MESSAGE AUX PARTICIPANTS À LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE
SUR L’USAGE ET LE TRAFIC ILLICITE DE LA DROGUE (ONU-VIENNE)*
1. Le phénomène de l’abus de la drogue est une des plus grandes tragédies qui affligent la société d’aujourd’hui, une tragédie aux proportions croissantes qui frappe à la fois les pays industrialisés et ceux en développement, qui a des effets dévastateurs sur les personnes, les familles et tout le tissu social. Le fait que les utilisateurs de stupéfiants soient principalement des jeunes menace de manière particulière la stabilité future de la société au moment où nous approchons de la fin du second millénaire.
Il existe malheureusement des indications selon lesquelles cette tragédie humaine ne fait qu’empirer: a) Les stupéfiants illégaux sont produits en quantités toujours croissantes; b) Le trafic illicite des stupéfiants, qui produit d’immenses profits, continue à se dérouler impunément; c) Le phénomène très largement répandu de l’usage de la drogue, bien qu’il soit surtout le fait de la jeunesse, se rencontre aussi à tous les niveaux de la société moderne, dans les zones rurales comme urbaines, chez les hommes comme chez les femmes, l’Ouest, dans l’hémisphère Nord ou l’hémisphère Sud, dans les pays pauvres ou riches.
2. De nombreux facteurs contribuent à l’accroissement dramatique de l’usage de la drogue. Un des tout premiers est sûrement l’effondrement de la famille. Il y a en outre un affaiblissement très net du style de vie traditionnel qui, pendant des générations, a influencé les valeurs culturelles et a donné sa signification à l’existence quotidienne. Il y a des tensions croissantes dans les relations humaines, une augmentation du chômage, des conditions de vie infra humaines, des peurs engendrées par la menace d’une guerre nucléaire, et de nombreux autres facteurs d’ordre social dont le moindre n’est pas un certain besoin psychologique de fuir les épreuves et les difficiles responsabilités de la vie. Mais, à la racine de ce mal, il y a la perte des valeurs éthiques et spirituelles. Il est vrai que les jeunes d’aujourd’hui sont les plus grands consommateurs de drogues dures: aussi est-il légitime de se demander si la cause en est le type de société dans lequel notre jeunesse est éduquée.
Partout où il existe, l’usage de la drogue appauvrit la communauté. Il diminue la force humaine et la fibre morale. Il mine les valeurs que l’on tient en estime. Il détruit la volonté de vivre et de contribuer à créer une société meilleure. L’usage de la drogue est vraiment un fléau, tout comme le sont la famine, la sécheresse ou une épidémie. Il fauche chaque année une moisson toujours plus importante de vies humaines.
3. Mais le fléau moderne de l’usage de la drogue ne s’est pas développé sans rencontrer des résistances et des oppositions. Nous ne pouvons fermer les yeux devant l’immensité du mal infligé à l’humanité par ce tragique problème. Mais nous ne devrions pas non plus ne pas voir les nombreux efforts, parfois héroïques, qui ont été accomplis pour le combattre.
L’Organisation des Nations Unies, comme d’autres institutions gouvernementales ou non-gouvernementales, a attiré l’attention, sur le plan international et régional, sur les conséquences de l’usage de la drogue. Des congrès se sont tenus, des études ont été entreprises, d’autres moyens ont été employés, et le Saint-Siège a été heureux de prendre une part active à ces initiatives.
La croissance continuelle de la production illégale et du commerce de la drogue rend encore plus urgent le devoir de développer ces initiatives qui semblent maintenant produire des résultats concrets et positifs. Il est absolument nécessaire que l’activité criminelle de la production et du trafic de la drogue soit combattue de manière directe et finalement arrêtée. A cet égard, mes encouragements et mon admiration vont à tous ces pays dont les responsables gouvernementaux et les citoyens se sont vraiment engagés à combattre la production, la vente, et l’abus des stupéfiants, parfois en à la réhabilitation de ceux qui s’adonnent à la drogue ou qui en dépendent d’une manière malsaine. Cela exige l’établissement et l’entretien d’institutions qui peuvent répondre aux besoins spécifiques de chaque individu victime de l’abus de drogue. La grande variété des besoins que l’on rencontre suppose la possibilité d’un triple traitement: médical, social et légal. Dans ce domaine, l’Église est prête à apporter son aide, spécialement par l’intermédiaire des centres qu’elle a établis et par sa coopération avec des centres fondés par d’autres organisations.
4. Un facteur essentiel pour parvenir à une pleine réhabilitation, particulièrement dans le cas des jeunes, est le rétablissement de la confiance en soi-même et une saine estime de soi, qui assurent une motivation nouvelle reposant sur des valeurs morales et spirituelles solides. Il faut aider les drogués à rétablir des relations de confiance avec leur famille et leurs amis. On doit aussi les aider à reprendre leur travail, leur éducation ou leur formation. Les familles jouent un rôle vital dans ce processus, tout comme les institutions éducatives, sociales et culturelles. La réhabilitation suppose un travail en équipe: aussi chacune de ces institutions devrait-elle collaborer volontiers avec les familles et tous ceux qui sont concernés.
Je vous assure que l’Église souhaite offrir toute l’aide possible aux efforts nombreux et divers qui se font. Et je souhaite ajouter un mot d’encouragement personnel à vous-même et aux gouvernements et organisations que vous représentez. Le combat commun contre la plaie et le trafic de la drogue est motivé par un sérieux esprit de mission en faveur de l’humanité et pour l’avenir même de la société, une mission dont le succès exige un engagement mutuel et une réponse généreuse de la part de tous.
Que Dieu bénisse vos efforts. Et puisse cette Conférence être pour le reste du monde un phare d’encouragement et d’espoir.
4 juin 1987
*L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n. 30 p. 1, 2.
La Documentation Catholique n.1946 p.834-835.
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