DISCOURS DU PAPE PAUL VI
AUX MEMBRES DE L’UNION CATHOLIQUE INTERNATIONAL
DE LA PRESSE
Samedi 23 novembre 1968
Monsieur le Président, Messieurs,
C’est la première fois, depuis votre Congrès de Berlin de juillet dernier, que vous vous réunissez à nouveau pour vous entretenir fraternellement de vos préoccupations professionnelles et réfléchir sur les graves devoirs de la presse catholique en ce moment si délicat de l’évolution du monde et de l’Eglise. Et vous avez voulu que cette rencontre ait lieu à Rome et vous procure l’occasion de venir Nous rendre hommage.
Nous vous dirons que Nous aussi Nous désirions vous voir. Et d’abord pour faire ou refaire connaissance avec ceux que votre Congrès de Berlin a portés aux charges directives de votre Union. Nous saluons en particulier votre nouveau Président, Monsieur Gelamur, qui dirige à Paris l’ensemble si important de la Croix et de la Bonne Presse, objet de Notre constant intérêt, et votre nouveau Secrétaire, Monseigneur Iribarren, qui recueille l’héritage du cher et regretté Père Gabel.
Nous voulions vous dire, ensuite et surtout, combien Nous suivons de près votre difficile travail et combien Nous sommes conscient des immenses services que vous êtes appelés à rendre à l’Eglise à l’heure présente.
Nul ne peut le nier en effet: le moment présent est difficile; il est à la fois porteur des plus belles espérances et des plus grands risques pour l’évolution de l’Eglise et pour le pacifique et fructueux accomplissement de sa mission parmi les hommes. Aussi chaque fois que l’occasion Nous en est donnée, Nous efforçons-Nous d’analyser les courants multiples qui caractérisent l’époque actuelle et de discerner le plus exactement possible les éléments positifs et les éléments négatifs qu’ils comportent. Nous vous remercions, Messieurs, de faire écho à cette parole car vous accomplissez ainsi un service d’Eglise, en rendant plus aisée l’unité de pensée entre son Chef visible et ses membres, et la communication confiante à l’intérieur de la communion ecclésiale.
Tout le monde sait et constate chaque jour combien, en ce domaine, l’Eglise est tributaire de la grande presse d’information. La presse dite «neutre» n’apporte souvent au domaine religieux qu’une attention et un intérêt limités et souvent conditionnés par des exigences psychologiques ou commerciales dans lesquelles Nous n’avons pas à entrer ici. Si Nous devions dire un mot, ce serait même plutôt pour Nous réjouir en voyant que, depuis le Concile surtout, le fait religieux constitue vraiment, même pour la presse dite «neutre» ou de grande information, un centre d’intérêt plus vivant et plus apprécié que par le passé.
Mais l’Eglise attend bien autre chose encore de ceux de ses fils qui ont choisi de mettre leurs talents au service de la presse catholique. Elle attend d’eux une véritable collaboration positive à cette circulation vitale, dont Nous parlions à l’instant, entre la tête et les membres de l’organisme visible de l’Eglise. Une circulation vitale qui ne soit pas à sens unique, mais qui comporte à la fois la notification des directives venues de la Hiérarchie, et l’écho de la vie du peuple de Dieu répandu à travers le monde: de ses préoccupations et de ses problèmes, certes, mais aussi de sa foi et de ses initiatives positives.
C’est dire que dans la masse des informations il vous appartient de faire un choix, inspiré par le souci de donner l’image la plus exacte possible de la vie de l’Eglise. Cela entraîne une grande exigence de vérité; et cela suppose qu’on sait résister, s’il le faut, à la tentation d’aller dans le sens d’un courant d’opinion, même dominant.
Vous avez été témoins en ces derniers temps, dans vos différents Pays, de phénomènes qui manifestaient dans l’Eglise, à divers degrés, un désaccord entre les esprits, même sur des points assez graves de doctrine ou de discipline.
A juste titre vous considérez comme un devoir professionnel d’en rendre compte. Mais est-ce servir l’Eglise que de mettre surtout en relief les tendances ou les entreprises les plus contestables, les moins conformes aux saines traditions et à une réelle fidélité aux textes du récent Concile et à la vérité même de l’Evangile? Est-ce servir l’Eglise que se faire avec insistance l’écho complaisant de la «contestation», au risque de troubler et de désorienter l’immense masse des bons fidèles?
Il est plus facile, certes, et plus attirant, peut-être, d’exalter les nouveautés, d’applaudir aux expériences les plus audacieuses, de présenter des points de vue «non conformistes» sur bien des sujets. Mais quand cela touche à des points aussi graves que la nature et l’exercice de l’autorité dans l’Eglise, que la signification du sacerdoce, que la chasteté du prêtre, l’indissolubilité du mariage: le courage et le vrai sens catholique ne seraient-ils pas plutôt alors du côté de ceux qui résistent au courant au lieu de le suivre, quitte à affronter, s’il le faut, pour l’amour de l’Eglise, une certaine impopularité?
La vérité n’est pas toujours agréable à dire, surtout quand il s’agit de jugements qui vont à contre-courant des organes d’opinion les plus puissants. Votre conscience professionnelle peut vous faire un devoir de rapporter des initiatives désordonnées qui se vérifient dans certains points de la communauté ecclésiale. Mais elle vous fait un devoir aussi de les ramener à leurs justes proportions, de ne pas les majorer, et surtout de ne pas laisser croire que vous les approuvez ou cherchez à les justifier, lorsque le Magistère, avec toute la Tradition de l’Eglise, les réprouve.
Ce qu’on est en droit d’attendre, aujourd’hui surtout, du journaliste catholique, c’est qu’il se refuse à durcir les oppositions; qu’il travaille à assurer la compréhension réciproque entre les. composantes du corps ecclésial, et qu’il aide ses lecteurs à acquérir peu à peu le sens de l’Eglise qui guidera leur jugement dans le concert de tant d’opinions discordantes.
Tout ce qui touche au domaine religieux revêt un caractère de délicatesse qui ne se rencontre pas dans les choses profanes et qui impose - c’est là ce qui constitue à la fois la difficulté et la beauté de votre mission - des responsabilités supplémentaires. Une indiscrétion, la publication d’une nouvelle non vérifiée, peuvent entraîner de très graves troubles, de véritables drames dans certaines consciences. C’est là ce que ne doit jamais perdre de vue quiconque a l’honneur d’appartenir au journalisme catholique.
Telles sont, Messieurs, les réflexions qui Nous viennent à l’esprit, à l’occasion de cette rencontre que la Providence a bien voulu Nous ménager avec vous. Nous attendons beaucoup de votre Union dans le domaine qui est le sien: celui de l’information catholique. Que Dieu bénisse vos personnes, vos familles, vos activités. Nous le lui demandons de grand cœur tandis que Nous vous accordons à tous, en témoignage de Notre particulière bienveillance, une très paternelle Bénédiction Apostolique.
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