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BÉATIFICATION DU MOINE  MARONITE CHARBEL MAKHLOUF

DISCOURS DU PAPE PAUL VI

Dimanche 3 décembre 1965

              

Grande est aujourd’hui l’allégresse dans le Ciel et sur la terre pour la béatification de Charbel Makhlouf, moine et ermite de l’ordre libanais Maronite! Grande est la joie de l’Orient et de l’Occident pour ce fils du Liban, fleur admirable de sainteté, épanouie sur la tige des antiques traditions monastiques orientales et vénérée aujourd’hui par l’Eglise de Rome!

Comment cette joie n’exulterait-elle pas d’abord dans les cœurs des fils de Saint Maroun? C’est ce qu’affirmait avec tant de force Notre vénérable Frère le Cardinal Patriarche Paul Pierre Méouchi, en des paroles profondes dont Nous le remercions vivement. Pour l’Ordre Maronite et pour les catholiques libanais, ce jour est vraiment un grand jour. C’est pourquoi il Nous est agréable de saluer aussi les membres de la Délégation que le Gouvernement libanais a bien voulu envoyer en cette occasion, ainsi que ceux des autres délégations. Nous sommes très sensible à ce geste délicat, et la présence de ces personnalités évoque invinciblement à Notre esprit l’accueil chaleureux que le Liban tout entier, sans distinction de race ni de religion, nous réserva naguère lors de notre escale à Beyrouth, sur le chemin de Bombay. Que tous en soient remerciés de grand cœur.

Le rassemblement de tant de fils et de filles du noble Liban – carrefour privilégié et lieu de rencontre traditionnel entre l’Afrique, l’Asie et l’Europe –, auprès de la tombe glorieuse de Pierre, souligne l’importance de l’acte accompli aujourd’hui par l’Eglise. Voici qu’au terme du deuxième Concile œcuménique du Vatican, un ermite de la montagne libanaise est inscrit au nombre des bienheureux, premier confesseur de l’Orient porté sur les autels, selon la procédure actuelle de l’Eglise catholique. Quel symbole de l’union entre l’Orient et l’Occident! Quel signe de fraternité ecclésiale entre les chrétiens du monde entier! Quel honneur aussi, rendu avec joie par l’Église de Rome à l’Église maronite et, à travers celle-ci, aux Églises orientales! Un nouveau membre éminent de la sainteté monastique vient enrichir par son exemple et son intercession le peuple chrétien tout entier.

Exemple et intercession plus que jamais nécessaires. Le bienheureux Charbel, enfant d’une nombreuse famille et orphelin de bonne heure, après avoir passé près des siens les premières années de sa vie dans son village natal, a senti l’appel impérieux du Seigneur. Il quitte alors de nuit sa famille et entre au monastère de Maifuk, puis à celui d’Annaya.

Après avoir progressé dans la vertu pendant une vingtaine d’années de vie monastique, il s’adonne alors, sur les ordres de ses supérieurs, à la vie érémitique. Pendant ce temps de vie religieuse, il a donné l’exemple d’une vie toute centrée sur la célébration de la messe, sur la prière silencieuse devant le Saint Sacrement, sur la pratique héroïque des vertus d’obéissance, de pauvreté et de chasteté.

Nous sommes heureux, après la béatification récente de Jacques Berthieu, missionnaire jésuite et martyr, de présider aujourd’hui à celle d’un moine tout livré à la contemplation. A l’issue du Concile, où tant de fidèles se préoccupent à juste titre de ce que l’Église devra faire pour hâter la venue du Royaume de Jésus, comme il est opportun que le bienheureux moine d’Annaya vienne nous rappeler le rôle indispensable de la prière, des vertus cachées, de la mortification. Aux œuvres apostoliques, l’Eglise doit joindre des foyers de vie contemplative, d’où la louange et l’intercession montent vers Dieu en parfum d’agréable odeur.

Tels sont bien finalement les enseignements qui se dégagent pour chacun de cette cérémonie. Que le bienheureux Charbel nous entraîne à sa suite sur les chemins d’une sainteté où ait sa place la vie silencieuse en présence de Dieu. Qu’il nous fasse comprendre, dans un monde trop souvent fasciné par la richesse et le confort, la valeur irremplaçable de la pauvreté, de la pénitence, de l’ascèse, pour libérer l’âme dans sa montée vers Dieu. Certes, la pratique de ces vertus est diverse selon l’état de vie et les responsabilités de chacun, mais nul chrétien ne peut s’en dispenser s’il veut marcher à la suite de Notre Seigneur. Ce sont ces hautes leçons que nous donne si opportunément Charbel Makhlouf. Pour qu’elles soient comprises et mises en pratique, Nous appelons sur tous, par l’intercession de ce nouveau bienheureux déjà si vénéré, une large effusion de grâces et Nous vous bénissons paternellement.

     



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