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DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX SUPÉRIEURES GÉNÉRALES DES ORDRES
ET INSTITUTS RELIGIEUX FÉMININS*

Lundi 15 septembre 1952

 

Nous vous adressons Notre salut paternel, très chères filles, qui êtes venues en si grand nombre au Congrès International des Supérieures générales des Ordres et Congrégations de femmes et qui, à la fin de vos travaux au moment de mettre en œuvre les résultats de vos délibérations, venez chercher auprès de Nous la bénédiction du Vicaire du Christ.

Lorsque la Sacrée Congrégation des Religieux Nous proposa de réunir ce Congrès, Nous crûmes devoir réfléchir : une entreprise de caractère international comme celle-ci exige toujours des dépenses considérables de temps, d'argent et d'effort personnel. Il fallait cependant admettre sa nécessité ou en tout cas sa grande utilité. En fait, Nous avons cru devoir Nous rendre au bien-fondé des motifs présentés et l'imposante assemblée que Nous avons ici sous les yeux, vos regards, toute votre attitude Nous disent que, durant ces jours, une immense bonne volonté était à l'œuvre.

Oui, très chères filles, les échos du Congrès, qui vient de se terminer, ont proclamé avec quel sérieux vous envisagez le service de Dieu et combien vous voulez vous dépenser pour vos familles religieuses et pour l'Église. A cette fin, vous souhaitez entendre de Nous un mot de consolation, d'encouragement, et quelques directives.

Il y a juste un an, Nous avons traité en détail une série de questions qui concernent le bon état des Ordres et Congrégations de Religieuses éducatrices et leur adaptation convenable à la situation actuelle. Un certain nombre, sinon la plupart des indications que Nous donnions alors, valent aussi pour toutes les autres Congrégations de Religieuses. Les expériences de l'année qui vient de s'écouler Nous invitent à attirer votre attention sur les directives, que Nous formulions à cette époque. Nous vous demandons de vous y conformer courageusement, lorsque vos Sœurs et votre propre expérience vous disent que le moment n est venu de tenir compte intelligemment des formes de vie actuelles.

Nous avons pour vous parler ainsi un motif bien spécial. Vous savez que les Ordres de femmes traversent une crise assez grave : Nous voulons dire la baisse du nombre des vocations. Cette crise n'a certes pas encore atteint tous les pays. Même là où elle sévit, son intensité n'est pas égale partout. Mais déjà maintenant dans une série de pays européens, elle est inquiétante. Dans une région où il y a vingt ans, la vie religieuse féminine était en pleine efflorescence, le nombre des vocations a baissé de moitié. Et cependant autrefois de sérieuses difficultés entravaient la vocation des jeunes filles, tandis qu'à notre époque les conditions extérieures semblent y pousser et l'on croirait devoir se mettre en garde contre des vocations fictives.

Nous ne voulons pas traiter en détail de cette crise qui Nous cause de lourds soucis. Une autre circonstance Nous en fournira l'occasion. Aujourd'hui Nous voulons uniquement Nous adresser à ceux qui, prêtres ou laïcs, prédicateurs, orateurs ou écrivains, n'ont plus un mot d'approbation ou de louange pour la virginité vouée au Christ; qui depuis des années, malgré les avertissements de l'Église et à l'encontre de sa pensée, accordent au mariage une préférence de principe sur la virginité; qui vont même jusqu'à le présenter comme le seul moyen capable d'assurer à la personnalité humaine son développement et sa perfection naturelle : ceux qui parlent et écrivent ainsi, qu'ils prennent conscience de leur responsabilité devant Dieu et devant l'Église. Il faut les mettre au nombre des principaux coupables d'un fait dont Nous ne pouvons vous parler qu'avec tristesse: alors que, dans le monde chrétien et même partout ailleurs, retentissent aujourd'hui plus que jamais les appels aux Sœurs catholiques, on se voit bien à regret forcé d'y donner coup sur coup une réponse négative; on est même parfois contraint d'abandonner des œuvres anciennes, des hôpitaux et des établissements d'éducation - tout cela parce que les vocations ne suffisent pas aux besoins.

