DISCOURS
Castel Gandolfo - Dimanche 6 août 1952
Cette année, qui marque le 25e anniversaire de la fondation de votre groupe, vous avez voulu, très chers fils, lui donner un éclat tout spécial par le pèlerinage le plus cher à votre cœur : celui d'Assise et des sanctuaires franciscains. Mais vous venez d'abord offrir votre hommage filial au Vicaire du Christ et vénérer la mémoire des grands Apôtres fondateurs de la chrétienté. Aussi est-ce avec la plus grande joie que Nous vous accueillons aujourd'hui et que Nous vous félicitons pour l'œuvre accomplie par votre mouvement et pour la magnifique leçon d'idéal qu'il donne à la jeunesse de notre temps.
Ressusciter l'esprit du Poverello dans un monde avide de confort, de technique, de progrès matériel, quelle entreprise splendide et vraiment nécessaire ! Réapprendre au siècle de l'auto, du chemin de fer, de l'avion, la haute signification spirituelle du pèlerinage, de la route accomplie tenacement vers les hauts lieux consacrés par l'héroïsme des saints, voilà certes une entreprise digne des grands siècles de foi.
Nos contemporains ont trop souvent perdu, avec le sens du surnaturel, celui des belles œuvres de la création, surtout des lieux et des choses sanctifiés par les âmes d'élite, par ceux que Dieu marque de son signe et charge de transmettre à leurs frères les dons du ciel. À l'exemple de François d'Assise, vous essayez de retrouver ce jaillissement premier de la bonté et de la grandeur de Dieu par la contemplation de son œuvre. Vous allez fidèlement réapprendre cette grande leçon dans les sites animés jadis par sa présence, devant ces paysages qui l'ont aidé à monter vers le Seigneur.
Vous y allez surtout en pèlerins, anxieux de renouveler là-bas vos énergies profondes et de rajeunir votre âme à cette source toujours fraîche que saint François fit jaillir sur la terre d'Ombrie.
Un tel but ne peut s'atteindre sans une préparation spirituelle intense. Pour votre part, vous avez choisi celle du pèlerinage, si traditionnelle et en même temps si efficace. Le pèlerinage est un long cheminement, qui commence par une séparation. On quitte son pays, sa vie de tous les jours, on oublie tous les soucis banals ou mesquins, qui entravent et freinent les meilleurs élans. Et l'on prend la route courageusement. On renonce aux assurances faciles du repas, du logement ; on dompte la fatigue. La prière se fraye alors plus facilement son chemin vers Dieu. Quand la halte rassemble les compagnons, une ferveur intime enrichit les âmes et fuse bientôt à l'unisson d'une prière, d'un chant, d'un échange de pensées et de sentiments. Elle s'exalte surtout, dans une tension toute recueillie, autour de l'autel, quand le corps du Christ offert en sacrifice vient nourrir le chrétien en marche vers son Seigneur.
Le pèlerinage rééduque en vous l'esprit de pénitence, le sens de la Providence et de la confiance en Dieu. Il vous réapprend même, peut-on dire, le sens de la vie : un détachement du présent, des joies et des tristesses, dont se tissent vos journées, pour avancer vers un terme, dont l'attrait vous fascine. Mais impossible d'y arriver sans un renoncement à la facilité, à ses aises, et surtout sans garder vive au fond du cœur l'espérance qui soutient votre effort. Les jeunes chrétiens ont compris aujourd'hui quelle école de formation spirituelle ils trouveraient sur la route. Non point une route profane, où on ne cherche que l'union avec la nature, mais une route sanctifiée par la prière et par la charité.
Face au même effort, les hommes se retrouvent devant les véritables valeurs. Les préjugés de classe s'effacent par une volonté identique de conquête, qui unit des cœurs fervents à la poursuite d'un idéal. Il faut aborder ensemble les mêmes difficultés, connaître les mêmes faiblesses, pour se rendre compte qu'aucun obstacle ne résiste au faisceau d'énergies, que noue une collaboration désintéressée. Une fois établie cette conviction, on a posé les bases solides d'une compréhension mutuelle et de cette paix indéfectible que votre mouvement se propose à juste titre de réaliser. Paix intime de l'être, qui renonce à ses égoïsmes ; paix sociale de ceux qui s'établissent dans une fraternité sincère ; paix internationale dans la collaboration des hommes de bonne volonté, qui, au dessus de tous les principes de division, ont découvert le vrai motif digne de les rapprocher : une consécration commune au service d'un même Seigneur.
Seul un regard clarifié percevra ce signe de la fraternité humaine. C'est la mission actuelle de saint François de rappeler les vertus de la pure simplicité évangélique. On sacrifie maintenant aux idoles de la richesse et de l'orgueil humain, On s'installe souvent dans une vie aisée, insensible au spectacle de la misère ou du malheur. On détourne de leur signification originelle les merveilles de la création : instruments de plaisir ou de domination. Ainsi les fibres les plus sensibles et les plus délicates de l'âme se durcissent peu à peu. À l'école de François d'Assise, vous échapperez à cette paralysie qui tue les plus humains et les plus précieux sentiments. Acceptez l'ascèse que cette école impose. Pour sauver la sincérité, la spontanéité, la simplicité du regard et par dessus tout la paix et la joie, refaites vaillamment le chemin, qui a conduit François vers Dieu. Dociles aux appels de la grâce, au langage du Seigneur dans ses créatures, sensibles aux élans de la pitié humaine, parce qu'ils répondent aux cris de Jésus souffrant, vous apprendrez à vaincre l'amour immodéré de la richesse matérielle. Vous goûterez surtout cette irradiation de l'âme, qui, après s'être détachée des biens fugaces de cette terre, découvre la splendeur véritable des biens qui ne passent pas.
Que vos pèlerinages franciscains, très chers fils, allument pour jamais en votre âme la flamme insatiable de l'amour divin et fassent resplendir en vous dès maintenant l'amabilité conquérante de Notre Sauveur et sa consécration au salut du monde ! En gage de ces grâces et des faveurs que le Seigneur vous accordera par l'intercession de saint François, Nous vous donnons de tout cœur Notre Bénédiction apostolique.
* Discours et Messages-radio de S.S. Pie XII, XIV,
Quatorzième année de Pontificat, 2 mars 1952 - 1er mars 1953, pp. 271-273
Typographie Polyglotte Vaticane
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