DISCOURS DU PAPE PAUL VI
AUX MEMBRES DU XXIII CONGRÈS DE
LA FÉDÉRATION ABOLITIONNISTE INTERNATIONALE
Lundi 9 mai 1966
Nous sommes heureux d’accueillir les membres du Vingt-troisième Congrès de la Fédération Abolitionniste Internationale et de leur souhaiter la bienvenue dans Notre demeure.
Vous êtes, chers Congressistes, dans une maison amie, où l’on est au courant des nobles buts poursuivis par votre Fédération, et d’accord avec vous pour en hâter la réalisation.
Aussi est-ce de tout cœur que Nous tenons d’abord à féliciter les organisateurs de ce Congrès, notamment le Comité italien de Défense morale et sociale de la femme, et sa très digne Présidente, Madame Pia Colini Lombardi. Et Nous vous félicitons tous d’étudier courageusement, comme vous le faites, les différents aspects - moral, sociologique, politique, familial, médical - d’un fléau social dont on ne dénoncera jamais assez la malfaisance.
Il s’agit, en effet, d’une des tares les plus désolantes de notre société moderne. On aurait pu croire que la conscience accrue des droits de la personne humaine, qui est l’honneur et la fierté des hommes de notre temps, aurait entraîné sa disparition progressive.
Et, de fait, les résultats obtenus dans plusieurs nations - grâce, en grande partie, à des mouvements comme le vôtre - semblent à première vue encourageants.
Mais, mieux que d’autres, vous savez combien le mal dont il s’agit est difficile à déraciner, combien il est habile à renaître sous des formes plus ou moins clandestines, au mépris des dispositions législatives les plus précises, qui demeurent, trop souvent encore, hélas! lettre morte, par une coupable inaction des pouvoirs publics. La lutte dans laquelle vous êtes engagés doit donc non seulement ne pas ralentir son effort, mais le poursuivre au contraire et l’intensifier de toutes manières: effort d’information et d’éducation, pour que chacun comprenne sa part de responsabilité dans cette douloureuse situation, et les conséquences qui en découlent dans l’accomplissement de ses devoirs de citoyen libre et responsable. Au reste ces efforts trouvent tout naturellement une profonde résonance chez nos contemporains, car ils s’inscrivent dans la ligne des conquêtes que notre époque - Nous le disions à l’instant - revendique avec une juste fierté.
Quand a-t-on été, plus. qu’aujourd’hui, sensible aux droits et à la dignité de la personne humaine? Quand a-t-on davantage protesté contre l’oppression, pris la défense des faibles, revendiqué l’autonomie de la personne, condamné «l’exploitation de l’homme par l’homme»? Mais dans quel domaine cette exploitation est-elle plus évidente et plus révoltante que dans cet indigne commerce, que l’on peut à bon droit considérer comme la forme la plus dégradante de l’esclavage moderne, la honte de la société?
Si donc l’appui de fractions toujours plus larges de l’opinion publique était assure à des efforts comme les vôtres, on pourrait espérer qu’une pression salutaire s’exercerait de plus en plus sur les Autorités qualifiées pour agir dans ce domaine délicat, et que se développerait chez elles un sens toujours plus aigu de leurs très graves responsabilités.
Il est un point de votre programme sur lequel d’importants résultats ont été acquis, résultats que Nous voudrions voir s’étendre toujours plus largement: c’est le difficile problème du reclassement, de la «réinsertion» dans la vie normale des victimes arrachées à la déchéance et désireuses de reconquérir une place honorable dans la société.
Combien Nous voudrions voir se multiplier ces bienfaisants Centres de rééducation et d’assistance - les «Case di Patronato» en Italie, les initiatives comme celle du «Nid» en France - où l’on redonne le goût de la vie ordonnée et du travail, où l’on prépare des épouses et des mères dignes de ce nom. Quelle admirable carrière pour des âmes dévouées, vraiment désireuses du bien de notre société moderne et soucieuses de son avenir!
Un autre point qui n’a pas échappé à vos investigations de ces jours derniers, et que Nous voulons mentionner aussi, car il couvre un champ immense: c’est l’aspect particulier que revêtent les problèmes qui vous occupent en ce qui concerne les pays en voie de développement. Vous savez assez, hélas! par la vaste expérience dont dispose votre Fédération, combien la misère ou un état d’infériorité sociale caractérisée peut influer sur le développement du fléau contre lequel vous unissez si louablement vos efforts.
Qu’il s’agisse de pays évolués ou de pays en voie de développement, l’Eglise, Nous vous en donnons l’assurance - et une brève mais précise confirmation vous en est donnée dans un des principaux textes du récent Concile (Constitution. Gaudium et Spes, ch. II, § 25) - l’Eglise est avec vous dans ce bon combat. Nous ne pensons pas qu’il soit utile de vous exposer ici toute l’estime qu’elle professe pour la femme, ni de vous rappeler en détails tout ce qu’elle a entrepris et réalisé au cours des siècles pour que fût restituée à la compagne de l’homme, comme lui créée et rachetée par Dieu, sa dignité première. Vous le savez assez pour être assurés de trouver auprès d’elle toute la compréhension et l’appui que vous êtes venus Nous demander par votre filiale et déférente démarche de ce jour.
Il ne Nous reste, en terminant, qu’à vous redire combien vos préoccupations sont les Nôtres, de quel cœur Nous souhaitons le succès de vos efforts et invoquons sur tous et chacun d’entre vous, chers Congressistes, sur vos travaux, vos familles et vos patries, les plus abondantes bénédictions du Ciel.
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