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DISCOURS DU PAPE PAUL VI
AUX MEMBRES DU SECRÉTARIAT POUR
LA PROMOTION DE L’UNITÉ DES CHRÉTIENS

Mercredi 13 novembre 1968

 

Notre première pensée en vous recevant ici, Vénérables Frères et chers Fils, au terme de votre Session de travail, sera pour le Président de votre Secrétariat, le cher et vénéré Cardinal Bea, que retient loin d’ici une légère indisposition. S’il ne peut être physiquement parmi nous aujourd’hui, Nous aimons à le considérer comme spirituellement présent, et Nous lui envoyons, en votre nom comme au Notre, Nos saluts et Nos souhaits les plus cordiaux in Domino.

Nous remercions et félicitons vivement Monseigneur Willebrands et ses collaborateurs, les Membres du Secrétariat, pour leur travail assidu. Et Nous n’avons garde d’oublier les consulteurs: vous spécialement, chers Fils, qui êtes venus de loin pour assister à cette «congregatio plenaria», et avez consacré votre temps et votre travail à en assurer la bonne réussite.

Et puisque l’occasion Nous en est donnée, Nous voudrions étendre Nos remerciements à tous ceux qui s’emploient à favoriser l’œcuménisme et offrent pour cette grande cause leurs prières et leur collaboration. Dès maintenant, Nous disons Notre reconnaissance à ceux qui contribueront au succès de la «Semaine de l’Unité» en janvier prochain.

I. Nous tenons à réaffirmer devant vous en premier lieu, chers Fils, combien Nous tient à cœur la tâche œcuménique dans l’Eglise et à quel point Nous la considérons comme Nôtre. L’existence de votre Secrétariat en est, à elle seule, la preuve. Né comme organisme du Concile, il est devenu l’an dernier, en vertu de la Constitution Regimini Ecclesiae sur la Réforme de la Curie Romaine, l’organisme spécialisé dans tout ce qui concerne les .relations avec les autres communions chrétiennes. Il a réalisé, en ces premières années de son existence, une œuvre considérable, dont les résultats sont sous les yeux de tous, et à laquelle il n’est que juste de rendre hommage.

Un point particulier de cette œuvre a retenu, parmi d’autres, votre attention au cours de ces journées d’étude: c’est la question du «Directoire œcuménique» et de l’éventuelle opportunité de compléter, par une ou deux autres, la partie déjà publiée. Parlant à des spécialistes comme vous l’êtes, Nous n’avons pas besoin de vous dire que pour promouvoir efficacement l’œcuménisme, il faut aussi le guider, en soumettre la mise en œuvre à des règles bien précises. Dans Notre pensée, le «Directoire œcuménique» n’est pas un recueil de conseils, qu’il serait loisible d’accueillir ou d’ignorer. C’est une véritable Instruction, un exposé de la discipline à laquelle doivent se soumettre ceux qui veulent vraiment servir l’œcuménisme. On ne peut que souhaiter une plus large diffusion de ce document, et Nous aimons à penser que Nos Vénérables Frères les Evêques, en particulier ceux des régions où se pose de façon plus aiguë le problème œcuménique, auront à cœur d’étudier les moyens de le faire connaître et observer toujours davantage.

II. A l’encontre des normes édictées dans la partie déjà publiée de ce Directoire, ont été malheureusement prises, au cours de ces derniers mois, en différentes parties du monde, des initiatives intempestives. Nous voulons parler de certains cas d’admission de chrétiens non catholiques à la communion eucharistique dans l’Eglise catholique; ou inversement de participation de catholiques à l’eucharistie célébrée par des non catholiques; ou encore d’«intercélébrations» entre ministres des diverses communions chrétiennes.

Nous le disons avec tristesse, mais la loyauté Nous en fait un devoir: loin de faire progresser l’œcuménisme, ces initiatives précipitées en retardent la marche. Elles ne tiennent pas compte, en effet, des liens essentiels qui existent entre le mystère de l’Eucharistie et le mystère de l’Eglise, et préjugent d’un accord, qui n’est pas encore entièrement réalisé à l’heure actuelle, sur la nature du ministère et sur l’eucharistie. Blâmés d’ailleurs, en plusieurs cas et à bon droit, par la Hiérarchie locale, ces actes inconsidérés ont fait récemment l’objet d’une mise au point officielle de votre Président, qui a rappelé avec autorité et sans équivoque la position de l’Eglise Catholique en cette matière.

