DISCOURS DU PAPE JEAN PAUL II
À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION
DES LETTRES DE CRÉANCE
DE L'AMBASSADEUR DU VÉNÉZUELA*
Monsieur l'Ambassadeur,
1. Je reçois avec joie les Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeur de la République bolivarienne du Venezuela près le Saint-Siège et je vous souhaite une cordiale bienvenue, vous exprimant dans le même temps mes meilleurs voeux pour la mission qui vous a été confiée. Je désire également manifester ma sincère reconnaissance pour le salut respectueux du Président de la République, dont Votre Excellence s'est fait le porte-parole, en vous priant dans le même temps de faire parvenir les sentiments de ma proximité particulière au peuple vénézuélien, auquel je souhaite, en cette période de sa vie politique et institutionnelle, un développement permanent de ses valeurs spirituelles et une vraie croissance de son bien-être social. Je profite de cette occasion pour répéter le message d'encouragement que j'ai désiré laisser au peuple vénézuélien au terme de ma deuxième visite dans ce pays, en l'invitant à faire "des valeurs chrétiennes morales, qui ont modelé votre nation, un facteur de cohésion sociale, de progrès et de paix" (Discours de départ, 11 février 1996, n. 2, ORLF n. 11 du 12 mars 1996).
Le Venezuela est un pays aux beautés naturelles splendides et riche de culture, que Christophe Colomb appela "terre de grâce", et qui a fait l'expérience, au cours du siècle qui se termine, d'une singulière croissance démographique et socio-économique. J'ai pu le constater en personne, au cours de mes deux visites pastorales, en ressentant la chaleur de l'accueil et les espérances qui vibrent dans le coeur de son peuple, ouvert et généreux. C'est pourquoi, je me réjouis de ses succès, je partage ses préoccupations et je m'unis à sa douleur dans les moments d'épreuve, comme celui au cours duquel, il y a presque un an, une catastrophe naturelle sema dans le pays la mort et la désolation, qui récemment encore ont fait sentir leur effet. En cette occasion, comme en d'autres, j'invoque l'aide du Seigneur sur les chers fils du Venezuela et j'exhorte la solidarité humaine, nationale et internationale à intervenir en faveur des victimes.
2. Dans l'exercice de la mission que votre gouvernement vous a confiée, vous aurez la responsabilité d'entretenir constamment et de poursuivre les relations diplomatiques de votre pays avec le Saint-Siège. Celui-ci, en vertu de la sollicitude du Pape pour toutes les Eglises, suit avec intérêt les événements en chaque lieu. C'est pourquoi, vous pouvez être sûr que vous trouverez ici l'appui et l'accueil nécessaire, confiant dans le fait que l'Eglise, et le Saint-Siège en particulier, n'ont d'autres intérêts au Venezuela que le bien-être des Vénézuéliens eux-mêmes, auxquels elle annonce l'Evangile en accomplissant la mission que le Christ lui a confiée.
En effet, l'action de l'Eglise et celle des pouvoirs publics ont pour objectif les mêmes destinataires, car les deux parties ont pour but le bien - matériel et spirituel - de la personne humaine à un moment déterminé de l'histoire. C'est pourquoi, dans un respect total des compétences respectives, les relations qui doivent exister entre eux sont surtout le dialogue et la collaboration. La compétence de l'Eglise réside dans les domaines concernant les valeurs qui, à leur tour, constituent l'âme d'une nation. De ce point de vue, elle signale le risque de deux menaces qui pèsent sur la communauté humaine: celle qui prétend "qu'elle peut réaliser dans l'histoire le bien absolu" (Centesimus annus, n. 45), et celle qui instaure une action politique qui ne suit pas l'orientation donnée par la vérité; en effet "une démocratie sans valeurs se transforme facilement en un totalitarisme déclaré ou sournois, comme le montre l'histoire" (Ibid., n. 46).
