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DISCOURS DE SA SAINTETÉ LE PAPE PIE X
EN RÉPONSE À L'ADRESSE DE M. JEAN LEROLLE,
PRÉSIDENT DE L'ASSOCIATION CATHOLIQUE DE LA JEUNESSE FRANÇAISE*

 

Réconforté par les nobles sentiments exprimés dans l'adresse qui vient de Nous être lue en votre nom, Nous remercions le Seigneur qui de temps à autre Nous procure de telles consolations et apporte à Notre faiblesse le courage nécessaire dans les combats que Nous avons à soutenir.

Car votre protestation est vraiment consolante pour Nous. Elle Nous donne l'assurance qu'au milieu des difficultés dont est tourmentée l'heure présente, Nous aurons à Nos côtés, dans la lutte pour le bien, de très chers jeunes gens qui, unis d'esprit et de cœur, à l'ombre de leur bannière où se lit la belle devise « piété, étude, action », Nous conduiront à la victoire.

Vos protestations ne se traduisent pas seulement par des paroles mais par des faits; vous Nous en avez donné une preuve éloquente en venant à Rome, même au prix de sacrifices. Vous êtes venus dans la ville éternelle pour célébrer le cinquantième anniversaire de la définition du dogme de l'Immaculée Conception, et pour mettre sous la protection de la Reine des deux votre foi, la pureté de votre vie, vos généreux projets d'action pour la cause de l'Eglise et de la patrie. Vous êtes venus vénérer le tombeau des princes des Apôtres et ceux de tant d'autres martyrs, afin d'y puiser héroïsme qu'exigent de si nobles combats. Vous êtes venus offrir au Vicaire de Jésus-Christ l'hommage de votre amour filial et de votre obéissance absolue, et en recevoir des directions oportunes dans l'incertitude des choses humaines et les bouleversements incessants dans les idées et dans les faits.

Nous vous remercions donc, bien chers jeunes gens, du réconfort que vous Nous apportez par vos déclarations, et en particulier par votre promesse de garder comme un trésor les enseignements que Nous avons donnés dans notre première encyclique. Ils se résument dans le programme de cette association catholique: « piété, étude, action ».

Oh oui ! faites vous un trésor de la piété, mais que votre piété soit entière, publique et active! Il y a des choses qui ne peuvent pas être divisées et faites seulement en partie. La piété est de celles-là. Il en est d'elle comme de Dieu, à qui s'adressent les sentiments d'amour et de respect qui la constituent. Dieu ne peut être partagé ni diminué: la piété ne se conçoit pas, si elle n'est complète et entière. Ou tout, ou rien! — Que la vôtre soit aussi une piété publique! Que votre foi ait pour témoins non seulement les murs du foyer domestique ou des réunions privées, mais les églises, les places publiques, les grandes foules, les assemblées populaires! Avec cette noble franchise que vous donne l'inviolable liberté de l'Evangile, rendez hommage à Dieu en quelque lieu et devant quelque personne que ce soit. N'ayez jamais la lâcheté de craindre les railleries de ceux qui voudraient fermer les lèvres ouvertes à Sa louange, enchaîner les pieds en marche vers Ses temples, retenir les mains prêtes à déposer sur Ses autels leurs offrandes et leurs vœux.

La vraie piété doit être éclairée: vous faites donc sagement de lui joindre l'étude. Le bien ne peut se trouver là où manque la connaissance de ce qui est utile au salut des âmes, à la réforme de mœurs, à l'acquisition de la vertu. « Ubi non est scientia animae, ibi non est bonum » (Prov. 19 , 2). Votre étude, vous n'en doutez pas, doit s'appliquer surtout à la doctrine révélée de Dieu, qui renferme tant de trésors de sagesse surhumaine, des préceptes d'une si haute morale, des enseignements propres à former une vie vertueuse.

Ils n'ont jamais découvert rien de semblable le plus acclamés des savants de ce monde qui, dans la confusion d'une nouvelle tour de Babel, enseignent non la vérité mais l'erreur, non la certitude mais le doute, non la vertu mais le vice, non l'ordre mais l'anarchie, non la religion mais l'athéisme.

