DISCOURS DU PAPE PIE XII
À L'ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE ET MINISTRE PLÉNIPOTENTIAIRE DE HAÏTI,
S.E.M. LÉON R. THÉBAUD*
Samedi 12 septembre 1942
Monsieur le Ministre,
Après avoir déjà exercé une activité multiple et féconde au service de sa patrie, Votre Excellence se voit, par la particulière confiance de Monsieur le Président de la République haïtienne, appelée à une mission dont la dignité et l'importance ne sauraient être exprimées en termes plus éloquents que les paroles prononcées par vous tout à l'heure en remettant entre Nos mains les Lettres qui vous accréditent comme Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire auprès de ce Siège apostolique.
Dans ces paroles brillent avec une égale clarté et l'ardeur de vos sentiments patriotiques et la ferveur de votre foi catholique. L'harmonieuse union de si nobles sentiments est pour Nous un heureux présage que, dans l'accomplissement de votre mission, vous saurez promouvoir les plus hauts intérêts de votre nation avec tout l'idéalisme d'une virile volonté et toute l'énergie d'une active conscience.
Les rapports entre le Saint-Siège et la République d'Haïti, grâce aux efforts d'hommes d'État aussi décidés que clairvoyants, et en plein accord avec les traditions catholiques du peuple, se sont développés dans une atmosphère et un esprit de mutuel respect et de confiance réciproque.
Sur la base d'un concordat qui, complété par une récente convention, a réglé les relations entre les deux pouvoirs, il a été possible à l'Église d'exercer une fructueuse activité évangélisatrice et éducatrice. De cette action, inspirée non moins par le zèle apostolique que par une absolue loyauté à servir la cause du pays, les effets, débordant le terrain proprement religieux, ont tourné à l'avantage aussi des progrès de la culture et des institutions sociales, en suscitant des énergies dignes de prendre une place d'honneur parmi les facteurs de la vraie prospérité du peuple et de l'État.
Rien ne saurait être plus conforme aux désirs de Notre cœur que de pouvoir accroître encore cette contribution au bien-être de votre peuple. Votre Excellence a mis particulièrement en relief, à cet égard, la formation d'un clergé indigène ; Nous pouvons l'en assurer, dans l'héritage spirituel que Nous a légué Notre grand Prédécesseur, chère et précieuse au premier chef Nous est précisément cette formation qui, devant les évènements présents et en vue de leurs possibles conséquences dans 1'avenir, acquiert tour les jours une importante plus marquée.
Si impérissables et inoubliables qu'aient été les mérites des prêtres séculiers et réguliers qui, avec un si grand esprit de renoncement, ont jusqu'ici porté le poids principal de l'assistance religieuse au peuple haïtien, si indispensable qu'ait été leur admirable et fécond travail de pionniers, ce sera avec une paternelle et surnaturelle joie que Nous saluerons le jour où le patrimoine sacré, fruit de leurs sollicitudes, de leurs sacrifices, de leurs expériences, pourra être, en toute conscience et sécurité, confié à une nouvelle génération qui — surtout en tant qu'elle a été formée en cette Ville Éternelle — sera assez forte par la science et par la vertu, par la parole et par l'exemple, pour continuer à faire avancer les sillons ouverts par ses devanciers.
Le moment où Votre Excellence inaugure sa mission est dominé et assombri par la grande tristesse d'un conflit mondial tel que l'histoire du genre humain n'en a pas connu d'égal. Plus le sort des peuples se trouve aujourd'hui dépendre uniquement du tranchant de l'épée, plus aussi pénètre et s'aggrave dans les meilleurs éléments de toutes les Nations l'anxieuse nostalgie d'un état de choses où le droit détrôné puisse reconquérir sa place et jeter les bases d'une nouvelle et juste paix. Quand cette heure sonnera-t-elle ? Dieu est seul à le savoir. Mais quand elle sonnera, ce sera pour le droit et la conscience morale des peuples, le moment de l'épreuve décisive. Cette conscience juridique et morale sera alors d'autant plus vive, sûre et nette, qu'elle se maintiendra plus éloignée de la trompeuse illusion d'un égoïsme effréné et qu'elle acceptera avec plus d'empressement de venir se ranger dans le cadre d'une solidarité sociale qui nait de la loi divine naturelle et trouve son achèvement dans la doctrine et la loi du Christ.
Nous éprouvons une singulière satisfaction à constater par vos paroles quel écho profond ces principes moraux rencontrent dans le cœur de Votre Excellence comme dans l'esprit de son peuple et de son Gouvernement. En vous priant donc de transmettre à Son Excellence Monsieur le Président de la République, à ses collaborateurs et à tout le peuple haïtien, Notre paternelle gratitude pour les sentiments qu'ils Nous ont exprimés par votre organe, Nous faisons monter Nos prières vers le Tout-Puissant afin qu'il daigne hâter le jour où, sous son ciel magnifique, la nation haïtienne pourra jouir en sécurité de la paix recouvrée et, fidèle à ses traditions religieuses, marcher forte et tranquille vers un avenir de bonheur.
C'est avec ces vœux dans le cœur et cette prière sur les lèvres, que Nous souhaitons la bienvenue à Votre Excellence et que, en l'assurant de Notre constant appui dans l'accomplissement de sa haute mission, Nous implorons sur Votre Excellence, sur sa chère famille et sur tout le peuple haïtien les meilleures et les plus abondantes bénédictions du Seigneur.
* Discours et messages-radio, IV p.197-199.
Documents Pontificaux 1942, p.227-228.
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