DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS-PÈLERINAGE
DES CONGRÉGATIONS MARIALES*
Mercredi 8 septembre 1954
C'est une grande joie pour Nous d'accueillir ce soir, dès leur arrivée, les milliers de Congréganistes de la Très Sainte Vierge réunis à Rome pour la première session de leur Fédération mondiale. Que Marie Immaculée, dont l'Église fête aujourd'hui la Nativité bienheureuse, vous soit propice, chers fils et filles du monde entier venus à ce Congrès; qu'elle bénisse votre union et augmente votre ferveur !
Nous voulons tout d'abord vous dire combien Notre cœur est sensible à l'hommage de vos prières et des dons qu'elles accompagnent, car Nous savons la foi et l'affection profonde qu'elles signifient. Vous avez voulu également, par une délicate attention, faire mémoire du 60e anniversaire de Notre propre consécration de Congréganiste, et de cela aussi Nous vous remercions.
En cette Année mariale, vous voici au lieu même où le 8 décembre 1854, Notre prédécesseur de sainte mémoire, Pie IX, proclamait, au milieu de la joie universelle des chrétiens, la foi infaillible de l'Église catholique en la Conception Immaculée de la Vierge Marie, Mère de Dieu. Comment n'auriez-vous pas célébré de façon spéciale cet heureux centenaire, chers Congréganistes, qui vous êtes consacrés à la Très Sainte Vierge ? Votre pèlerinage n'est pas simplement un acte de piété filiale, il manifeste encore votre volonté de progresser toujours davantage dans la ligne de la perfection chrétienne à laquelle vous aspirez; aussi attendez-vous de Notre part encouragements et directives pour mieux réaliser votre idéal de piété et d'apostolat.
Le Congrès qui s'ouvre aujourd'hui doit être en effet le point de départ d'une rénovation spirituelle de toutes les Congrégations du monde. Il a pour thème : « La plus grande gloire de Dieu par une plus grande sélection, une plus grande union avec la hiérarchie, une plus grande collaboration avec les autres associations apostoliques ». Nous avons eu déjà l'occasion d'écrire au directeur de votre secrétariat central que ce programme Nous paraît excellent, car il renferme en peu de mots les principales indications que Nous avons formulées dans Notre Constitution Apostolique Bis saeculari. Ce document, auquel Nous avons donné une forme solennelle pour en souligner l'importance, expose les obligations et les prérogatives des congrégations mariales affiliées à la Prima Primaria du Collège Romain. Nous voulons qu'il demeure la charte des congrégations, qu'il fixe à la fois leur régime intérieur et leur situation dans l'Église.
Aujourd'hui, Nous insisterons seulement sur les trois points du programme que Nous rappelions à l'instant : sélection, union à la hiérarchie, coopération apostolique. Le premier d'entre eux est essentiel pour assurer la rénovation désirée. Les congrégations ne sont pas de simples associations de piété, mais des écoles de perfection et d'apostolat. Elles s'adressent aux chrétiens qui, non contents de faire un peu plus que le nécessaire, sont décidés à répondre généreusement aux attraits de la grâce, à chercher et pratiquer selon leur état de vie toute la volonté divine. C'est pourquoi nul ne pourrait y être admis en vertu de quelque tradition, pour honorer la congrégation ou recevoir d'elle estime et dignité. Seul entre en ligne de compte le désir d'une plus grande perfection, d'une vie chrétienne rayonnante de ferveur personnelle et apostolique. Que les conseillers appelés à donner leur avis et surtout le directeur, qui seul prend la responsabilité de l'admission, considèrent sérieusement ces points essentiels. L'aptitude, du candidat se manifestera par sa fidélité aux réunions, par le goût de la prière, la pratique des sacrements de Pénitence et d'Eucharistie, en un mot par l'application à croître sans cesse dans l'amour de Dieu, fondement du zèle des âmes. Celui-ci en effet pour se maintenir et porter des fruits requiert une vertu surnaturelle. Or ni la foi, ni l'espérance, ni la charité ne procèdent d'un heureux caractère ou d'une activité spontanée : elles constituent des dons divins, qu'il faut demander humblement, constamment, et cultiver avec soin. Celui qui aspire à être un congréganiste digne de ce nom engage nettement la lutte contre les tendances moins bonnes. Résolu à se dégager entièrement de l'emprise du péché, il vise à l'imitation toujours plus fidèle de Jésus, le Fils de l'Homme doux et humble de cœur. Il brûle comme lui d'accomplir les moindres désirs de son Père, de lui plaire en tout et malgré tout. Que cet idéal séduisant et austère soit en chacun de vous, chers fils et filles, le principe des plus éclatantes rénovations spirituelles, le soutien d'un effort silencieux et lent comme la vie, mais incoercible comme l'action de Dieu.
