DISCOURS DU PAPE PAUL VI
AUX MEMBRES DU BUREAU DE PRESSE
DU CONCILE ŒCUMÉNIQUE VATICAN II
Vendredi 26 novembre 1965
Chers Messieurs,
C’est pour Nous un grand plaisir – Nous vous le disons bien sincèrement – de Nous trouver aujourd’hui au milieu de vous, au lieu même de votre travail. Si les réalisations ne sont jamais aussi parfaites qu’on le souhaiterait, vous aurez du moins, en utilisant ces moyens qui étaient mis à votre disposition, senti que l’Eglise s’intéressait à votre travail, et faisait de son mieux pour vous aider à répondre à vos obligations professionnelles. Comment d’ailleurs ne pas être impressionné, quand on songe à la somme énorme d’efforts que vous avez fournie, au labeur qui a été le vôtre, et souvent dans des circonstances qui vous obligeaient à faire très vite, en raison des lois qui sont aujourd’hui celles de l’information. Et comment ne pas être frappé aussi par l’importance considérable du rôle qui a été le vôtre depuis le début de ce second Concile Œcuménique du Vatican. Si l’Eglise a senti, comme jamais au cours de son histoire bimillénaire, tant de millions d’hommes intéressés à la réunion des évêques du monde entier, c’est sans nul doute, chers Messieurs, à vous qu’on le doit très largement. Soyez-en vivement félicités et remerciés de tout cœur!
Nous aimons d’ailleurs à penser que ce bénéfice n’a pas été unilatéral, et que vous avez vous aussi largement profité des possibilités qui vous étaient offertes de voir vivre de très près l’organe suprême de l’Eglise. Votre intérêt pour le Concile lui-même et pour tous les événements, petits et grands, qui en ont marqué le déroulement, montre que vous avez été attentifs aux problèmes soulevés, et que vous en avez compris la portée pour l’homme d’aujourd’hui, pour l’immense masse de ceux qui sont vos lecteurs et vos auditeurs. En découvrant progressivement les dimensions du fait conciliaire, vous avez du même coup pris une meilleure conscience de ce que les questions abordées par le Concile représentaient de grave et de profond pour la pensée religieuse et pour l’homme tout entier. Vous avez saisi quelque chose des relations entre la doctrine de l’Eglise et la vie de l’homme: l’histoire, la civilisation, et les destins de l’homme. Vous avez perçu la vitalité de l’Eglise et son effort de fidélité, tant à ses propres sources qu’à ses propres fins, tant à ses propres traditions qu’aux nouveaux besoins de la société, tant civile qu’ecclésiastique. Vous avez découvert ce qu’était le sens profond de cet aggiornamento dont le Pape Jean XXIII, Notre vénéré prédécesseur, avait senti la nécessité, et que vous avez tant contribué à populariser dans le grand public.
Et, en faisant cet effort de découverte progressive, vous aurez sans nul doute expérimenté combien il est difficile d’arriver à comprendre vraiment le Concile. Car s’il est relativement simple de faire la description des phénomènes extérieurs qui le caractérisent, combien plus difficile est-il de conduire les esprits jusqu’à sa dialectique intérieure doctrinale et spirituelle! C’est sans nul doute à cette réelle difficulté qu’il faut attribuer tant de présentations purement extérieures et d’hypothèses bien peu fondées et porteuses d’interprétations marginales laissant échapper l’essence même des faits. C’est ainsi par exemple qu’on a trop souvent appliqué sans discernement aux faits du Concile, pour en dramatiser la description par des termes courants, les concepts et les catégories en usage dans la société civile.
Qui d’entre vous ne voit surgir de cette difficulté même une invitation pressante? Pour renseigner, il faut être informé; pour enseigner, il faut savoir; pour remplir pleinement votre si noble tâche d’informateurs, il faut avoir compris. Ainsi donc, pour parler de l’Eglise, il faut la connaître, et pour la connaître, il faut l’étudier; pour conduire le lecteur à saisir la vérité en ce qui la concerne, il faut d’abord en avoir fait soi-même la découverte. Et ce n’est pas facile: car la vie profonde de l’Eglise est tout intérieure et spirituelle: c’est donc à ce niveau seulement qu’on peut la percevoir, l’apprécier à sa juste valeur, et ,jouir, s’il se peut, de ses expériences magnifiques et mystérieuses.
La fonction de l’information, de la presse, de la radio-télévision, en un mot de toutes les techniques audio-visuelles, est vraiment considérable, et son importance – qui ne le voit à l’évidence? – ne fait qu’augmenter. C’est dire, chers Messieurs, la gravité de vos devoirs. Il dépend de plus en plus de vous, pour une part sans cesse croissante de l’humanité, que les hommes et les femmes de ce temps accèdent à la vérité. C’est dire que, guidés par le souci de bien faire, et respectueux des valeurs morales et spirituelles, vous pouvez accomplir une mission que Nous n’hésitons pas à qualifier de providentielle.
