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DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX PARTICIPANTS AU XVIIIe CONGRÈS DE LA
SOCIÉTÉ ITALIENNE DE RADIOLOGIE MÉDICALE*

Lundi 5 avril 1954

 

Nous sommes heureux d'accueillir le groupe imposant que vous formez devant Nous, Messieurs, groupe imposant tant par le nombre que par la qualité de ses membres. Deux grands congrès, l'un national, l'autre international, vous réunissent cette année à Rome autour d'un programme scientifique particulièrement riche, à l'illustration duquel les plus hautes compétences ont brillamment contribué par de savantes conférences et par de nombreux et importants rapports.

La Radiologie se perfectionne de jour en jour et tient maintenant une telle place dans la médecine générale que celle-ci ne peut plus ignorer ses ressources ni se passer de ses services. Le temps n'est plus où elle demeurait pour beaucoup une spécialité aisément négligeable. Elle a désormais, conquis droit de cité dans l'enseignement, car elle a souvent modifié et parfois même révolutionné les données traditionnelles. C'est ainsi que, grâce à l'examen radiologique du vivant, l'anatomie et la physiologie normales et pathologiques ont notablement progressé. Il est devenu possible de diagnostiquer plus tôt et plus sûrement des états congénitaux ou acquis, jusque là difficilement ou trop tardivement discernables. On a pu par le même moyen d'observation mettre en évidence les corrélations et répercussions des anomalies locales et, par le fait même, adapter les traitements, hâter les interventions, apporter à toutes les branches de la médecine un précieux concours.

Le rôle de la Radiologie n'est pas seulement de recherche et d'information, il est aussi thérapeutique, et les applications en sont nombreuses et bienfaisantes, particulièrement dans les cas d'affections inflammatoires et dans le champ, si vaste, hélas, des tumeurs de tous genres.

Que de problèmes techniques résolus depuis 1895, date des premières découvertes de Roentgen, jusqu'aux merveilleux appareils radiologiques d'aujourd'hui ! Là en effet où l'observation directe des phénomènes est impossible, les démarches de l'esprit humain doivent s'entourer d'une multitude de précautions; il faut procéder par hypothèses, inventer constamment quelque nouveau moyen de rendre sensible ce qui ne l'était pas, de mesurer des quantités ou des vitesses absolument en dehors du champ normal de nos sens. La simple question de la chaleur à éliminer dans les générateurs du rayonnement X présente de grandes difficultés techniques, et si l'on passe en revue toutes les conditions nécessaires pour obtenir une image radioscopique ou radiographique correcte, on est stupéfait de les voir réalisées dans un seul et même appareil, le tube à anticathode tournante, aujourd'hui universellement employé.

Lorsqu'on aborde la question proprement médicale des effets du rayonnement X sur la matière vivante, on se heurte encore à un grand nombre d'énigmes touchant la nature des perturbations produites dans les cellules par le mystérieux bombardement de particules infiniment petites douées de vitesses extrêmement grandes. La connaissance que les microscopes électroniques eux-mêmes donnent des éléments les plus ténus de la cellule ne renseigne pas sur les conséquences immédiates et lointaines des lésions subies par ces éléments, ni sur les possibilités de restauration des tissus sains endommagés par le traitement des tissus formés par des cellules parasitaires. On sait toutefois que les cellules parasites et pathologiques sont beaucoup plus sensibles au rayonnement X que les cellules naturelles et saines, et toute la radiothérapie des tumeurs malignes est basée sur cette constatation. Ses indications et ses limites sont marquées par la connaissance des doses que peut supporter le tissu environnant. Il faut s'efforcer de faire parvenir sur la tumeur, à n'importe quelle profondeur, une dose d'irradiation suffisante pour la détruire complètement, tout en épargnant les régions saines. Le grand problème est de déterminer en chaque cas particulier ce que l'organisme du patient peut supporter immédiatement; le temps manque souvent pour attendre les réactions lointaines. D'autre part il faut juguler le mal avant qu'il ne s'étende. On devine la somme de connaissances qu'il faut pour se servir des rayons X. Deux des thèmes de votre congrès y sont consacrés, d'autres étudient de nouvelles techniques radiographiques de la région rénale ou la physiothérapie sportive.