L'union à la hiérarchie, signe visible de l'attachement sincère au Christ, sera aussi la pierre de touche de la pureté du zèle. Si Nous avons tenu à ranger les congrégations mariales, telles que les définit la Constitution Bis saeculari, parmi les formes les plus authentiques de l'Action catholique, c'est qu'elles travaillent expressément à faire entrer leurs membres dans l'esprit de l'Église, « sentire cum Ecclesia ». Or, cette disposition est la seule qui convienne, lorsqu'on prétend collaborer à l'apostolat de la hiérarchie. Responsable de la gloire de Dieu sur la terre, dépositaire des pouvoirs divins, la hiérarchie assigne leur tâche à chacun des volontaires qui s'offrent pour continuer l'œuvre du Christ. Afin de lui prêter une aide efficace, il ne suffit pas de soumettre à son approbation toute institution existante ou toute initiative nouvelle; mais il importe d'entrer dans son esprit, de comprendre ses intentions, de prévenir ses désirs ; cela suppose humilité et obéissance, dévouement et abnégation, solides vertus que ne manque pas de développer la formation sérieuse des congrégations. Animés d'une volonté de servir à tout prix, les congréganistes ne cherchent jamais à faire bande à part ou à revendiquer pour eux seuls certains secteurs, mais ils sont prêts au contraire à travailler là où la hiérarchie les envoie. Ils servent l'Église non comme une puissance étrangère ni même comme une famille humaine, mais comme l'Épouse du Christ inspirée et guidée par l'Esprit Saint lui-même, et dont les intérêts sont ceux de Jésus. L'Apôtre saint Paul souffrait déjà de constater que certains — tous, disait-il dans son amertume — « tous recherchent leurs propres intérêts, non ceux de Jésus-Christ » (Ph 2, 21). Qu'un tel avertissement vous tienne en éveil ! Oublieux de vous-mêmes, prompts à répudier toute étroitesse de vue, acceptez les consignes de l'Église, comme venant de votre divin Chef. Ainsi pourrez-vous dire avec l'Apôtre « au jour du Christ... ma course et ma peine n'auront pas été vaines » (ibid. 2, 16).
Le thème de votre Congrès envisage aussi une plus grande coopération avec les autres associations apostoliques. Outre son aspect pratique, cette union des efforts fournit un signe non équivoque de la présence du Christ parmi ceux qui, dans l'action comme dans la prière, obéissent à une même inspiration. « Qu'ils soient un, demandait avec instance Jésus à son Père dans sa prière sacerdotale, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que tu m'as envoyé » (Jn 17, 21). L'apostolat participe en quelque sorte à la mission divine de Jésus ; il manifeste aux homme l'amour du Père et du Fils dans le don de leur unique Esprit. Vous vous rappelez sans aucun doute comment les Actes des Apôtres soulignent ce fruit merveilleux de l'Esprit Saint au lendemain de la Pentecôte : « La multitude des croyants n'avait qu'un cœur et qu'une âme. Nul ne disait sien ce qui lui appartenait, mais entre eux tout était commun. Avec beaucoup de puissance, les apôtres rendaient témoignage à la résurrection du Seigneur Jésus, et ils jouissaient, tous d'une grande faveur » (Ac 4, 32-34). Ce rayonnement apostolique si extraordinaire dans la première communauté chrétienne s'est renouvelé de diverses manières dans l'histoire de l'Église, en particulier aux heures critiques où seule la poussée vigoureuse de forces jeunes, aux convictions intactes, fondues dans un seul et même élan, pouvait renverser des obstacles apparemment insurmontables. N'est-ce pas un témoignage de ce genre que l'époque actuelle attend tout particulièrement de vous ? Tant d'initiatives généreuses s'éparpillent sur des voies divergentes, s'ignorent et. parfois, hélas, en viennent à s'opposer. Et pendant ce temps, le mal poursuit sans trêve sa conquête et pénètre partout, faute de bonne entente et de coordination parmi les bons.
Tout comme aux débuts de l'Église, où la puissante intercession de Marie méritait à la communauté de Jérusalem la concorde parfaite dans la charité, Nous souhaitons vivement que la Reine des Apôtres vous anime tous, chers fils et filles ici réunis, et tous vos compagnons des congrégations du monde entier que vous représentez auprès de Nous, d'un esprit de sincère collaboration. Que l'on puisse dire de vous, en retournant le mot de saint Paul cité tantôt : « aucun ne recherchait ses propres intérêts, mais uniquement ceux de Jésus-Christ ».
Tel est le vœu que Nous formulons pour finir. Daigne Marie le garder et le faire fructifier dans tous les lieux où vous allez retourner, emportant de Rome et de ce congrès le souvenir d'un souffle de Pentecôte et la volonté de répondre avec libéralité à tant de grâces obtenues sous le patronage de Marie Immaculée. En gage de la bienveillance divine qu'appellent Nos prières les plus ferventes, Nous vous accordons à vous-mêmes, chers fils et filles, à chacune de vos Congrégations, à chacune de vos fédérations nationales et à votre fédération mondiale, la plus paternelle et la plus cordiale Bénédiction apostolique.
* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, XVI,
Seizième année de pontificat, 2 mars 1954 - 1er mars 1955, pp. 117 - 121
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