Et c'est, précisément à ce manque d'études religieuses, à cette ignorance de la science de Dieu, que la société doit d'être envahie par cette corruption dont gémissait déjà le prophète: «Le blasphème, le mensonge, l'homicide, le vol, l'adultère inondent le inonde, parce que la connaissance dé Dieu n'y est plus» (Osée, IV, 1, 2). Pour avoir négligé ou méprisé cette étude, des hommes cependant instruits dans les choses profanes blasphèment ce qu'ils ignorent et deviennent le fléau corrupteur de la société.

Mais vous, chers jeunes gens, vous regardez comme vous étant adressées à vous-même les exhortations du Saint-Esprit: « Applique-toi à l'étude, Ô mon fils, pour réjouir mon cœur, pour que tu puisses répondre à qui voudrait te mépriser », pour que tu sois capable de défendre les vérités de la foi devant qui oserait les combattre: « Stude sapientiae, fili mi, et laetifica cor meum ut possis exprobranti respondere sermonem » (Prov. 27 , 11).

Soutenus par votre piété et votre science, pratiquant le précepte divin: unicuique mandavit Deus de proximo suo, vous vous livrerez à un apostolat fructueux. En remplissant fidèlement vos devoirs envers Dieu, en vous enrichissant de toutes les vertus, et défendant la vérité avec courage, vous inviterez tous les hommes à suivre votre exemple, vous vous imposerez au respect et à l'admiration de vos adversaires eux mêmes. Et après avoir donné à vos frères ce pain spirituel, vous achèverez d'accomplir le précepte de la charité en offrant à tous ceux qui sont dans le besoin leur pain matériel, par les institutions économiques et les œuvres de bienfaisance. Alors vous pourrez courageusement répondre à qui vous méprise: exprobranti respondere sermonem.

Ces fruits de bénédiction Nous sont assurés par la protestation loyale que vous faites du soumettre à l'autorité episcopale la direction de tous vos actes. L'expérience vous a montré que cette direction est pour une œuvre de jeunesse la condition de sa vitalité chrétienne. Puissent-ils entendre cette vérité, tant d'aveugles qui se professent catholiques et cependant réclament une indépendance absolue envers toute autorité, et veulent une liberté qui ne serait plus celle des fils de Dieu mais des rebelles de Lucifer. Si l'obéissance est nécessaire en tout ordre de choses, ceux-là pourraientils s'en affranchir qui se consacrent à des œuvres dont la dépendance est si intime avec la charité et la religion? Fasse le Seigneur que votre exemple amène à résipiscence tous ces jeunes gens, et que Nous puissions, avec eux comme avec vous, Nous réjouir du bien accompli, de la victoire remportée et des mérites obtenus!

En attendant, Nous vous remercions de nouveau des consolations que vous Nous avez apportées, et Nous exprimons le souhait que de chacun de vous puisse se répéter l'éloge que le Saint Esprit faisait de Tobie. L' un des plus jeunes de la tribu de Nephtali, Tobie n'eut jamais dans ses actions rien de puéril. Quand tous couraient aux veaux d'or faits par Jéroboam, lui se rendait seul au temple et y adorait le Seigneur d'Israël. Amené en esclavage, il visitait ses frères de captivité pour leur porter des paroles de salut. Autant que le lui permettaient ses forces, il donnait à manger à ceux qui avaient faim, il habillait ceux qui manquaient de vêtements, il ensevelissait les morts. Bien qu'esclave, il passa sa vie dans l'allégresse du cœur, grandissant toujours dans la crainte et l'amour de Dieu jusqu'à l'âge où il mourut.

Que la Bénédiction Apostolique réalise ce souhait! Nous vous la donnons de grand cœur et en priant le Seigneur d'exaucer Notre vœu, pour vos parents, pour vos œuvres, pour tous ceux qui vous aident à les diriger de leur appui matériel, ou de leur conseils.

 

PIUS PP. X


*AAS, vol. XXXVII (1904-05), pp. 231-235.



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