Mais les fruits d'un congrès sont loin d'être épuisés par l'énumération des leçons et communications officielles : les relations et entretiens personnels en constituent souvent l'attrait et le bienfait le plus sensible. Des amitiés profondes basées sur l'estime réciproque amorcent ou entretiennent des collaborations précieuses. Qui ne soupçonne ce qu'il faut parfois, au chercheur et à l'expérimentateur, de patience et de dévouement à la science pour ne pas se contenter d'une certaine approximation, pour ne pas majorer les résultats obtenus, pour garder constamment et jusqu'au bout la parfaite probité scientifique, sans laquelle il ne saurait y avoir d'acquisition définitive ! Un homme seul pourrait se lasser ou succomber à la tâche; s'il est stimulé par l'exemple et l'encouragement d'amis fidèles, il a plus de chances de mener â bien son laborieux effort.

La Radiologie a mis à la disposition des médecins un nouvel instrument, fruit d'une science neuve et hardie, qui ne fait peut-être encore qu'entrevoir la multitude de ses applications futures. Les plus beaux espoirs lui semblent permis, mais une telle perspective pourrait engendrer chez certains une réaction dommageable : l'excès de confiance, et son corollaire presqu'obligé, le découragement, lorsque survient l'insuccès. Toute technique appliquée au recouvrement ou au maintien de la santé s'exerce nécessairement dans un champ d'action limité: elle peut guérir un mal, en ralentir un autre, mais ne supprimera jamais totalement la maladie, la souffrance et la mort. Quand le médecin médite cette vérité, il évite avec peine un sentiment d'amertume, surtout quand il a mis sa foi dans les ressources d'une technique nouvelle, susceptible d'une magnifique évolution. Il aurait tort toutefois de céder à cette impression, et de relâcher son effort. Car, en apportant à d'autres spécialistes une précieuse collaboration, en développant incessamment les possibilités propres à votre branche, vous réussirez peut-être, Messieurs, Nous le souhaitons ardemment, à triompher de maux réputés jusqu'ici incurables.

Mais il est encore un autre objectif, plus digne et plus enviable. N'admirez-vous pas la souveraine aisance, avec laquelle le Christ guérissait les malades qu'on lui apportait: un regard, un geste de la main, une parole de consolation, et le patient s'en allait, délivré de son infirmité, mais surtout purifié au plus intime de son âme et de sa conscience. Ne devez vous pas ambitionner vous aussi d'étendre votre action jusqu'au plan moral ? Le sens d'une destinée humaine ne se limite pas à la jouissance ou au recouvrement d'une santé périssable. Il s'élargit infiniment jusqu' aux réalités ineffables de l'au-delà. Comment accepter la maladie et la souffrance; comment en tirer profit pour la purification de la vie affective et l'appréciation plus exacte des choses humaines. Voila des problèmes qui se posent à tout malade, et dont il cherche obscurément ou consciemment la solution. Si vous voulez aider à y répondre tous ceux qui auront recours à votre aide, vous n'aurez plus à craindre l'échec de vos efforts dans le domaine médical ni même l'incompréhension ou l'opposition de ceux qui prônent des méthodes différentes. Animés d'une charité profonde, vous poserez une action qui, outre son efficacité temporelle, acquiert une valeur d'éternité.

Le savant qui se consacre à des travaux tels que les vôtres ne sert pas une idole, mais, en s'efforçant de connaître les inépuisables ressources de la nature physique et de la nature vivante, il révèle chaque jour un peu plus les trésors déposés par le Créateur dans sa création. Il est comme un découvreur de terres nouvelles à la gloire de son Seigneur. Il est aussi dans la même mesure le bienfaiteur de ses frères les hommes, au service desquels il met immédiatement ou compte mettre le plus tôt possible le résultat de ses recherches. Votre part est belle, Messieurs, dans le travail pour l'humanité et Nous vous adressons bien volontiers les félicitations et les encouragements que vous pouvez attendre de Nous. Rien de ce qui touche à la science et au bonheur de l'humanité ne Nous laisse indifférents, et Nous formons pour le succès de votre labeur les vœux les plus cordiaux et les plus sincères.

Que le Dieu tout-puissant, par la Bénédiction Apostolique reçue de Notre main, répande sur vous-mêmes ici présents, sur vos familles et sur tous ceux qui vous sont chers, l'abondance de ses grâces et ses faveurs les plus précieuses.


* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, XVI,
Seizième année de pontificat, 2 mars 1954 - 1er mars 1955, pp. 5 - 8
Typographie Polyglotte Vaticane



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