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DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX FIDÈLES VENUS POUR LA BÉATIFICATION
DE LA BIENHEUREUSE ÉMILIE DE VIALAR*

Lundi 19 juin 1939

Il y a quelques semaines, le splendide Congrès Eucharistique d'Alger rappelait au monde les événements qui servirent, voici un siècle, d'occasion providentielle à la pénétration de l'Évangile jusqu'au cœur du continent africain.

Parmi les pionniers de l'apostolat moderne en Afrique, se trouvait Émilie de Vialar. C'est donc avec raison, que vous êtes venus, chers fils et chères filles, de son pays de Gaillac, de Marseille, de Paris, et d'autres régions, prendre part au triomphe de cette grande Missionnaire française.

Mais vous surtout, qui l'appelez votre Mère et dont le cœur a dû s'émouvoir bien doucement, hier, en disant pour la première fois, avec l'Église, cette invocation solennelle : Ora pro nobis, beata Aemilia !, c'est vous autres aujourd'hui, que, dans un sens différent, mais tout aussi vrai, Nous qualifierons de même en disant : « Bienheureuses les filles d'une telle Mère ! ».

Bienheureuses d'abord, parce que vous êtes assurées d'avoir au ciel une protectrice puissante. De son crédit auprès de Dieu, les étendards déployés hier à Saint-Pierre montraient quelques témoignages. Mais c'en est un aussi, que le développement rapide et l'extension de votre Institut. L'Italie, la France et l'Angleterre, 1'Afrique du Nord, Malte, la Syrie et la Palestine, la lointaine Birmanie et l'Australie plus lointaine encore, connaissent et aiment les filles d'Emilie de Vialar. Oui, bienheureuses êtes-vous, de la puissance que Dieu a donnée à votre Mère et des grâces qu'Il a répandues sur son œuvre !

Votre joie a encore une autre source : c'est de savoir que l'esprit de votre Mère était bien l'esprit de Dieu, quand, après tant d'incertitudes et de recherches, elle se décida à fonder une Congrégation nouvelle. C'est pourquoi doivent vous être toujours plus chers cet esprit et ce nom  « Saint Joseph de 1'Apparition ! ». Ils vous rappellent sans cesse l'obligation et la douceur d'une absolue confiance en Dieu, dans les obscurités de ce monde, durant ces longues heures d'attente dans la nuit de l'âme, que votre Mère connut si bien !

Enfin, bienheureuses êtes-vous, vous à qui a été donnée cette belle devise : « Se dévouer et mourir ! ». Dans vos pensionnats et vos patronages, dans vos dispensaires et vos hôpitaux, en pays chrétien ou en terre de mission, qu'avez-vous d'autre à faire, que faites-vous d'autre, sinon de prodiguer les actes d'un inépuisable et parfois héroïque dévouement ? Restez donc fidèles à votre devise : Dévouez-vous, partout et toujours !

Quant à vous tous, très chers fils et filles, vous allez regagner la France, en rapportant de Rome un nouveau fleuron pour sa couronne, déjà si riche, de saintes et de bienheureuses. Avec les vierges candides, de Geneviève à Bernadette, avec les femmes au cœur viril, comme Jeanne d'Arc et Jeanne-Françoise de Chantal, avec les mystiques extasiées comme Colette et Marguerite-Marie, avec les grandes éducatrices comme Jeanne de Lestonnac et Madeleine-Sophie Barat, la France a toujours eu, parmi ses fils et ses filles, des missionnaires intrépides. Depuis un siècle et demi, la phalange de ces femmes apôtres a pris un accroissement, dont le monde païen tout entier a ressenti les effets. Aux défricheuses, arrosant de leur sueur et parfois de leur sang la terre infidèle, s'est jointe une légion d'auxiliaires invisibles, implorant dans l'ombre du cloître, sous la bure et le cilice, par des supplications embrasées d'amour ou inondées de larmes, les grâces surnaturelles, sans lesquelles tout apostolat resterait vain. Quand Notre prédécesseur, de vénérée mémoire, proclamait une Carmélite de Lisieux patronne des Missionnaires, il ne faisait que montrer du doigt, comme Thérèse Martin désignant elle-même dans le ciel son étoile, un astre de première grandeur, au sein d'un firmament brillamment constellé.

Allez, chères filles d'Emilie de Vialar, allez, chers pèlerins de France, de l'Afrique du Nord ou d'ailleurs, redire, avec la gloire de la nouvelle Bienheureuse, cette grande leçon de sa vie : que l'œuvre de Dieu se fait avant tout par des âmes humbles, ardemment dévouées à Sa gloire, saintement hardies dans leurs entreprises, confiantes en sa Providence parmi les difficultés, et résolues enfin, comme la Mère de Vialar l'écrivait au Pape en des heures particulièrement pénibles pour elle, résolues à « tout souffrir, plutôt que d'abandonner le poste que Dieu leur a confié ».

Pour vous y aider, tous et chacun, quel que soit ce poste, et comme gage des grâces divines implorées pour vous, Nous vous donnons de tout cœur, chers fils et filles, la Bénédiction apostolique. Cette bénédiction s'étend à toute votre méritante Congrégation, à toutes et à chacune de ses religieuses, à toutes vos chères familles, à toutes les personnes et à toutes les choses que vous avez dans la pensée ou dans le cœur, et Nous bénissons aussi tous les objets de dévotion que vous avez portés avec vous.


* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII - Vol. I,
Première année de Pontificat, 2 mars 1939 - 1er mars 1940, pp. 193-195
Typographie Polyglotte Vaticane.

 



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