Certes, l'Eglise n'a pas le devoir ni la prétention d'entrer en compétition avec les projets politiques pour résoudre les problèmes de la société dans une pers-pective technique et administrative, propre à l'autorité civile. A ce propos, comme le disait déjà saint Augustin, l'Eglise se sent en pèlerinage et "guidée par la foi, et non par la vision" (De civ. Dei., 19, 14). Celle-ci peut sans aucun doute, en raison de sa vision de la personne, de son intérêt pour la solidarité et de son attention à l'égard des plus faibles, contribuer à l'instauration d'une vie sociale meilleure. De plus, les citoyens, en constatant de façon concrète que leurs raisons de vivre et leurs convictions spirituelles sont appréciées et respectées par les pouvoirs publics, seront davantage disposés à participer avec confiance et sérénité au projet d'une société commune, ce qui aura sans aucun doute des conséquences bénéfiques pour tous.
3. Comme par le passé, dans les circonstances actuelles également, un élément bénéfique pour le peuple vénézuélien sera constitué par le ferme engagement de l'Eglise et de ses pasteurs en faveur des droits fondamentaux de la personne, d'une véritable défense en faveur de la vie, de sa conception jusqu'à son terme naturel, de son intense et constante activité éducative, de la promotion de la famille comme institution naturelle et cellule de base de la société, et de ses efforts pour libérer de nombreux citoyens des chaînes de la misère, de la faim, de la corruption des moeurs et de tant d'autres formes de marginalisation sociale. Elle le fait en s'inspirant de l'Evangile qui illumine les réalités temporelles à la lumière de l'éminente vocation à laquelle l'homme a été appelé par Dieu, et fermement convaincue qu'il s'agit de la meilleure manière de servir les hommes et les peuples.
En vertu de la mission qui lui est propre, l'Eglise réclame la place nécessaire pour ses activités, en collaborant concrètement avec les autorités civiles, pour disposer de façon stable de l'espace social et des moyens nécessaires qui lui permettront de les mener à bien. Les personnes qu'elle sert, en tentant de faire de celles-ci de bons chrétiens et des citoyens honnêtes, engagés dans la bonne marche du pays, sont celles à qui l'on doit confier, dans les domaines de leur compétence, les pouvoirs publics.
Il ne faut pas qu'il existe de réticences, et encore moins de rivalités, en ce qui concerne les questions relatives au bien commun, à l'avenir digne d'un peuple, comme le sont la défense sans compromis de la dignité humaine dans son intégrité, une éducation ouverte à la dimension transcendante de la personne, qui ne peut pas ignorer l'aspect religieux, ou les droits fondamentaux, civils ou sociaux, de tout être humain. Les graves défis qui apparaissent en ce troisième millénaire demandent d'unir les efforts, dans la conviction unanime que "la défense de l'universalité et de l'indivisibilité des droits humains est essentielle pour la construction d'une société pacifique et pour le développement intégral d'individus, de peuples et de nations" (Message pour la Journée mondiale de la Paix, 1er janvier 1999, n. 3; cf. ORLF n. 50 du 15 décembre 1998).
4. Au cours de mes deux visites au Venezuela, j'ai eu la chance de rencontrer un peuple qui désire construire son avenir sur la base de son identité traditionnelle, des profondes racines chrétiennes qui ont donné lieu à de nombreuses manifestations de piété populaire et de dévotion envers la Vierge Marie. C'est précisément au cours de ma première visite que j'ai couronné l'image de Notre-Dame de Coromoto et, au cours de la seconde, que j'ai inauguré le Sanctuaire qui lui est consacré. Aujourd'hui, je l'invoque à nouveau pour qu'elle protège les chers Vénézuéliens et qu'elle les guide avec sa tendresse de Mère vers son divin Fils, l'unique sauveur du genre humain. En cette année de grâce, au cours de laquelle nous commémorons le 2000ème anniversaire de sa venue avec la célébration du grand Jubilé, je prie le Seigneur de combler de ses bénédictions tout le peuple vénézuélien afin qu'il entame le nouveau millénaire avec une espérance renouvelée et le désir de construire un monde meilleur.
Monsieur l'Ambassadeur, je souhaite que la mission que vous commencez à présent soit couronnée de succès et que votre séjour à Rome, en compagnie de votre famille, se déroule heureusement.
*L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n. 47 p.6
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