DISCOURS DU PAPE PIE XII
AU PÈLERINAGE INTERNATIONAL
DE L'ASSOCIATION DES FILLES DE MARIE IMMACULÉE*
Basilique vaticane - Samedi 17 juillet 1954
Chères enfants de Marie Immaculée,
Dans l'Encyclique Fulgens Corona, par laquelle Nous avons proclamé l'Année mariale actuellement en cours, Nous demandions à tous les fidèles que cette année fût marquée par une étude plus attentive des prérogatives de Marie en vue de mieux l'imiter et de la prier davantage. Nous les invitions aussi à prendre part aux fêtes, congrès ou pèlerinages, organisés en l'honneur de la Mère de Dieu. Or vous avez, chères enfants, réalisé à la lettre Nos désirs, avec une docilité et un empressement qui réjouissent Notre cœur et Nous font augurer les meilleurs fruits pour votre association internationale, pour vos différents groupes et pour chacune d'entre vous.
Qui d'ailleurs était mieux préparé à comprendre pleinement le sens profond de ces manifestations ? N'êtes-vous pas à titre spécial les enfants de l'Immaculée, par votre consécration individuelle mûrement réfléchie, souvent renouvelée et loyalement pratiquée ? Cette année doit donc marquer une grande date dans votre histoire. Il y a sept ans, la canonisation de sainte Catherine Labouré coïncidait providentiellement avec le centenaire de votre association, et de même que la naissance de celle-ci a préludé à la définition du dogme de l'Immaculée Conception, en enflammant d'une intense dévotion les âmes ravies de ce grand privilège marial, ainsi le pèlerinage qui s'achève aujourd'hui à Rome doit, Nous le souhaitons vivement, stimuler l'ardeur de votre piété et l'élan généreux de vos activités apostoliques. Nous savons que c'est la préoccupation de vos directeurs et des animatrices de vos groupes, et Nous pensons que par leur intermédiaire, comme jadis par la voix de sa fidèle servante, Catherine Labouré, Marie veut aujourd'hui renouveler son invitation aux âmes ferventes et faire converger leurs regards et leurs cœurs vers ses mains de grâce, dont ne cessent de jaillir des rayons de lumière : « O Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous ».
Puissiez-vous, chères enfants de Marie Immaculée, mettre dans cette invocation, diffusée à travers l'univers chrétien par la médaille miraculeuse, toute l'admiration et toute la confiance que mérite votre céleste patronne. Marie, à vrai dire, est la mère de tous les chrétiens; mais l'origine surnaturelle de votre Association, l'application que vous avez mise à pénétrer la grandeur de ses privilèges, l'amour avec lequel vous vous êtes consacrées à Elle, sont autant de liens qui vous unissent à l'Immaculée d'une façon particulière. Entretenez donc à son égard la plus vive admiration! Ne craignez jamais d'exalter trop celle qui resplendira dans l'éternité comme le chef-d'œuvre de Dieu, la plus merveilleuse des créatures, le miroir le plus éclatant des perfections divines. C'est pour devenir la Mère de Dieu qu'elle a reçu de son divin Fils tous les dons de la nature et de la grâce. Voilà pourquoi le culte de la Vierge, si du moins on le comprend bien, loin de rien ôter à la gloire de Dieu, remonte immédiatement à Lui, l'Auteur de tout bien, qui l'a voulue si grande et si pure.
Ayez grande confiance dans l'intercession de la Très Sainte Vierge et demandez-lui instamment de vous aider à tenir vos promesses. Vous ne pourriez en effet y rester fidèles sans un secours spécial, car, de toutes parts, le monde invite au laisser-aller, à la facilité et souvent même au péché; tandis que vous cherchez loyalement à faire le bien, il pénètre en vous par ses images, sa publicité, ses spectacles, il impose à votre esprit ses maximes, à votre goût sa mode, et vous n'échapperiez pas seules à ses embûches et ses déformations. Voilà pourquoi votre Association constitue une aide providentielle, en vous éclairant et en vous soutenant dans le combat spirituel, qui se livre nécessairement entre le monde et vous.
Vous avez d'abord besoin d'une formation chrétienne sérieuse. L'explication du catéchisme reçue à l'âge de dix ou douze ans, si soignée qu'on l'imagine, ne saurait suffire pour toute la vie. A mesure que vous grandissez, vous rencontrez de nouvelles difficultés et de nouveaux problèmes, qui appellent des éclaircissements et les conseils de ceux qui vous parlent au nom de l'Eglise. Vous aurez aussi à cœur de lire la revue de votre Association, qui s'adressant à un nombre important d'adhérentes, et basée sur une large information, répond aux questions que se pose toute Enfant de Marie.
Etudiez personnellement la doctrine chrétienne dans les ouvrages que l'on vous indiquera; méditez les grands mystères qui nourrissent la piété; lisez les Evangiles, où vit à jamais le Divin Maître dans ses paroles de vérité, dans ses gestes de miséricorde, dans la sublime simplicité de son Cœur doux et humble. Aimez à prendre contact avec la vie des saints, ces héros du christianisme, si humains et si courageux, et recherchez-y tout ce qui peut alimenter, approfondir et fortifier votre foi.
