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LETTRE DE SA SAINTETÉ PIE XII
À L'OCCASION DU 22e CONGRÈS INTERNATIONAL
DE PAX ROMANA AU CANADA*

 

Quel motif de joie et d'espérance pour Notre cœur paternel que votre Assemblée mondiale d'étudiants et d'intellectuels catholiques sur la terre canadienne qui Nous est si chère, en cette province de Québec notamment qui s'apprête à célébrer le centenaire de sa première Université. Comment n'y pas voir le gage d'un nouvel essor de la culture chrétienne en Amérique du Nord et d'un plus large rayonnement de votre double Mouvement international? Il Nous plaît d'ailleurs que plusieurs villes, situées dans les deux régions linguistiques du pays, aient été associées à vos travaux, et Nous ne saurions douter de l'accueil empressé des autorités religieuses, civiles et universitaires. Aussi voulons-Nous qu'à l'heure où s'ouvrira, sous la présidence de Notre Vénérable Frère, l'Archevêque de Montréal, le 22e Congrès de Pax Romana, vous Nous sachiez Nous-même présent de cœur au milieu de vous, appelant sur vos assises une large effusion de grâces divines.

Du congrès d'Amsterdam à celui de Montréal, le même idéal apostolique anime vos travaux; et c'est pourquoi Nous tenons d'abord à confirmer, comme toujours actuelles, les directives que Nous vous adressions naguère sur le rôle des intellectuels dans l'Eglise. Le thème du présent Congrès, « la Mission de l'Université », Nous incite d'ailleurs à les préciser aujourd'hui sur un point qui Nous est particulièrement cher, en souvenir de l'action décisive des Pontifes Romains aux origines des premières Universités et au cours de leur brillante histoire. Si les vicissitudes des temps ont parfois relâché ces liens séculaires entre l'Eglise et l'Université, le désarroi actuel d'une humanité avide de concorde et d'unité, l'angoisse de tant d'esprits de bonne volonté, tout vous invite à les resserrer de nouveau. C'est dans cette pensée qu'étudiants et intellectuels catholiques, vous vous appliquerez à étudier la mission, — traditionnelle et pourtant toujours nouvelle, — de l'Université : votre devoir est de la bien connaître pour la bien servir.

Et tout d'abord il n'est pas contestable, pour qui considère une Université comme une communauté de maîtres et d'étudiants adonnés aux labeurs de l'esprit, que sa mission est d'être un foyer rayonnant de vie intellectuelle au bénéfice de la communauté nationale, dans cette atmosphère de saine liberté propre à toute culture. Tâche permanente, à laquelle Nos fils n'ont cessé de collaborer. Toutefois, si l'Université veut faire fructifier pour les générations nouvelles le trésor séculaire reçu par elle en dépôt, elle devra être attentive aux conditions particulières de la vie contemporaine. N'est-ce pas l'heure, en effet, où, dans maintes contrées, de larges couches de population aspirent à participer à une authentique culture? où les difficultés économiques et sociales de la vie étudiante et de la profession posent de graves problèmes aux responsables de la cité? l'heure enfin où les moyens modernes d'information accroissent sans cesse leur influence, au détriment parfois d'une véritable éducation de la pensée personnelle?

Si Nous élargissons les perspectives, voici qu'une tâche analogue s'offre à la grande famille des Universités, héritière du patrimoine culturel de l'humanité. Pour s'affranchir des funestes particularismes, il faut multiplier les contacts entre maîtres et étudiants des différents pays, développer, par l'étude des langues et par d'utiles collaborations, l'estime des richesses propres à chacun: c'est ainsi que les peuples loin de se faire concurrence et de s'opposer les uns aux autres, prendront goût à se compléter mutuellement. Nous ne pouvons ici que féliciter les Mouvements de Pax Romana de leurs patients efforts en ce sens et Nous apprécions également qu'une action méthodique se développe mir le plan international, au service de la science et de la culture.

Mais cette mission de l'Université, qui rapproche les hommes et les peuples dans une pacifique collaboration des intelligences, serait décevante si elle ne s'achevait en une progressive coordination des connaissances entre elles. La communion des esprits pourrait-elle se faire utilement hors de l'unité de la vérité?

« Université, observions-Nous naguère, ne dit pas seulement juxtaposition de facultés étrangères les unes aux autres, mais synthèse de tous les objets du savoir... Et les progrès modernes, les spécialisations toujours plus poussées, rendent cette synthèse plus nécessaire que jamais » (Discours à l'Institut Catholique de Paris, 21 Septembre 1959). A vrai dire, ils la rendent aussi plus difficile et plus fragile, et l'Université se doit de la préserver de deux écueils contraires. Le premier serait l'ingérence indue de l'Etat qui, outrepassant ses pouvoirs, prétendrait imposer à l'enseignement, pour des fins politiques ou idéologiques, l'unité factice d'une philosophie arbitraire. Mais, à l'inverse, l'Université servirait mal sa mission en s'abandonnant au pluralisme ou à un syncrétisme superficiel; au seul plan de la connaissance naturelle, il lui appartient de dépasser la diversité des disciplines, de promouvoir une sagesse et de former la personnalité intellectuelle de l'étudiant : qu'elle se garde donc de faillir à sa plus haute mission, qui est de donner à de jeunes esprits le respect de la vérité, de les guider vers les libres démarches indispensables à leur maturité intellectuelle.

Mission délicate, toute de fermeté et de discrétion, à laquelle Nous convions spécialement Nos Universités catholiques, illuminées dans leur tâche par les splendeurs de la foi; elles seules peuvent poursuivre l'effort de synthèse jusqu'à la clé de voûte de l'édifice, car « cette unité ne tendra vers sa perfection que dans la mesure où elle se cherchera en Dieu, dans la charité éclairée par la science, selon la vérité unique de l'Evangile sous la conduite de l'Eglise une et sainte » (Discours au Comité international pour l'unité et l'universalité de la culture, 14 Novembre 1951). Au service de la jeunesse étudiante, de telles Universités, couronnées par l'enseignement de la philosophie chrétienne et de la théologie, seront des écoles de vérité; elles seront aussi des maîtresses de vie, chrétienne, morale, civique et sociale.

Que ce Congrès mondial soit donc, pour les membres de Pax Romana, l'occasion d'une prise de conscience plus vive des responsabilités communes à une heure grave de l'histoire; qu'il soit, pour tous les milieux universitaires, le point de départ d'une collaboration plus fraternelle, d'échanges plus enrichissants, permettant à l'Université de mieux remplir dans le monde sa mission éminemment humaine et pacificatrice, à laquelle l'Eglise attache tant de prix. Nous en formons le vœu de grand cœur et, en gage de ces sentiments, Nous vous accordons, ainsi qu'à tous les étudiants et intellectuels de vos deux Mouvements, Notre très paternelle Bénédiction Apostolique.

Du Vatican, le 12 Août 1952.

PIUS PP. XII


*Discours et Messages-radio de S.S. Pie XII, XIV,
  Quatorzième année de Pontificat, 2 mars 1952 - 1er mars 1953, pp. 567 - 569
 
Typographie Polyglotte Vaticane

 



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