LETTRE DU PAPE PIE XI
CON VIVO PIACERE
À MGR SIGNORI, ARCHEVÊQUE DE GÊNES,
À L'OCCASION DE LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE DE LA PAIX*
Vénérable Frère,
C’est avec un bien vif plaisir que Nous avons lu la lettre que vous avez si opportunément adressée à votre peuple à l’occasion de la Conférence Internationale, qui, dans votre glorieuse ville, réunit pour la première fois en discussion pacifique vainqueurs et vaincus, et vers laquelle se tournent les espérances générales des peuples.
Représentant du Dieu « de paix et d’amour » qui de particulière providence respicit super egenum et pauperem et qui, par l’effet d’un jugement impénétrable, Nous a appelé si inopinément à recueillir, avec la succession au suprême Pontificat, la mission de bienfaisance et de paix de Notre regretté prédécesseur, Nous faisons des vœux, confiant qu’ils seront exaucés, pour que les délégués des Puissances veuillent bien considérer d’un esprit non seulement serein, mais encore tout disposé à quelques sacrifices sur l’autel du bien commun, la triste situation où se débattent tous les peuples. Ce serait à la fois la première condition pour y porter remède efficace et le premier pas vers cette pacification universelle dont tous ont le plus grand désir. Si dans le fracas même des armes, suivant la belle devise de la Croix-Rouge : inter arma caritas, doit régner la charité chrétienne, cela se doit vérifier davantage encore, une fois les armes déposées et les traités de paix signés ; d’autant plus que les haines internationales, triste héritage de la guerre, tournent au désavantage des peuples vainqueurs eux-mêmes et préparent pour tous un bien redoutable avenir; car il ne faut pas oublier que la meilleure garantie de tranquillité n’est pas une forêt de baïonnettes, mais la confiance mutuelle et l’amitié. Et même en écartant, si l’on veut, de la Conférence toute discussion aussi bien sur les réparations imposées que sur les traités, précédemment conclus, cela ne semble pas devoir empêcher tout échange ultérieur d’idées qui tendrait à faciliter aux vaincus le prompt accomplissement de leurs engagements ; ce qui finalement tournerait aussi bien à l’avantage des vainqueurs eux-mêmes.
Animé de ces sentiments d’égal amour de tous les peuples, que Nous inspire la mission à Nous confiée par le divin Rédempteur, cette invitation que vous-même, Vénérable Frère, adressiez, exact interprète de Notre pensée, à votre peuple, Nous l’étendons à tous les fidèles, les exhortant à unir leurs prières aux Nôtres pour l’heureuse issue de la Conférence. Que la bénédiction du Seigneur descende sur elle et que des décisions qui y seront prises dans un esprit d’amour, comme Nous en avons la confiance, resplendisse sur la pauvre humanité cette concorde si désirée qui, unissant les peuples d’un lien de fraternité, soit de nature à les pousser de nouveau, après huit ans de douleurs et de ruines, sur le chemin lumineux du travail, du progrès et de la civilisation ; et que se vérifie ainsi l’idéal de l’Eglise qui, suivant l’heureuse expression de saint Augustin (De moribus Ecclesiae catholicae, I, 30) : cives civibus, gentes gentibus et prorsus homines, primorum parentum recordatione, non societate solum, sed quadam etiam fraternitate coniungit.
En même temps que Nous exprimons ce vœu fervent, Nous vous accordons à vous, Vénérable Frère, ainsi qu’au Clergé et au peuple du bien-aimé archidiocèse de Gênes, la Bénédiction Apostolique.
Du Vatican, le 7 avril 1922
PIUS PP. XI
*AAS 14 (1922), p.219-220.
Actes de S.S. Pie XI, Tome I, p.36-37.
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