.
Christoph Schmidt: Pourriez-vous nous parler de votre visite au temple bouddhiste, hier, qui a été une grande surprise. Quelle a été la raison d’une visite si spontanée? Trouvez-vous une inspiration dans cette religion? Nous savons que les missionnaires chrétiens ont été convaincus jusqu’au XXe siècle que le bouddhisme était une escroquerie, une religion du diable. Troisièmement, qu’est-ce qui pourrait être important dans le bouddhisme pour l’avenir de l’Asie?
Comment s’est passée ma visite, pourquoi y suis-je allé? Le responsable de ce temple a réussi à se faire inviter par le gouvernement pour aller à l’aéroport et là — il est très ami du cardinal Ranjith —, il m’a salué et m’a demandé de visiter le temple et il a aussi demandé au cardinal Ranjith de m’y emmener. Puis j’en ai parlé avec le cardinal, mais il n’y avait pas le temps, parce que lorsque je suis arrivé, j’ai dû interrompre la rencontre avec les évêques, je ne me sentais pas bien, j’étais fatigué — ces 29 kilomètres de salut aux personnes m’ont épuisé — et donc, il n’y avait pas le temps. Et hier, au retour de Madhu, la possibilité s’est présentée; il a téléphoné et nous y sommes allés. Dans ce temple il y a des reliques des disciples de Bouddha, de deux d’entre eux. Pour eux, elles sont très importantes. Ces reliques se trouvaient en Angleterre, et ils ont réussi à les récupérer: c’est bien. Et ainsi, il est venu me voir à l’aéroport et moi je suis allé le voir chez lui. Premier point.
Deuxième point. Hier à Madhu, j’ai vu quelque chose que je n’aurais jamais imaginé: tous n’étaient pas catholiques, même pas la majorité! Ils étaient bouddhistes, islamiques, hindouistes, et tous vont prier là; ils y vont et ils disent qu’ils reçoivent des grâces! Il y a dans le peuple — et le peuple ne se trompe jamais — c’est là qu’il y a le sens du peuple, il y a quelque chose qui les unit. Et s’ils sont si naturellement unis au point d’aller ensemble prier dans un temple — qui est chrétien mais pas seulement chrétien, car tous le veulent — pourquoi ne devrais-je pas aller au temple bouddhiste pour les saluer? Ce témoignage d’hier à Madhu est très important. Il nous fait comprendre le sens de l’interreligiosité que l’on vit au Sri Lanka: il y a un grand respect entre eux. Il existe des petits groupes fondamentalistes, mais qui ne sont pas avec le peuple: il s’agit d’élites idéologiques, qui ne sont pas avec le peuple.
Enfin, quant à l’idée qu’ils aillent en enfer. Mais les protestants aussi... Lorsque j’étais enfant — à cette époque, il y a soixante-dix ans — tous les protestants allaient en enfer, tous. C’est ce qu’on nous disait. Et je me souviens de la première expérience que j’ai eue avec l’œcuménisme. Je l’ai racontée l’autre jour aux dirigeants de l’Armée du Salut. J’avais quatre ou cinq ans — mais je m’en souviens, je le vois encore — et je marchais dans la rue, avec ma grand-mère, qui me tenait par la main. Sur le trottoir d’en face venait deux femmes de l’Armée du Salut, avec le chapeau qu’elles portaient autrefois, avec un nœud, quelque chose dans ce genre, à présent elles ne le portent plus. J’ai demandé à ma grand-mère: «Dis-moi, grand-mère, est-ce que ce sont des religieuses?». Et elle m’a répondu ceci: «Non, ce sont des protestantes, mais elles sont bonnes». C’était la première fois que j’entendais parler en bien d’une personne d’une autre religion, d’un protestant. A cette époque, dans la catéchèse, on nous disait que tous allaient en enfer. Mais je crois que l’Eglise a beaucoup grandi dans la conscience du respect — comme je leur ai dit au cours de la rencontre interreligieuse à Colombo —, des valeurs. Lorsque nous lisons ce que nous dit le Concile Vatican ii sur les valeurs dans les autres religions — le respect — l’Eglise a beaucoup grandi dans ce domaine. Et oui, il y a eu des époques obscures dans l’histoire de l’Eglise, nous devons le dire sans en avoir honte, car nous aussi nous sommes sur un chemin de conversion constante: du péché à la grâce, toujours. Et cette interreligiosité comme frères, en se respectant toujours, est une grâce. Je ne sais pas s’il y avait autre chose que j’ai oublié. C’est tout? Merci beaucoup.