Il semble que nous nous trouvions là devant un désir de secouer les lenteurs de ce que certains ont appelé «l’œcuménisme institutionnel»; devant une impatience qui pousse à inscrire, sans plus attendre, l’œcuménisme dans les faits, par des gestes qui se croient ou se veulent «prophétiques»; devant une hâte excessive dans le rapprochement, qui n’attend pas la nécessaire maturation doctrinale pour passer à l’action, comme si elle voulait forcer la main, en quelque sorte, aux responsables des différentes confessions en cause.

Cette impatience comporte parfois, il faut le reconnaître, un aspect positif: nul ne niera qu’elle puisse être le signe d’un amour pour le Christ et d’un désir ardent de hâter la réalisation de son ultime prière: «Qu’ils soient un!» (Io. 17, 22). Mais dès là que l’institution voulue par le Christ pour le service du peuple chrétien est mise en cause, on ne peut que faire sien le sentiment exprimé jadis par Saint Paul au sujet de ses frères en Israël: «Je leur rends cette justice: ils ont du zèle pour Dieu; mais c’est un zèle mal éclairé» (Rom. 10, 2).

III. Nous ne Nous lasserons pas de le répéter: le chemin de l’œcuménisme est long et difficile. Et la cause en est qu’il ne peut éviter la voie de la vérité théologique et des exigences propres à l’aspect visible et communautaire du rassemblement des croyants.

Nous devons, en esprit de fidélité à la Parole du Seigneur - et aussi en esprit de pénitence - accepter cette lenteur dans le temps et cette honnêteté dans la méthode, sous peine de tomber dans une facile confusion d’idées approximatives et dans l’illusion trompeuse de résultats immédiats. L’heure de l’unité viendra, Nous l’espérons, comme couronnement des efforts inlassables déployés de part et d’autre; mais c’est Dieu qui la marquera, et non la hâte mal entendue d’un irénisme de mauvais aloi. Et en attendant, Nous poursuivrons notre marche dans la ligne déjà tracée et qui vous est bien connue: celle des discussions au niveau des responsables; celle des rencontres dans la prière, dans l’étude de la Sainte Ecriture et de l’authentique Tradition; celle de la charité; et Nous entendons désigner ainsi non seulement la charité exercée dans le lien de bonnes et fraternelles amitiés entre membres des diverses confessions chrétiennes, mais encore et surtout celle qui se pratique dans la collaboration aux grandes tâches imposées par l’état présent de l’humanité: la paix, le désarmement, le progrès social, la promotion des pays en voie de développement et des populations pauvres, celles qui implorent de l’assistance, de l’instruction et du pain.

Que Dieu nous aide à le servir dans ces nouvelles formes ouvertes à l’œcuménisme! II est bien évident toutefois qu’il ne s’agit aucunement de réduire l’œcuménisme à ces tâches temporelles. La recherche de l’unité chrétienne doit s’étendre à ce domaine du service des hommes: elle ne saurait s’y limiter. Vous en êtes conscients - et avec vous bien des hommes responsables dans toutes les confessions chrétiennes -: l’unité voulue par le Seigneur n’est pas seulement la collaboration de tous, c’est une unité ecclésiale, visible et organique, celle qui doit manifester aux yeux de tous, dans sa lumière historique et eschatologique, le visage de l’Eglise épouse du Christ: une, sainte, catholique et apostolique.

Nous ne pouvons terminer sans adresser une pensée cordiale et déférente à tous nos frères chrétiens encore séparés de Nous, mais qui Nous sont unis pourtant déjà par tant de liens spirituels: celui du baptême, surtout, et celui de la foi au Dieu Un et vivant dans la Trinité Sainte, et de la foi en Jésus-Christ notre Maître et Rédempteur. Que Notre salut dise à ces Frères combien de joie, combien d’espérance et d’affection mettent dans Notre âme l’amitié et le dialogue désormais établis entre nous, et qui annoncent des rapports nouveaux et prometteurs, de la part de beaucoup d’entre eux, avec l’Eglise Catholique et avec Nous personnellement. Qu’il Nous soit permis d’adresser une pensée toute spéciale et pleine de déférence au Patriarche Athénagoras, à l’Archevêque Anglican, le Docteur Ramsey, au Docteur Carson Blake, aux Frères de Taizé et à tous ceux qui sont en relations avec Notre Secrétariat. Qu’ils sachent tous que Nous cherchons à les rencontrer dans le Christ, par Notre prière et Notre charité.

Et à vous tous, enfin, Vénérables Frères et chers Fils, l’expression renouvelée de Nos remerciements pour votre travail, et de Nos souhaits pour le progrès de la grande cause à laquelle vous travaillez avec tant de zèle. Nous invoquons sur vous la divine assistance et vous accordons de tout cœur, ainsi qu’à vos familles et à vos patries, la Bénédiction Apostolique.

                                    



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