DISCOURS
Salle des Suisses, Palais pontifical de Castel Gandolfo
Mercredi 24 octobre 1951
Votre démarche à laquelle Nous sommes fort sensible est, Messieurs, une preuve convaincante de la haute idée que vous avez de votre profession et de votre rôle. Au-dessus d'un intelligent maniement de fonds, au-dessus même du simple intérêt financier de vos établissements et de leurs clients, vous placez son utilité morale et sociale. Vous marquez la frontière, ou, plus exactement, le carrefour, où se rencontrent le capital, la pensée, le travail.
Alors que des pêcheurs en eau trouble en soulignent, en exagèrent l'opposition, votre tâche consiste à les mettre en relations, à les rendre mutuellement utiles. Surtout sous l'aspect du crédit, qui fait l'objet central de votre Congrès international, vous êtes, bien plus que des exécuteurs ou des mandataires d'opérations bancaires, des conseillers.
Que de capitaux se perdent dans le gaspillage, dans le luxe, dans l'égoïste et fastidieuse jouissance, ou s'accumulent et dorment sans profit ! Il y aura toujours des égoïstes et des jouisseurs, il y aura toujours des avares et des timides à courte vue. Leur nombre pourrait être considérablement réduit, si l'on savait intéresser ceux qui possèdent à un emploi judicieux et profitable de leurs fonds, opulents ou modestes. C'est, en grande partie, faute de cet intérêt, que l'argent coule ou dort. Pour y remédier, vous pouvez beaucoup par le soin de transformer les simples déposants en collaborateurs, à titre d'obligataires ou d'actionnaires, d'entreprises, dont le lancement ou la prospérité serait de grande utilité commune : qu'il s'agisse d'activité industrielle ou de production agricole, de travaux publics ou de construction de logements populaires, d'instituts d'éducation ou de culture, d'œuvres de bienfaisance ou de service social.
On a beaucoup médit des conseils d'administration ; la critique pourrait être justifiée dans la mesure où leurs membres n'auraient en vue que l'accroissement excessif de leurs dividendes. Si, au contraire, ils ont à cœur la sage et saine orientation des capitaux, ils font, à ce seul titre, œuvre sociale de premier ordre. Ils se chargent d'une besogne intense, morale, psychologique, bien différente du simple travail impersonnel du bureau ou du guichet ! Qui sait si, pour le suppléer, on n'inventera pas quelque jour un tel perfectionnement de ces machines de comptabilité, de ces cerveaux mécaniques ou électriques, où le client n'aura qu'à presser ou tourner un bouton pour réaliser toutes les opérations, qui l'amènent à la banque ? Mais quelle machine ingénieuse, quel système habile, suppléera jamais le banquier, le dirigeant d'un établissement de crédit, appliqué à étudier le visiteur pour découvrir et lui faire prendre conscience de ce qui peut l'intéresser, pour canaliser, si l'on peut dire, sa coopération, et puis le mettre à même de suivre avec intelligence et avec cœur la marche de l'entreprise ou de l'œuvre qu'il soutient ? N'est-ce pas là exercer une action sociale et morale éminemment précieuse et féconde ?
Malgré tout, le souscripteur veut être assuré de ne pas perdre sa mise de fonds. Il désire même, sans préjudice d'un honnête revenu pour son propre compte, en faire un instrument au bénéfice d'autrui et de la société. Cela suppose, évidemment, que l'entreprise mérite sa collaboration et qu'elle est, en elle-même, de nature à l'intéresser, parce qu'elle s'harmonise avec ses dispositions et ses goûts personnels. Et voici maintenant un autre objet de votre rôle.
Celui qui recourt à vous pour obtenir un crédit, c'est un jeune inventeur, c'est un homme d'initiative, un bienfaiteur de l'humanité. Vous devez l'étudier, pour ne pas risquer de livrer le prêteur confiant à un utopiste ou à un aigrefin, pour ne pas risquer non plus d'éconduire un solliciteur méritant, capable de rendre d'immenses services, auquel ne manquent que les ressources indispensables à la réalisation. Il vous faut peser sa valeur, comprendre ses projets et ses plans, l'aider, le cas échéant, de quelque conseil ou suggestion pour lui épargner une imprudence ou pour rendre sa conception plus pratique, pour voir enfin à quel bailleur de fond l'adresser et le recommander. Que de génies, que d'hommes intelligents, généreux, actifs, meurent dans la misère, découragés, ne laissant survivre que l'idée, mais une idée que d'autres plus habiles sauront exploiter à leur profit. Il y a, en outre, tous ceux qu'une année mauvaise, une récolte déficiente, des dommages occasionnés par la guerre ou la révolution, par la maladie ou par quelque circonstance imprévue et imprévisible, sans qu'il y ait de leur faute, met en difficulté passagère. Ils pourraient, grâce à un crédit, se relever, se remettre en train et, avec le temps, amortir leur dette. À tous ceux-là, quel secours matériel, quel réconfort moral vous pouvez apporter !
Après ce que Nous venons de dire, il Nous paraît superflu de Nous attarder à parler de la conséquence qui dérive immédiatement de la rencontre du capital et de l'idée. En proportion de l'importance de ce capital, de la valeur pratique de cette idée, la crise du travail se trouvera plus ou moins enrayée. L'ouvrier laborieux et consciencieux obtiendra plus aisément une occupation ; l'accroissement de la production permettra de tendre, lentement peut-être, mais progressivement, vers un équilibre économique ; les multiples inconvénients et désordres, fruits déplorables du chômage, seront atténués pour le plus grand bien d'une saine vie domestique, sociale et, partant, morale. Dans une certaine mesure, si modique qu'elle puisse être, l'épargne deviendra possible à un plus grand nombre, avec les avantages de tout ordre, dont Nous parlions dans une allocution sur ce sujet (3 décembre 1950).
La fière conscience d'avoir votre part dans une si grande œuvre de restauration, doit vous encourager dans les difficultés, les soucis, les hostilités même qui, surtout en des temps comme celui-ci, ne peuvent vous manquer.
Quant à Nous, Messieurs, appréciant hautement votre activité et l'esprit qui la dirige, Nous appelons de tout cœur sur elle, sur vos personnes et sur vos familles, toute les grâces de Dieu.
* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, XIII,
Treizième année de Pontificat, 2 mars 1951 - 1er mars 1952, pp. 323-325
Typographie Polyglotte Vaticane
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