DISCOURS DE SA SAINTETÉ LE PAPE PIE X
AUX MEMBRES DU SILLON*
Chaque fois que les auteurs des Livres inspirés viennent à parler des jeunes gens, leurs paroles sont remplies d'affection et d'enthousiasme. Sans Nous arrêter à tant d'autres passages des Saintes Ecritures que Nous pourrions indiquer dans les livres des Machabées, Nous en avons un exemple frappant dans les paroles que le disciple de l'amour adressait jadis à une société de jeunes gens : « Je vous écris, jeunes gens, parce que vous êtes forts, que la parole de Dieu demeure en vous, et que vous avez vaincu l'esprit mauvais » (I Jean II, 14). Et l'Evangile nous raconte que Jésus Christ après un entretien avec un jeune homme le regardant, l'aima (Marc X, 21).
Eh bien, chers jeunes gens, ces mêmes sentiments du Divin Rédempteur, remplissent aujourd'hui Notre cœur après avoir écouté l'adresse si pleine d'affection que vous Nous avez présentée; et puisque vous avez su concevoir des pensées aussi nobles et que vous vous montrez capables d'actions aussi généreuses, laissez Nous vous dire que Nous vous aimons, et que désormais chacun de vous pourra Nous considérer non pas seulement comme un père mais comme un ami.
Nous nous rejouissons du bien que vous faites et de celui que vous ferez encore, avec la grâce de Dieu, en étendant vos rangs et en exerçant parmi vos compagnons d'âge, d'étude, de profession, qui ne sont pas encore des vôtres un apostolat vraiment fécond.
Nous nous abstiendrons de vous recommander d'une façon spéciale de pratiquer la vertu et la piété, et de craindre le Seigneur, car Nous savons que ces avis ne vous sont pas nécessaires, persuadés, comme vous l'êtes, que la base de toute bonne œuvre est la sainte crainte de Dieu. Mais plutôt, avec les paroles mêmes de Saint Jean, le plus jeune des Apôtres, Nous vous renouvelons l'expression de Notre joie parce que « vous êtes forts », quia fortes estis. — Oui, il faut de la force et du courage pour conserver la foi quand tant d'autres la perdent, pour rester fils dévoués de l'Eglise quand beaucoup d'autres la combattent, pour garder le trésor précieux de la parole de Dieu quand tant d'autres l'ont banni de leurs âmes.
Il faut de la force et du courage pour se vaincre soimême, pour dompter ses propres passions, pour rester fidèles à la vérité et à la vertu et pour dominer l'esprit du mal qui trompe le monde par le mensonge. — Tout en Nous rejouissant donc de votre force, Nous vous exhortons, dans vos œuvres et dans vos luttes, à placer votre confiance non pas en vos propres efforts, mais en la toute puissance de Dieu.
Ne craignez pas, si vous êtes encore peu nombreux. Restez fidèles à votre bannière, et la promesse de l'Evangilè s'accomplira en vous, et vous régnerez. « Nolite timere pusillus grex quia complacuit Patri vestro dare vobis regnum ». — Ne craignez pas, petit troupeau, car il a plu à votre Père de vous donner son royaume.
Ne vous laissez pas décourager si tous ceux qui professent les mêmes principes catholiques, ne s'unissent pas toujours avec vous dans l'emploi des méthodes qui visent un but commun à tous et que. tous désirent atteindre. Les soldats d'une puissante armée n'emploient pas tous les mêmes armes ni la même tactique; tous, cependant, doivent être unis dans la même entreprise, maintenir un esprit de cordialité fraternelle et obéir promptement à l'autorité qui les dirige. Que la charité du Christ règne donc entre vous et les autres jeunes gens catholiques de la France. Ils sont vos frères; ils ne sont pas contre vous, mais avec vous. Quand vos forces se rencontrent sur le même terrain, soutenez-vous les uns les autres, et ne permettez jamais qu'une sainte rivalité dégénère en une opposition inspirée par les passions humaines ou par des vues personnelles et peu élevées. Il suffit que vous ayez tous une même foi, une même pensée, une même volonté et la victoire vous sera donnée. Recevez-en comme gage la bénédiction Apostolique.
PIUS PP. X
*AAS, vol. XXXVII (1904-05), pp. 154-157.
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