PIUS PP. XII
LETTRE À L'ÉPISCOPAT ET AUX FIDÈLES DU LIBAN
POUR LE CONGRÈS MARIAL NATIONAL À BEYROUTH*
« Je me suis élevée comme le Cèdre du Liban et comme le cyprès sur la montagne de Sion... Venez à moi vous tous qui me désirez et rassasiez-vous de mes fruits » (Eccl. 24, 17-26). Ces paroles de l'Ecriture, que la liturgie applique à la Bienheureuse Vierge Marie, Nous reviennent à la mémoire au moment où Nous avons la joie de Nous adresser à vous, chers fils et chères filles de la noble nation libanaise, qui êtes assemblés, dans les fastes et la ferveur d'une grandiose cérémonie, pour célébrer avec l'Eglise universelle le centenaire de la définition du Dogme de l'Immaculée Conception. Oui, allez à Marie, élevez vos cœurs vers elle, implorez l'abondance de ses grâces, dans la confiance filiale que la Mère du Sauveur, qui vécut ici-bas sous le même ciel pur et profond de l'Orient, jette encore sur votre terre un regard de particulière complaisance. L'Eglise elle-même n'évoque-t-elle pas vos sommets du Liban comme une terre d'élection pour la louange de la Vierge? C'est là que l'Esprit-Saint la contemple et, ravi par la splendeur de sa pureté immaculée, c'est de là qu'il l'appelle à sa céleste gloire: « Viens du Liban, ô ma bien-aimée, et tu seras couronnée » (Cant. 4, 8).
Le rare privilège qui unit ainsi le nom de votre patrie au culte de la Vierge Marie vous crée à tous un devoir pressant de répondre, avec plus de fidélité encore, à ses appels maternels. Et Nous aimons à penser que les solennités de votre Congrès Marial National, que Nous avons tenu à présider en la personne de Notre Légat, Notre cher Fils le Cardinal Patriarche de Venise, ne seront pas sans raviver et accroître en vos âmes une dévotion éclairée, forte et durable à la Vierge Immaculée. Depuis le 30 Mai dernier, d'ailleurs, chants et prières n'ont cessé de monter en son honneur sur les chemins et dans les églises du Liban, au cours du glorieux cheminement de la statue du Sanctuaire de Harissa à travers monts et vallées, villes et villages. Et le cœur maternel de la Vierge aura tressailli de joie au spectacle de tant d'âmes purifiées par les sacrements, de tant de vies à nouveau consacrées au service de son divin Fils; il se sera ému de la ferveur des foules chrétiennes et même de l'empressement de toute la population à participer à sa louange.
Une telle piété mariale est un gage d'espérance pour votre cher pays. Les jeunes y puiseront un indéfectible attachement à l'idéal de pureté que Marie propose à l'humanité blessée par le péché, et, en invoquant le secours de Celle qui écrasa la tête du serpent, ils sauront vaincre les assauts répétés de la tentation. Les pères et mères de famille voudront placer leur foyer sous sa garde et méditer les exemples de la Sainte Famille de Nazareth. Les militants de l'Action Catholique tourneront leurs regards vers Marie, qui est la voie la plus sûre pour porter les âmes à Jésus, et ils imploreront, par son intercession, les grâces divines sans lesquelles leur action demeurerait stérile. Que les prêtres surtout, et toutes les âmes consacrées, se souviennent qu'en la personne de Saint Jean, Jésus mourant leur a confié sa Mère: qu'ils l'entourent d'une vénération croissante, unis plus que jamais, à travers la féconde diversité de leurs rites, par un commun amour pour la Vierge Sainte et un même désir de propager son culte. Et sur la vie sociale de votre patrie la Mère du Dieu Sauveur fera rayonner l'idéal de son Fils, son message de charité et de fraternité, de vérité et de justice. Celle que d'âge en âge les générations proclament Bienheureuse, demeure l'honneur de la femme, l'espérance du pauvre, la consolation des affligés et des opprimés; elle demeure, comme au temps du Roi Achaz, le signe de la miséricorde divine: « Voici qu'une Vierge concevra et elle enfantera un fils . . . » (Is. 7, 14). Aujourd'hui encore, si vous êtes attentifs et fidèles à ses enseignements, elle sera un signe de salut pour vos vénérables chrétientés d'Orient.
Tout le passé de vos antiques communautés chrétiennes atteste d'ailleurs les longues traditions de votre piété filiale envers la Très Sainte Vierge Marie. N'est-ce pas à Ephèse, sur la terre d'Orient, que Marie reçut l'officielle reconnaissance par l'Eglise de sa maternité divine, cette prérogative suprême qui implique en son inépuisable richesse le privilège de l'Immaculée Conception, célébré en cette Année Mariale. A l'illustration de ce double et glorieux mystère, les Pères de l'Eglise Orientale ont grandement contribué et c'est votre honneur de n'avoir jamais cessé de pro- clamer que la Mère de Dieu fut, dès le premier instant, préservée de la faute originelle.
Cette même foi, toujours vivante, maintenue dans sa pureté et son intégrité au cours des siècles malgré tant d'épreuves, inspira, il y a cinquante ans, à l'un de vos grands patriarches l'heureuse idée de mettre comme un sceau à ce culte marial séculaire en élevant sur la colline de Harissa, au cœur même de votre beau pays, un monument votif à la gloire de l'Immaculée. Non moins suggestif est le titre de « Notre-Dame du Liban» que vous avez voulu donner à ce sanctuaire national; aux générations futures il rappellera la place souveraine de Marie dans les destinées de votre patrie, et il sera, aux heures sombres, le céleste paratonnerre qui détournera de votre ciel les nuages de discorde ou de division qui tenteraient de l'obscurcir.
Unanimes dans votre foi en Marie, fraternellement unis sous son manteau maternel, persévérez fermement dans la voie où vous vous engagez aujourd'hui. Cette Année Mariale a vu surgir un peu partout dans le monde, — et ce Nous est une joie profonde, — des légions d'âmes mariales, prêtes à tous les combats pour la gloire de Dieu et l'extension de son règne. Que de telles légions se multiplient sur cette terre d'Orient chère à tous les fils de l'Eglise; qu'elles y soient le sel qui ne s'affadit point, la lumière placée sur le chandelier et dont la flamme éclaire tous ceux qui sont dans la maison; que la chaleur de votre charité y soit accueillante, en particulier, à tous vos frères séparés, dont Nous connaissons la profonde piété mariale et que Nous invitions paternellement, dans Notre Encyclique Fulgens Corona, à tourner avec Nous leurs regards vers Marie, « demandant instamment cette unité, grâce à laquelle il n'y aura plus enfin qu'un seul bercail sous un seul Pasteur » (A. A. S. t. 45, p. 591).
Cs vœux et ces prières. Nous confions à la puissante intercession de Notre-Dame du Liban et, en gage de Notre constante sollicitude de Père et de Pasteur de vos âmes, Nous accordons de grand cœur aux hautes Autorités ecclésiastiques et civiles présentes au Congrès, au clergé des différents rites et à vous tous, chers fils et chères filles, Notre Bénédiction Apostolique.
Du Vatican, le 18 Octobre 1954.
PIUS PP. XII
*Discours et Messages-radio de S.S. Pie XII, XVI,
Seizième année de Pontificat, 2 mars 1954 - 1er mars 1955, pp. 479 - 481
Typographie Polyglotte Vaticane
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