POUR LE BICENTENAIRE DE PORT-AU-PRINCE (HAÏTI)*
Jeudi 8 décembre 1949
Vous avez voulu, chers fils et chères filles d'Haïti, faire du deuxième centenaire de la fondation de votre capitale, la fête de votre patrie tout entière, de cette terre que Dieu a magnifiquement couronnée des flots majestueux de l'océan et parée des plus riches dons de la nature. En cette occasion solennelle, vous avez désiré que Notre voix vienne apporter le sceau de la bénédiction paternelle sur votre nation. De bien bon cœur, Nous répondons à ce vœu, car Nous y voyons une manifestation sincère de votre fidélité à vos primitives et saintes traditions.
Elles remontent, ces traditions, au jour même du 6 décembre 1492 alors que, débarquant sur les rives de votre île, Christophe Colomb la marquait du signe de la Croix qu'il plantait dans votre sol.
De nouveau, lorsque, il y a tout juste deux cents ans, se fondait votre capitale, c'est encore Dieu qui, le premier, en prit possession dans la modeste chapelle provisoire, autour de laquelle, par ordre royal du 26 novembre 1749, allait surgir et se développer, comme autour de son centre normal, ce qui devait être un jour Port-au-Prince.
Oui, c'est bien Dieu qui bâtissait alors la maison, le Dieu qui garde la cité (cf. Ps 126, 1-2). Oui, la Croix, la foi chrétienne, la profession ouverte de la religion du Christ, la reconnaissance de sa souveraineté, la soumission filiale au Chef de l'Église catholique : voilà quels furent dans le passé, quels seront toujours dans l'avenir, les fondements solides de votre félicité temporelle et éternelle, l'âme de votre civilisation, les seules sûres garanties de votre prospérité comme peuple et comme nation.
Sans doute, les efforts de l'Église visent l'ordre surnaturel pour faire participer, autant que possible, tous les hommes au bienfait de la vraie foi et de la grâce divine, pour leur faire rendre à Dieu, par l'observation des commandements, l'hommage qui lui est dû, pour les faire vivre, croître et mourir dans son amitié, afin d'aller jouir près de lui de la vie et de la béatitude éternelles.
Mais, en s'appliquant, sans relâche et sans réserve, de tout son pouvoir et de toutes ses forces, à la poursuite de ce but, l'Église apporte une contribution inappréciable, même au bien-être commun, à l'intérêt de la chose publique.
Car, en réalité, le vrai secret de la puissance morale de l'Église est caché dans les sources de la grâce dont elle dispose, surtout dans sa source principale que sont les sacrements. Par là, elle concourt, indirectement il est vrai, mais à un très haut degré d'efficacité, au bien de la société civile. Comment cela ? Tout particulièrement en formant des familles réellement chrétiennes où la fidélité, la paix pleine d'affection règnent entre les époux, où les enfants sont élevés dans la crainte filiale de Dieu, dans le respect envers toute autorité légitime, dans la loyauté, l'honnêteté, la pureté. La chasteté conjugale, les joies de la vie de famille, la vigueur d'une jeunesse moralement saine, telle est l'armature et, pour ainsi dire, comme l'épine dorsale de la communauté nationale.
En formant l'homme aux vertus chrétiennes, l'Église, par le fait même, lui apprend à s'élever au-dessus des petitesses de l'égoïsme et, pour l'amour de Dieu, à rendre à l'État ce qui est dû à l'État ; elle l'achemine et l'initie aux saintes œuvres de la charité fraternelle ; elle ouvre son esprit et son cœur au sens de la justice sociale.
Du jour où, de l'Europe, les explorateurs se sont élancés à la découverte du Nouveau Monde, l'Église s'est toujours trouvée au premier rang pour défendre et soutenir les droits de l'homme en faveur des peuples indigènes. Depuis, elle ne s'est jamais départie de cette attitude et lorsque, aux XIXe et XXe siècles, s'est posée non seulement la question ouvrière, mais la question sociale, dans toute son ampleur et son acuité, les Papes avec une infatigable persévérance ont dessiné, dans ses lignes maîtresses, le programme de l'Église pour la solution de si graves problèmes, et ce programme social, magnifique en lui-même, loin d'être comme tant d'autres le rêve d'une généreuse utopie, a fait ses preuves partout et dans la mesure même où il a été suivi.
Nous faisons appel à vos prêtres et à vos dirigeants laïques pour révéler à tout le peuple d'Haïti l'éclatante vérité, la richesse et la profondeur de la doctrine catholique avec toutes les conséquences qui en dérivent au bénéfice de la vie sociale de l'humanité. Que cette vérité catholique brille dans toute sa clarté, qu'elle soit accueillie de bon cœur, et il n'y aura plus à craindre pour la foi, ni la contamination de pratiques superstitieuses, ni les tristes désertions de l'apostasie. Nous faisons appel aux prêtres et aux fidèles d'Haïti pour faire passer dans la réalité et la pratique le programme social de l'Église. C'est le devoir de l'heure et, en le remplissant sans défaillance, vous rendrez le plus grand service à la communauté nationale.
Au cœur même de votre exposition jubilaire, chers fils et chères filles, s'élève le sanctuaire, par lequel Nous avons voulu donner à cette manifestation internationale de la vitalité économique et culturelle un témoignage de l'amour et des sentiments d'affection paternelle dont, à la suite de Nos prédécesseurs, Nous sommes profondément pénétré envers votre pays et votre peuple. Nous n'attendons en retour que la joie de vous voir constamment attachés à la foi de vos pères. Gardez religieusement inviolable l'alliance qui, depuis toujours, vous lie au successeur de Pierre et qu'a scellée solennellement le Concordat de 1860.
Soyez fiers de votre foi catholique et fièrement ambitieux aussi de fournir à l'Église, du sein de Vos familles, de dignes et utiles ministres des autels.
« Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, l'amour de Dieu, et la communication de l'Esprit Saint soient avec vous tous » ( 2 Co 13, 13).
Du haut du ciel, la Vierge, Reine et Mère dont vous célébrez aujourd'hui même la Conception immaculée, est témoin et protectrice de vos bons propos, comme elle en fut témoin et inspiratrice lorsque son humble sanctuaire a été, sous le vocable de sa glorieuse Assomption, le premier berceau de Port-au-Prince. Nous l'invoquons instamment pour vous et, en appelant ses faveurs maternelles sur tous les membres de l'épiscopat présents parmi vous, sur Notre cher Fils le Cardinal Archevêque de la Havane, sur vos propres Pasteurs, sur tous les évêques vos hôtes de ces jours mémorables, sur Son Excellence Monsieur le Président de la République et sur les autres représentants de l'autorité de l'État, sur les prêtres, religieux, religieuses, dont Nous souhaitons voir croître le nombre pour répondre aux grands devoirs de l'heure actuelle ; sur vous tous, enfin, cher peuple d'Haïti, Nous vous donnons, du plus profond de Notre cœur, Notre Bénédiction apostolique.
* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, XI,
Onzième année de pontificat, 2 mars 1949 - 1er mars 1950, pp. 305-308
Typographie Polyglotte Vaticane
A.A.S., vol. XXXXII (1950), n. 3, pp. 191 - 194.
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