Pour vous-mêmes, voici Nos recommandations : dans cette crise des vocations, veillez à ce que les coutumes, le genre de vie ou l'ascèse de vos familles religieuses ne soient pas une barrière ou une cause d'échecs. Nous parlons de certains usages qui, s'il avaient jadis un sens dans un autre contexte culturel, ne l'ont plus aujourd'hui, et dans lesquels une jeune fille vraiment bonne et courageuse ne trouverait qu'entraves pour sa vocation. Dans Notre exposé de l'an passé, Nous en avons donné différents exemples. Pour revenir en un mot sur la question du vêtement: l'habit religieux doit toujours exprimer la consécration au Christ; c'est cela que tous attendent et désirent. Pour le reste, que l'habit soit convenable et réponde aux exigences de l'hygiène. Nous ne pouvions qu'exprimer Notre satisfaction, lorsque, dans le courant de l'année, Nous vîmes que l'une ou l'autre Congrégation avait déjà tiré quelques conséquences pratiques à cet égard. En résumé, dans ces choses qui ne sont pas essentielles, adaptez-vous autant que vous le conseillent la raison et la charité bien ordonnée.

Ceci dit, Nous vous proposons, très chères filles, deux exhortations instantes :

1) Une affection maternelle dans la direction de vos Sœurs : Il est sans doute vrai, comme le prétend la psychologie, que la femme revêtue de l'autorité ne réussit pas aussi facilement que l'homme à doser exactement la sévérité et la bonté, à les équilibrer. Raison de plus pour cultiver vos sentiments maternels. Dites-vous bien que les vœux ont exigé de vos Sœurs, comme de vous-mêmes, un grand sacrifice. Elles ont renoncé à leur famille, au bonheur du mariage et à l'intimité du foyer. Sacrifice de haut prix, d'une importance décisive pour l'apostolat de l'Église, mais sacrifice tout de même. Celles de vos Sœurs, dont l'âme est la plus noble et la plus affinée, ressentent ce détachement de la façon la plus vive. La parole du Christ: « Celui qui, ayant mis la main à la charrue, regarde en arrière, n'est pas apte au royaume de Dieu » trouve ici son application intégrale et, aujourd'hui encore, sans réserve. Mais l'Ordre doit remplacer la famille, autant qu'il se peut, et vous, les Supérieures générales, vous êtes appelées en premier lieu à insuffler à la vie commune des Sœurs la chaleur des affections familiales.

Aussi devez-vous vous-mêmes être maternelles dans votre comportement extérieur, dans vos paroles et vos écrits, même si parfois vous devez vous dominer; soyez-le par dessus tout, dans vos pensées intimes, vos jugements et, autant que possible, votre sensibilité. Demandez, claque jour, à Marie, Mère de Jésus et notre Mère, qu'Elle vous apprenne à être maternelles.

2) La formation de vos Sœurs au travail et à la tâche qui leur incombe. Ici pas de mesquinerie, mais soyez larges de vues. Qu'il s'agisse d'éducation, de pédagogie, de soin des malades, d'activités artistiques ou autres, la Sœur doit avoir ce sentiment: la Supérieure me rend possible une formation qui me met sur un pied d'égalité avec mes collègues dans le monde. Donnez-leur aussi la possibilité et les moyens de tenir à jour leurs connaissances professionnelles. Cela aussi, Nous l'avons développé l'année passée. Nous le répétons afin de souligner l'importance de cette exigence pour la paix intime et l'activité de vos Sœurs.

Vous venez, très chères filles, de toutes les parties du monde, de près et de loin. Dites à Vos Sœurs que Nous les remercions pour leur prière dont Nous avons tant besoin ; pour leur bon exemple qui aide puissamment à confirmer tant de catholiques dans leur foi et à conduire vers l'Église tant de ceux qui ne lui appartiennent pas ; pour leur travail au service de la jeunesse, des malades et des pauvres, dans les missions, sous beaucoup d'autres formes qui toutes sont précieuses pour la croissance et l'épanouissement du règne de Jésus-Christ sur les âmes. Dites à vos Sœurs que Nous leur accordons toute Notre affection ; que leurs soucis sont Nos soucis, leurs joies, Nos joies; que, par dessus tout, Nous leur souhaitons la double force du courage et de la patience dans l'œuvre de leur propre perfection et pour l'apostolat que leur divin Maître et Époux leur a assigné.

En signe de Notre bienveillance paternelle et comme gage de la grâce et de l'amour triomphants du Divin Cœur, Nous vous accordons, très chères filles, à vous, à vos Sœurs et à vos œuvres, Notre Bénédiction Apostolique.


* Discours et Messages-radio de S.S. Pie XII, XIV,
Quatorzième année de Pontificat, 2 mars 1952 - 1er mars 1953, pp. 333-336
Typographie Polyglotte Vaticane

 A.A.S., vol. XXXXIV (1952), n. 16, pp. 823 - 826.

 



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