DISCOURS DU PAPE PIE XII
À L'AMBASSADEUR DE COLOMBIE PRÈS LE SAINT-SIÈGE,
S.E.M. CARLOS ARANGO VÉLÉZ*
Dimanche 13 août 1944
Monsieur l’Ambassadeur,
Les paroles par lesquelles vous avez inauguré votre haute mission d’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Colombie, sont pour Nous une éloquente preuve que la désignation de l’Excellentissime M. le chef de l’État s’est portée sur une personnalité qui, ayant rendu d’insignes services à sa nation, a également une claire conscience de la hauteur de la charge qui lui a été confiée et ne connaît pas de fin plus honorable que celle de s’y consacrer, dans l’intention de servir le véritable intérêt de son peuple et de travailler au maintien des traditionnelles et solides relations entre l’Église et l’État colombien.
Votre Excellence, pénétrée de si nobles sentiments, a suscité en Nous le souvenir de deux de ses aïeux qui, dans l’histoire des relations entre le Saint-Siège et la Colombie, méritent une place et une mention toutes spéciales : le général Joachim Fernandez Vélez, signataire du Concordat fondamental de 1887 et le défunt père de Votre Excellence, dont Nous évoquons en ce moment avec une reconnaissante considération la figure chevaleresque, comme au temps où Nous étions au service du Saint-Siège en la Secrétairerie d’État.
C’est donc avec une particulière cordialité que Nous souhaitons la bienvenue au fils, en évoquant le souvenir du père, et Nous nourrissons l’espoir qu’il lui sera donné, sur la base des accords existants entre les deux pouvoirs et dans la pleine compréhension de l’importance de leurs accords et de leurs relations mutuelles, pour le progrès culturel et pour l’élévation morale de la vie de votre peuple, de contribuer à imprimer de nouvelles et durables impulsions à leur harmonieux développement.
À l’heure actuelle spécialement, où une guerre qui ébranle les bases mêmes du monde a rendu manifeste jusqu’à quel point est indispensable, pour tout régime d’État et de société, le respect des normes morales suprêmes de la communauté humaine et combien sont fragiles toutes les institutions juridiques qui font fi d’un tel fondement, il est doublement nécessaire et avantageux d’assurer la possibilité d’une expansion libre et sans contrainte aux facteurs de l’œuvre éducatrice desquels la conscience de la responsabilité morale peut recevoir de nouveaux aliments et de saines directives. Parmi ces énergies salutaires, l’Église de Jésus Christ possède dans votre catholique pays, une situation éminente, officiellement reconnue par le Concordat. Favoriser et appuyer le bienfaisant effort de l’instruction et de l’éducation qu’elle réalise par l’entremise du vénérable épiscopat et d’un zélé clergé séculier et régulier équivaut à répandre une semence dont les fruits excellents ne pourront manquer de procurer un inestimable profit pour le bien public de la génération présente et des générations futures.
À ce propos, Monsieur l’ambassadeur, Nous avons éprouvé une singulière satisfaction, en entendant, tombées de vos lèvres, les paroles de sincère reconnaissance que le gouvernement et la nation de Colombie manifestent pour Notre sollicitude en faveur d’une juste paix, qui garantisse à tous les peuples la possibilité de leur existence et de leur développement.
Votre pays, dont les côtes sont baignées par les eaux de deux océans Atlantique et Pacifique, est spécialement intéressé, par sa position géopolitique, à l’avènement d’une paix non dictée par la passion, mais par la véritable sagesse politique et par la noble modération. Nous désirons voir convertie en réalité l’espérance, exprimée il y a un moment par Votre Excellence, que ces efforts aboutiront, dans un proche avenir, au but ambitionné, non seulement pour le bien de la Colombie intimement unie par son affection et sa solidarité avec d’autres puissants états, mais encore pour toute l’humanité, qui aspire à un nouvel et solide ordre juridique et moral.
Aussi, en vous priant de transmettre à S. Exc. M. le Président de la République et aux membres du gouvernement, nos vœux de prospérité personnelle et d’abondants secours célestes, qui doivent les réconforter dans l’accomplissement de leurs fonctions, Nous appelons la bénédiction et la protection du Très-Haut Sur la très aimée nation colombienne et Nous implorons en sa faveur, comme en faveur de tous les peuples, la prompte aurore du jour où l’humanité, si éprouvée et instruite par la douleur, pourra unanimement professer et proclamer la primauté et l’empire de la justice, de la charité et de la fraternité dans le monde.
* Actes de S.S. Pie XII, vol.VI, p.184-185.
Documents Pontificaux 1944, p.146-148.
Copyright © Dicastero per la Comunicazione - Libreria Editrice Vaticana