Vous devinez bien que, pour Notre part, ainsi convaincu de la valeur de votre mission, Nous avons bien la ferme volonté de faire tout ce qui est en Notre pouvoir pour vous aider à la remplir toujours mieux, en tenant compte des nécessités souvent impératives de vos obligations professionnelles. Comme Nous vous le disions au début de cet entretien familier, Nous avons voulu, pendant toute la durée du, Concile, satisfaire le plus possible votre légitime requête de recevoir, de bonne source, nouvelles et informations. C’est dans ce but qu’a été créé le bureau de presse du Concile, et Nous sommes heureux de cette occasion de rendre publiquement hommage à ses responsables pour leur labeur quotidien, souvent obscur et austère, à votre service et au service de la vérité.
Et maintenant, Nous direz-vous? Maintenant que le Concile touche à son terme? Certes, la vie de l’Eglise continue, dans son centre visible comme à, travers les nations, dans le monde entier. Nous savons qu’un gros effort est fait par nombre de conférences épiscopales pour aider tous les informateurs religieux à remplir leur tâche, leur communiquer des informations, leur fournir aussi les indications et les explications souvent nécessaires pour rendre compte de la vie d’un organisme aussi complexe. De cela, Nous sommes très heureux, et Nous en félicitons de grand cœur les promoteurs et les réalisateurs.
Vous Nous direz aussi: et le Saint-Siège? Eh bien, le Saint- Siège, sachez-le, est tout disposé à continuer, dans la mesure de ses possibilités, le même service, de telle manière que les nouvelles vous soient transmises avec la rapidité et l’ampleur requises par les nécessités d’aujourd’hui et l’importance des informations.
Mais Nous ajouterons aussi quelque chose qui sans doute ne vous surprendra guère, vous qui êtes devenus depuis des années des habitués, des familiers, pourrait-on dire, des milieux du Vatican. Ce n’est pas à vous qu’il est besoin d’expliquer que le Saint-Siège est un organisme tout à fait spécial, de par son origine, de par sa nature, et de par ses fins. C’est dire que ce monde particulier a naturellement aussi ses méthodes particulières, et spécialement en ce qui concerne la manière de diffuser ses informations: le Vatican tient à le faire, à temps certes, mais bien entendu sans jamais céder à cette fièvre et à cette passion qui sont parfois celles des reporters dans l’exercice de leur profession. Ce n’est pas ici, est-il besoin de le répéter, le sensationnel et le spectaculaire que vous pouvez attendre, mais tout au contraire l’objectivité et la sérénité. Et vous le savez bien, si parfois le Saint-Siège semble réservé dans les nouvelles à donner, ce n’est pas pour se soustraire. à ce qui est devenu une obligation dans le monde moderne. De fait, c’est dans ce but même que travaille un organisme que vous connaissez, le service de presse de L’Osservatore Romano, qui malgré les faibles moyens dont il dispose a déjà rendu à beaucoup d’entre vous de grands services, et qui, sans nul doute, continuera à le faire encore dans l’avenir. La réserve du Saint-Siège a une autre cause: c’est la crainte, malheureusement fondée, d’une mauvaise interprétation. Car, trop souvent encore – nul ne peut le nier – les nouvelles du Vatican sont diffusées d’une manière où le respect dû aux personnes et le souci de la vérité sont loin d’être primordiaux.
C’est vous dire, chers Messieurs, que, dans cette situation, il dépend aussi de vous qu’une amélioration soit apportée. Nous sommes pour Notre part désireux de vous aider, tant qu’il s’agit du service de la vérité, mais de ce seul service, et non pas d’autres intérêts auxquels la vérité serait étrangère. Plus les journalistes seront droits et probes dans l’accomplissement de leur tâche, plus ils trouveront auprès des organes compétents du Vatican l’attention qu’ils attendent légitimement et l’information objective dont ils ont besoin.
C’est donc un échange fraternel, prudent et sincère, qui doit s’instaurer toujours plus et une aide mutuelle qui doit se développer toujours mieux. Ainsi, sans nul doute, chacun y trouvera son profit, les uns et les autres seront réciproquement satisfaits, la vérité surtout sera mieux servie, et les hommes la pourront mieux connaître, cette vérité qui, pour les chrétiens, a le nom de l’amour et le visage du Christ Rédempteur dont Nous sommes l’humble Vicaire.
Chers Messieurs, Nous aimerions poursuivre cette conversation. Nous voulons du moins, à son terme redire à chacune et chacun d’entre vous Nos remerciements pour le bon travail qu’il a fait, le souhait qu’il emporte de Rome, avec d’heureux souvenirs, la joie d’une découverte plus profonde de l’Eglise et du Saint-Siège, et le vœu que les uns et les autres nous nous retrouvions. En ces lendemains du Concile, votre travail – comme le Nôtre – continue, et le Nôtre contribuera sans aucun doute à alimenter le vôtre! Dieu veuille bénir vos personnes, tous ceux qui vous sont chers, et tout ce que vous faites au service de la Vérité.
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