DISCOURS DU PAPE PAUL VI
AUX MEMBRES DE LA COMMISSION PONTIFICALE
«IUSTITIA ET PAX»
Vendredi 9 décembre 1977
Monsieur le Cardinal,
Messeigneurs,
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes très heureux d’accueillir ce matin notre Commission «Justice et Paix» à l’occasion de la première Assemblée générale qu’elle tient depuis qu’elle a reçu ses statuts définitifs. Nous nous tournons d’abord avec affection vers les nouveaux membres de cette Commission: hommes et femmes de professions et de milieux divers, vous représentez ici tous les continents, avec leurs soucis et leurs aspirations. Nous saluons aussi nos Frères dans l’Episcopat qui sont parmi vous, les représentants des divers Dicastères, et enfin les responsables de la Commission, le cher Cardinal Bernardin Gantin, votre Président et ses collaborateurs.
Dans ce bref entretien, Nous ne voudrions pas vous exprimer seulement notre satisfaction de vous voir réunis autour de Nous et vous dire aussi combien Nous comptons sur vous. Nous désirons également attirer votre attention sur quelques points essentiels de votre activité, afin d’éclairer le sens de la mission que Nous vous avons confiée en vous appelant à faire partie de cette Commission.
Le premier point concerne la nature même de votre tâche, telle que le Motu Proprio «Iustitiam et Pacem» l’a définie. Nous savons que ce texte s’est trouvé au centre de vos réflexions, et que vous avez déjà médité sur l’originalité des responsabilités que vous avez reçues. Grâce à Dieu, il ne manque pas d’organismes qui se sont fixés pour but l’étude des problèmes relatifs à la justice dans les divers domaines juridiques, économiques, politiques ou sociaux, et à l’action en sa faveur. Mais la Commission que vous formez s’en distingue essentiellement. En déterminant en effet ses structures définitives, Nous avons indiqué clairement que Nous entendions établir, à l’intérieur de la Curie romaine, un organisme consacré à un service ecclésial précis et bien délimité, qui est d’étudier les problèmes de la justice et de la paix en vue de l’action; mais dans une perspective pastorale d’évangélisation. Et c’est ici, chers amis, que votre expérience concrète et diversifiée est capitale: vous devez mettre votre connaissance du monde actuel et de ses besoins au service du Saint-Siège et de l’Eglise universelle. C’est ici aussi qu’on voit combien sont justifiées les directives du Motu Proprio qui vous donnent les membres de l’épiscopat, en chaque pays, comme interlocuteurs premiers et privilégiés (Cfr. PAULI PP. VI Iustitiam et Pacem, 11, 3): d’une part, ils sont les premiers qualifiés pour vous faire entendre les aspirations qu’ils perçoivent dans le peuple qui leur est confié, et ils sont aussi, en tant que responsables de l’évangélisation, ceux qu’il convient d’informer et d’aider en priorité dans l’accomplissement de leur mission par rapport aux domaines de votre compétence.
Des perspectives immenses s’ouvrent devant vous pour cette tâche d’étude et d’animation. La Commission s’y est déjà bien engagée. Nous voulons simplement souligner avec insistance devant vous, ce sera notre second point, le passage du Motu Proprio concernant la pensée sociale de l’Eglise. Les textes du Magistère sont nombreux sur le sujet, et pas toujours assez connus, utilisés, mis en valeur. Par ailleurs, les problèmes sociaux évoluent, même à l’intérieur des sociétés industrielles; ils changent de sens et il en apparaît de nouveaux, au plan des communautés nationales comme dans les rapports entre nations. Les chrétiens ne peuvent s’arrêter à la recherche d’un ordre économique plus juste à instaurer, mais saisissant les aspirations à des relations nouvelles entre les personnes et entre les peuples, ils doivent montrer que de telles relations ne peuvent se fonder que sur une nouvelle hiérarchie des valeurs et, en définitive, sur la primauté du spirituel. II vous revient d’agir comme le maître de maison de la parabole évangélique, qui tire de son trésor des valeurs anciennes et des valeurs nouvelles. Les principes de la doctrine sociale de l’Eglise sont toujours valables, mais ils doivent, pour être compris et être efficaces, trouver de nouvelles explicitations en fonction des données de notre temps et de ses besoins.
Rien d’autres secteurs connexes de réflexion et d’activité s’offrent j vous, que Nous ne pouvons évoquer, sur les questions des droits de l’homme et des obligations qui en découlent, de la violence qui sape les bases de la convivence humaine, de la liberté religieuse qui n’est pas suffisamment garantie partout . . .
C’est donc une tâche importante qui vous attend. Il n’échappera ?I personne d’entre vous qu’un tel service d’Eglise requiert des orientations bien particulières. Nous n’hésitons pas à vous dire qu’elles sont d’abord spirituelles. Il vous faudra, certes, accroître encore votre compétence dans vos domaines propres et perfectionner votre connaissance des problèmes actuels, mais il faudra aussi approfondir votre connaissance de la doctrine de l’Eglise et des exigences évangéliques, et il faudra avant tout développer votre seins de la prière et celui du sentire cum Ecclesia afin de vous forger la mentalité vraiment catholique et pastorale nécessaire à votre tâche. Elle vous permettra cette largeur de vue que Nom vous souhaitons, afin qu’en tout domaine vos efforts ne soient point isolés, accomplis en quelque sorte abstraitement, mais qu’ils trouvent place - comme vous-même dans notre Curie, si diverse et si unifiée en même temps - dans le souci unique de l’Eglise qui est d’assurer à tout homme sa dignité en ce monde et de lui ouvrir le Royaume de Dieu.
Nous savons avec quelle disponibilité et quelle générosité vous avez déjà répondu à notre appel. Nous vous en disons notre gratitude. Et surtout Nous demandons au Seigneur, Auteur de tout bien, de faire fructifier vos efforts et de vous accorder l’amour de l’Eglise et de la fidélité indispensables à ceux qui veulent se mettre à son service. En son nom, de grand cœur, Nous vous donnons la Bénédiction Apostolique.
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