Sébastien Maillard: Dans le respect des différentes religions, jusqu’à quel point peut-on arriver dans la liberté d’expression, qui est elle aussi un droit humain fondamental?
Merci de cette question, elle est intelligente. Je crois que tous les deux sont des droits humains fondamentaux: la liberté religieuse et la liberté d’expression. On ne peut pas... Imaginons... Vous êtes français, allons à Paris! Parlons clairement. On ne peut pas cacher une vérité, qui est que chacun a le droit de pratiquer sa propre religion, sans offenser, librement. C’est ce que nous faisons, que nous voulons tous faire. Deuxièmement, on ne peut pas offenser, faire la guerre, tuer au nom de sa religion, c’est-à-dire au nom de Dieu. Ce qui se passe à présent nous fait un peu... nous étonne. Mais pensons toujours à notre histoire: combien de guerres de religion avons-nous eues! Pensez à la «nuit de la Saint-Barthélémy»... comment comprendre cela? Nous aussi nous avons été pécheurs sur ce point. Mais on ne peut pas tuer au nom de Dieu. Cela est une aberration. Tuer au nom de Dieu est une aberration. Je crois que cela est le principal à propos de la liberté de religion: on doit la pratiquer avec liberté, sans offenser, mais sans imposer ni tuer.
La liberté d’expression. Chacun a non seulement la liberté, le droit, mais a aussi l’obligation de dire ce qu’il pense pour aider le bien commun. L’obligation. Pensons à un député, à un sénateur: s’il ne dit pas ce qu’il pense être la bonne route, il ne collabore pas au bien commun. Et pas seulement eux, mais tant d’autres. Nous avons l’obligation de dire ouvertement, d’avoir cette liberté, mais sans offenser. Parce que c’est vrai que l’on peut réagir violemment, mais si M. Gasbarri, un grand ami à moi, dit une grossièreté contre ma mère, il recevra un coup de poing! C’est normal! C’est normal. On ne peut pas provoquer, on ne peut pas insulter la foi des autres, on ne peut pas se moquer de la foi. Le Pape Benoît dans un discours — je ne me rappelle pas bien où — avait parlé de cette mentalité post-positiviste, de la métaphysique post-positiviste, qui conduisait pour finir à croire que les religions ou les expressions religieuses sont une sorte de sous-culture, qui sont tolérées, mais qui ne sont pas grand-chose, qui ne font pas partie de la culture éclairée. Et cela est un héritage des lumières. Beaucoup de personnes parlent mal des religions, se moquent d’elles, disons qu’elles transforment en jouet la religion des autres, ces personnes provoquent et il peut arriver ce qui arrive si M. Gasbarri dit quelque chose contre ma mère. Il y a une limite. Chaque religion a sa dignité, chaque religion qui respecte la vie humaine, la personne humaine. Et je ne peux pas me moquer d’elle. Et cela est une limite. J’ai pris cet exemple de la limite, pour dire que dans la liberté d’expression il y a des limites comme celles à l’égard de ma mère. Je ne sais pas si j’ai réussi à répondre à la question. Merci.
Joshua McElwee: Vous vous êtes exprimé de nombreuses fois contre l’extrémisme religieux, avez-vous une idée concrète de la façon dont faire participer les autres responsables religieux pour combattre ce problème? Peut-être une rencontre à Assise comme l’ont fait le Pape Jean-Paul II et le Pape Be-noît XVI?
