DISCOURS DU PAPE PIE XII
À L'ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE ET MINISTRE PLÉNIPOTENTIAIRE DE CHINE,
S.E. M. CHEOU KANG SIÉ*
Jeudi 25 février 1943
Cette heure où Votre Excellence— choisie par la particulière confiance de Monsieur le Président de la République chinoise — se présente à Nous pour inaugurer sa haute charge d'Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire, revêt toute la gravité et toute l'importance d'un évènement d'une si profonde signification.
En vous adressant Notre cordiale bienvenue, Nous Nous reportons par la pensée aux antiques relations du noble peuple chinois avec ce Siège apostolique. Elles Nous font remonter au milieu du XIIIe siècle, au temps où Notre lointain Prédécesseur, Innocent IV, mandait à la Cour de Karakorum un Envoyé pontifical dans la personne d'un des compagnons de saint François, Jean de Pian di Carpine, bientôt suivi du dominicain André de Longjumeau et du Frère mineur Guillaume de Rubruk. Ces premiers contacts se continuèrent vers la fin du même siècle par l'envoi d'un autre fils de saint François, Jean de Montecorvino, le même qui, au début du siècle suivant, fut nommé par Clément V premier archevêque de Khanbalik et Patriarche d'Extrême Orient.
Après une longue interruption, la divine Providence élut et suscita de nouveaux artisans de ses grands desseins sur le peuple chinois. Le héraut spirituel de cette pacifique entreprise fut l'incomparable saint François-Xavier, lui qui, à quelques kilomètres de la côte méridionale de votre pays, rendit son âme apostolique, consumé qu'il était par la flamme de son héroïque amour pour Dieu et pour le prochain. Mais en cette même année, naissait celui qui, devenu lui aussi fils d'Ignace de Loyola, devait réaliser l'idéal et le plan de Xavier. Par son tact, par sa douceur, par sa science, par sa vertu, par sa vie toute sainte, il sut se faire accepter, agréer, non seulement du peuple, mais encore de la haute société et même de la Cour Impériale, et la Chine lui garde encore de nos jours un reconnaissant souvenir.
La mentalité religieuse si profondément ancrée dans le cœur de tout bon Chinois et les nobles conceptions morales de ses plus grands philosophes, spécialement l'amour de la famille, avaient admirablement préparé ce grand peuple à comprendre et à apprécier la valeur de la doctrine religieuse et morale de 1'Évangile.
Mais aux relations d'ordre spirituel entre le Saint Siège et la Chine, il convenait, comme cela se présente pour un grand nombre d'autres nations, que se joignissent encore les relations officielles, et Nous Nous plaisons à rappeler ici les efforts déployés à plusieurs reprises par les deux Hautes Parties sous Nos Prédécesseurs, Grégoire XVI, Pie IX, Léon XIII et Benoît XV, en vue de nouer de semblables rapports, bien que des raisons indépendantes du bon vouloir réciproque vinssent toujours conseiller d'attendre des temps plus propices. Après qu'il fut donné à Notre Prédécesseur immédiat Pie XI de faire un premier pas dans cette voie par la création d'une Délégation apostolique, la Providence Nous a réservé à Nous-même, au milieu de tant de douleurs qui étreignent Notre cœur de Père, en ces temps tragiques de sang et de larmes, de discordes et de ruines, la joie de voir enfin ces longs efforts couronnés de succès. Nous ouvrons d'autant plus volontiers Notre cœur et Nos bras à la grande famille de la Chine, que Nous connaissons les sentiments de sincère sympathie que le Chef de votre Gouvernement nourrit envers les chrétiens.
Nous entretenons la ferme confiance que les rapports si heureusement inaugurés se développeront et prospéreront et que bientôt il sera donné à Nos fidèles fils et filles de la lointaine Chine de voir lever sur leur patrie et sur le monde le soleil d'une paix juste et durable, afin que, dans la fraternelle collaboration de tous les citoyens à la reconstruction d'une nouvelle et heureuse Chine, le peuple puisse goûter, dans la plus large mesure, les fruits de l'influence et des bienfaits que la foi chrétienne et une conduite de vie conforme à cette foi portent au profit des individus et de la communauté tout entière.
Dans cet espoir, Nous vous prions, Monsieur le Ministre, de transmettre à Son Excellence Monsieur le Président de la République, avec Nos remerciements pour les sentiments qui Nous ont été exprimés par votre organe, les vœux les plus profonds que Nous formons pour sa prospérité, appelant les faveurs du ciel sur le succès des hautes tâches qui lui incombent, à lui et à son Gouvernement, pour l'avenir sûr et paisible du peuple chinois si cher à Notre cœur.
Et vous-même, soyez assuré que Notre bienveillance, Notre compréhension et Notre appui vous accompagneront toujours dans l'accomplissement de votre noble mission.
* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, IV,
Cinquième année de pontificat, 2 mars 1943 - 1er mars 1944, pp. 399-401
Typographie Polyglotte Vaticane.
Actes et Documents du Saint-Siège relatifs à la seconde guerre mondiale, VI p.46-48.
Documents Pontificaux 1943, p.50-52.
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