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DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX PARTICIPANTS AU VIIe CONGRÈS GÉNÉRAL DE L'ASSOCIATION INTERNATIONALE DE L'HÔTELLERIE*

Castel Gandolfo - Mercredi 24 novembre 1954

 

Nous sommes heureux d'accueillir l'hommage de votre visite, Messieurs, et de souhaiter la bienvenue aux nombreux participants du 7e Congrès Général de l'Association Internationale de l'Hôtellerie.

Il Nous est toujours agréable, vous le savez, de saluer les délégations des grands congrès internationaux, si fréquents désormais à Rome. Leur multiplication souligne le caractère mondial de la civilisation moderne et donne l'espoir d'une meilleure intelligence entre les peuples, d'une fraternisation et d'une pacification des esprits, que des vues trop étroites risquent toujours de retarder ou d'empêcher. Or vous avez un rôle important à jouer pour favoriser et hâter l'heureuse évolution qui se poursuit à travers les vicissitudes politiques et les guerres froides ou sanglantes.

Le premier sujet de votre Congrès concernait précisément la fonction de l'industrie hôtelière dans la propagande nationale. Le mot fonction est heureusement choisi, car il dit plus qu'une possibilité il indique un devoir, une occupation qui engage la responsabilité de celui qui l'exerce, en un mot un service. Il est difficile de mesurer tout ce que représentent pour le voyageur les séjours qu'il a fait dans les hôtels. En plus de la satisfaction qu'il était en droit d'attendre du logement, de la nourriture et de l'organisation matérielle, en plus des rencontres qu'il a pu y faire, il retient la politesse, le bon goût, la discrétion du personnel et tous les égards dont il a été l'objet. Quelle meilleure propagande pour un pays que le souvenir favorable laissé aux voyageurs par les hôtels où ils sont descendus ? Il règne dans chaque établissement un climat qui ne s'oublie pas, et qui suppose de la part de la direction une idée particulière du rôle social et même national des hôtels: leur tenue symbolise en quelque sorte l'accueil même de la nation qu'ils représentent. La foule cosmopolite de leurs clients se renouvelle sans cesse, mais elle baigne durant quelques jours, parfois quelques heures seulement, dans une atmosphère particulière qui se grave dans la mémoire, on serait tenté de croire que tous les grands hôtels se ressemblent. En fait, il n'en est rien. Le cadre général peut être le même, mais la disposition des lieux, le mobilier, la décoration, un ensemble de détails matériels, et par dessus tout le style du service, donnent à chaque maison une allure spéciale : un ton sérieux, une distinction aimable, ou au contraire un genre mondain; c'est ainsi que se créent les réputations jusqu'au delà des frontières, et que les hôtels jouent un rôle très appréciable dans la propagande nationale. La publicité, pour légitime et importante qu'elle soit, ne saurait remplacer la valeur réelle, et le souci de tout bon hôtelier est de ne jamais faire mentir la renommée de sa maison, C'est une lourde tâche et qui demande de grandes qualités.

Parmi les principales responsabilités techniques et morales d'un directeur d'hôtel s'inscrivent la formation et les conditions de vie du personnel. Tout établissement d'un certain ordre comporte en effet un nombre considérable d'emplois fort divers, des plus modestes aux plus importants, pour lesquels des garanties professionnelles très sûres sont requises. Une tradition déjà ancienne conseillait aux agents de direction de séjourner un certain temps à l'étranger pour se perfectionner dans leur spécialité, et particulièrement pour acquérir la maîtrise des langues, si utile dans l'industrie hôtelière. Aujourd'hui les échanges se réalisent facilement sur une plus vaste échelle et bénéficient d'une organisation plus méthodique; des écoles hôtelières ou des services bénévoles assurent non seulement l'acquisition des connaissances, mais aussi l'éducation nécessaire. Il serait vain, n'est-il pas vrai, de passer sous silence les dangers de la vie dans les hôtels. Ils tiennent à la mobilité même de la clientèle et au relatif incognito, dont elle jouit. Les garanties légales et la vigilance de la direction ne peuvent pas toujours empêcher le personnel ou les voyageurs d'abuser de la situation particulière, où ils se trouvent. C'est pourquoi il importe que le choix et la préparation aux divers offices se fassent très sérieusement, en tenant compte des graves responsabilités encourues.

Mais Nous préférons, sans insister davantage, considérer le côté le plus noble de votre profession. Son importance grandissante et sa transformation en industrie ne doivent pas lui faire oublier la dignité de ses origines. Pourquoi en effet les traditions de l'hospitalité, inspirées dès l'antiquité par des motifs religieux, et toujours florissantes dans la plupart des peuples, seraient-elles oblitérées par le fait que celle-ci est devenue une profession ? Le simple intérêt bien compris suggère à l'hôtelier de traiter ses clients avec toute l'attention et la serviabilité possibles ; mais quiconque a de la personne humaine une idée suffisamment élevée unira, aux marques extérieures de déférence, la nuance de respect sincère, qui confère sa vraie noblesse au ministère de l'hospitalité. Le caractère sacré, que revêtait autrefois le voyageur, dépendait sans doute de croyances et de conditions économiques qui se sont modifiées considérablement avec les progrès de la civilisation. Et pourtant, même à l'époque du chemin de fer, de l'automobile et de l'avion, l'arrivée d'un inconnu qui se confie à vous pour quelques jours, ou même pour une nuit, met en jeu le sentiment profond d'un engagement réciproque, qui dépasse de loin la portée d'un service purement matériel. Car, consciemment ou non, devant cet homme qui s'adresse à vous, vous vous demandez : d'où vient-il ? et où va-t-il ? Quels secrets porte-t-il en lui ? Quelles douleurs, quelles angoisses peut-être ? La demeure, que vous lui offrirez pour quelque temps, représente à ses yeux, et réalise un peu dans l'immédiat, celle à laquelle il aspire au plus intime de son âme, par delà les inquiétudes et les détachements de l'existence terrestre. Elle doit être une image de la maison paternelle, du havre définitif de paix et de fraternité, auquel Dieu convie tous les hommes de bonne volonté. Heureux serez-vous si vous réussissez, par la cordialité de votre accueil, son atmosphère de compréhension et la parfaite dignité morale de votre établissement, à mériter la gratitude de vos hôtes et à leur laisser le souvenir d'un séjour agréable et bienfaisant.

Cet heureux résultat sera sans doute la récompense de vos efforts ; mais il n'est rien de parfait sur cette terre sans le secours de Dieu. C'est pourquoi Nous l'implorons sur vous tous ici présents, sur vos familles et vos amis, sur tous ceux dont à un titre quelconque vous avez ]a responsabilité, et Nous vous accordons de grand cœur à cet effet Notre paternelle Bénédiction apostolique.


* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, XVI,
Seizième année de pontificat, 2 mars 1954 - 1er mars 1955, pp. 271-273
 Typographie Polyglotte Vaticane

 



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