Merci. Cette proposition aussi a été faite. Je sais que plusieurs personnes travaillent sur cela. J’ai parlé avec le cardinal Tauran, qui est au dialogue interreligieux, et il a entendu parler de cela. Je sais que ce désir n’est pas venu seulement de notre part, il est venu également davantage des autres, il est apparu chez les autres religions et il est dans l’air. Je ne sais pas s’il y a quelque chose en cours d’organisation, mais le désir est dans l’air. Merci.
Lynda Jumilla Abalos: Je voudrais savoir si vous vous appuierez sur la commission pour la vérité au Sri Lanka et dans d’autres pays en ce qui concerne les conflits internes...
Je ne sais pas bien comment fonctionnent ces commissions. J’ai connu celle qui était en Argentine, à l’époque, après la dictature militaire, et celle-là je l’ai soutenue, car elle était sur une bonne voie. Concrètement je ne peux pas parler de celles-ci, car je ne les connaîs pas dans les faits. Oui, je soutiens tous les efforts pour trouver la vérité et aussi les efforts équilibrés, pas comme la vengeance, équilibrés, pour aider à se mettre d’accord. Et j’ai entendu une chose dite par le président du Sri Lanka — je ne voudrais pas que cela soit interprété comme un commentaire politique — je répète ce que j’ai entendu et avec lequel je suis d’accord. Il m’a dit cela: il souhaite aller de l’avant dans le travail de paix — premier mot — de réconciliation, avant tout. Ensuite, il a poursuivi avec un autre mot, il a dit: car on doit créer l’harmonie au sein du peuple. L’harmonie est plus que la paix et que la réconciliation. Elle est davantage. Elle est encore plus belle. L’harmonie est aussi musicale. Et il a encore poursuivi avec un autre mot, car cette harmonie nous donnera le bonheur et la joie. Paix, réconciliation, harmonie, bonheur, joie. J’ai été étonné et j’ai dit: «J’aime entendre cela, mais ce n’est pas facile». Cinquième mot: oui, on devrait arriver au cœur du peuple. Et ce dernier mot si profond me fait réfléchir, pour répondre à votre question: ce n’est qu’en arrivant au cœur du peuple, qui sait ce qu’est la souffrance, qui sait ce que sont les injustices, qui a souffert tant de choses pendant les guerres et aussi les dictatures, tant de choses! ... ce n’est qu’en arrivant là — le peuple aussi connaît le pardon — que nous pouvons trouver les bonnes routes, sans compromis, justes, pour aller de l’avant dans ce que vous dites. Les commissions d’enquête sur la vérité sont un des éléments qui peuvent aider, tout au moins si je pense à l’Agentine: un élément qui a aidé. Un parmi d’autres, mais il y a d’autres éléments que nous devons réaliser, car nous pouvons arriver à la paix, à la réconciliation, à l’harmonie, au bonheur et nous pouvons arriver au cœur du peuple. Cela me vient à l’esprit, et je reprends les paroles du président qui m’ont semblé justes.
Le Père Lombardi a ensuite invité le Pape a présenter ses vœux à l’Agence italienne Ansa qui fête ses soixante-dix ans.
J’ai connu l’Ansa la première fois quand j’ai connu Francesca Ambrogetti à Buenos Aires. Francesca était la présidente du groupe, de l’équipe des journalistes étrangers à Buenos Aires. Grâce à elle j’ai connu l’Ansa, et cette femme a bien représenté l’Ansa à Buenos Aires. Je vous présente tous mes vœux de bien. Soixante-dix ans, cela n’est pas rien! Persévérer dans le service pendant soixante-dix ans est un grand mérite. Je vous souhaite le meilleur, je vous souhaite toujours le meilleur. J’ai l’habitude, quand je ne sais pas comment vont aller les choses, de demander à la petite sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, si elle prend en main un problème, une chose, qu’elle m’envoie une rose, et elle le fait quelques fois, mais de manière étrange. Et c’est ainsi que, pour ce voyage également, j’ai demandé qu’elle le prenne en main et m’envoie une rose, et au lieu d’une rose elle est venue elle-même me saluer. Merci à Caroline, merci beaucoup à la petite Thérèse et à vous. Merci. Bonne journée.
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