Vous vivez en effet dans un monde constamment oublieux de Dieu et de l'au-delà, où la seule préoccupation de la foule semble être la satisfaction des besoins temporels, le bien-être, le plaisir, la vanité. Pour garder votre liberté en face d'appels, souvent intéressés, qui s'adressent de toutes parts à vos sens, à votre curiosité, qui sollicitent votre attention, votre temps, votre argent, parfois même votre cœur, il faut édifier au dedans de vous une forteresse spirituelle, où, dans le recueillement et le silence, vous continuiez à écouter respectueusement la voix de Dieu; en un mot, ayez une vie intérieure nourrie d'une foi solide et éclairée.
Cette raison suffirait déjà pour vous inciter à vous unir et à étudier ensemble l'enseignement de l'Église, mais il en est d'autres, non moins importantes. Dans votre association vous trouverez non, seulement la lumière, mais aussi la force de vous sentir nombreuses et pleinement d'accord sur l'idéal de votre vie chrétienne ; n'est-ce pas un puissant soutien dans l'action quotidienne ? Car il ne suffit pas de savoir; il faut agir en conséquence, il faut se compromettre et vaincre le respect humain. L'attitude nette qu'une jeune fille isolée n'osera guère adopter, plusieurs, qui auront réfléchi et prié ensemble, la prendront sans crainte. Il est inutile de donner ici beaucoup de précisions ; les points sur lesquels la morale chrétienne demande l'effort généreux et la réaction décidée de la jeunesse, vous les connaissez bien : ce sont la tenue d'abord, puis les conversations, les lectures, les spectacles, les relations. Oh ! combien de jeunes filles ne croient pas commettre de faute, en suivant docilement certaines modes éhontées. Elles rougiraient certes, si elles devinaient l'impression et les sentiments de ceux qui les regardent. Que ne voient-elles le tort causé par les excès de certains exercices de gymnastique et de sport, qui ne conviennent pas à des jeunes filles vertueuses ? Que de péchés commis ou provoqués par des conversations trop libres, par des spectacles immodestes, par des lectures dangereuses Oh ! que les consciences sont devenues lâches et les mœurs païennes !
La plupart d'entre vous, chères enfants de Marie Immaculée, se destinent au mariage. Puissiez-vous dans vos réunions, sous la conduite prudente de guides expérimentés, comprendre à la lumière de vos responsabilités prochaines quelle doit être votre conduite aujourd'hui et comment on se prépare dignement à la haute mission de mère de famille. Comment répondrez-vous devant Dieu de l'âme de vos enfants, si vous ne savez pas vous imposer à vous-mêmes, dès maintenant la retenue, la maîtrise de soi, sans lesquelles il devient impossible d'observer les commandements de Dieu et de remplir les devoirs de l'éducateur ?
Et si la grâce divine vous invitait à la vie parfaite, craignez de rester sourdes à son appel et de vous rendre indignes d'un si grand don par des négligences, et des complaisances coupables.
Quel que soit d'ailleurs le genre de vie que Dieu vous réserve, comportez-vous dès maintenant avec l'aide de la Très Sainte Vierge selon la noblesse contractée au baptême. Car la filiation divine, qui donne à l'homme non seulement le nom, mais aussi la qualité d'enfant de Dieu, Marie, notre Mère, nous en fera comprendre et aimer les obligations. Jésus lui-même du haut de sa croix voulut ratifier par un don symbolique et efficace la maternité spirituelle de Marie à l'égard des hommes, quand il prononça les paroles mémorables : « Femme, voici ton fils ». En la personne du disciple bien-aimé, il confiait ainsi toute la chrétienté à la Très Sainte Vierge. Le Fiat de l'Incarnation, sa collaboration à l'œuvre de son Fils, l'intensité des souffrances endurées pendant la Passion, et cette mort de l'âme qu'elle éprouva au Calvaire, avaient ouvert le cœur de Marie à l'amour universel de l'humanité, et la décision de son divin Fils imprima le sceau de la toute puissance à sa maternité de grâce. Désormais l'immense pouvoir d'intercession, que lui confère auprès de Jésus son titre de Mère, elle le consacre tout entier à sauver ceux que Jésus lui désigne du haut du ciel, en lui disant encore : « Femme, voici tes enfants ».
Demandez, chères enfants, à la Vierge Immaculée, de vous obtenir un esprit filial vis-à-vis de Dieu. Qu'elle vous enseigne à prier, comme elle le fit dans son Magnificat, le regard tourné vers le Tout-Puissant avec joie et reconnaissance. Qu'elle vous enseigne la docilité, comme elle le fit à Cana, quand elle suggéra aux serviteurs de faire tout ce que leur dirait son divin Fils. Qu'elle vous obtienne enfin une immense charité fraternelle et apostolique, comme elle le fit par sa prière au milieu des premiers chrétiens réunis au Cénacle.
Tandis que Nous formulons ces souhaits, Nous vous assurons encore de toute l'affection de Notre cœur paternel, et Nous vous donnons, en gage des abondantes faveurs du ciel, pour vous-mêmes, vos familles, tous ceux qui vous sont chers, Notre Bénédiction apostolique.
* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, XVI,
Seizième année de pontificat, 2 mars 1954 - 1er mars 1955, pp. 55 - 60
Typographie Polyglotte Vaticane
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