DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX PARTICIPANTS À LA Ve ASSEMBLÉE ANNUELLE DU
« CONGRESS OF EUROPEAN AMERICAN ASSOCIATIONS »*
Castel Gandolfo - Dimanche 18 septembre 1955
Messieurs,
Des efforts considérables ont été déployés ces derniers temps par les peuples de l'Occident pour chercher les moyens d'assurer une paix durable. Les chefs d'État s'ingénient à trouver les formules politiques, économiques, militaires, capables de consolider toujours davantage les liens, souvent fragiles, qui unissent entre elles leurs nations. Ces tentatives revêtent sans aucun doute la plus grande importance, et l'on ne peut qu'y applaudir. Mais elles supposent à l'échelon inférieur, entre les peuples eux-mêmes, un accord préalable, une bonne entente, une compréhension, qui puissent fournir aux travaux des dirigeants une base suffisamment stable, offrant des garanties sérieuses de solidité.
C'est pourquoi Nous apprécions hautement le but que se propose le « Congress of European American Associations », qui vous réunit maintenant à Rome pour sa 5e Assemblée annuelle. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, quand plusieurs États d'Europe eurent repris contact avec l'Amérique, un vaste mouvement de sympathie incita bon, nombre d'Européens à intensifier les relations culturelles entre les États-Unis et leur propre pays. À côté d'associations plus anciennes, parmi les quelles Nous retiendrons l'« Associazione Italo Americana », fondée en 1919 et qui vous a invités à ce Congrès, des sociétés nouvelles se sont constituées par initiative privée, afin de multiplier les occasions de rencontre avec l'Amérique dans tous les domaines de la culture, et de la faire ainsi mieux connaître par le public européen. En 1950, il apparut que ces diverses associations trouveraient, à s'unir sur le plan européen, un précieux stimulant et l'occasion d'échanges plus féconds. C'est ainsi que naquit le « Congress of European American Associations », destiné à coordonner l'activité des associations membres, en vue de promouvoir et entretenir les bonnes relations entre l'Europe et l'Amérique.
Nous n'avons pas l'intention de passer en revue les aspects extrêmement variés, que présente votre activité suivant les divers pays. Nous voudrions simplement en évoquer quelques idées directrices, particulièrement dignes de considération.
Le premier objectif que vous poursuivez est de favoriser, entre les États-Unis et les pays européens, une meilleure connaissance mutuelle et, pour cela, de redresser les informations inexactes, de combattre les préjugés, d'assainir au maximum le climat des échanges internationaux; c'est là en effet une condition indispensable à la collaboration efficace des gouvernements, que vous tendez à préparer et faciliter.
Les relations touristiques et culturelles en général apportent à chacun des partenaires des occasions d'enrichissement, invitent à un effort de réflexion, à une mise au point, à l'approfondissement des idées et des conceptions, qui prévalent de part et d'autre. Elles contribuent à développer une condition essentielle de la concorde: le respect des traits originaux propres à chacun des peuples.
Au cours des dernières décades, la recherche scientifique et les progrès techniques, qui en découlent, se sont engagés dans la voie d'un développement rapide et d'une spécialisation très poussée. La diversification du champ du savoir, le renouvellement fréquent des instruments de travail, théoriques et pratiques, le rythme même du progrès appellent nécessairement des échanges plus réguliers entre savants, techniciens, directeurs d'entreprises, non seulement par les Congrès, ou les rencontres personnelles, mais surtout par le texte imprimé : revues, journaux, périodiques. Le grand public lui aussi suit avec intérêt, grâce à la presse de vulgarisation, le perfectionnement des techniques et le mouvement des idées. On voit se multiplier les traductions d'œuvres marquantes et les manifestations destinées à faire connaître les productions littéraires et artistiques des divers pays.
Mais il ne suffit pas d'une information abondante et exacte, ni même d'une compréhension purement intellectuelle, Pour assurer une vraie collaboration. Celle-ci exige une base plus solide que le simple désir de connaître, ou même de se procurer des avantages d'ordre matériel. Sans doute peut-on légitimement envisager et poursuivre des intérêts économiques, et souvent les améliorations obtenues dans ce domaine conditionnent le progrès social et culturel. Mais il importe de remonter jusqu'aux présupposés d'ordre moral et spirituel, jusqu'aux principes qui commandent les attitudes profondes des individus et des peuples. Les nations d'Occident ont apprécié l'aide importante, qui leur fut accordée par l'Amérique au lendemain de la seconde guerre mondiale, et qui leur permit de réparer les dégâts considérables dont elles avaient souffert, de pourvoir au rééquipement et à la modernisation de leurs industries. Nul ne peut méconnaître la générosité large, dont témoignent ces interventions. Nous aimons à croire qu'au delà de leur portée économique et de leur témoignage éloquent de solidarité internationale, elles préparent l'éclosion d'une conception plus haute de l'homme et de la société humaine. La civilisation des peuples d'Occident ne peut sombrer dans un matérialisme qui, au moins implicitement, met son idéal dans la jouissance des commodités de l'existence. Il faut qu'elle se propose au contraire la libération des valeurs spirituelles, si durement combattues dans beaucoup d'institutions modernes. S'il est trop évident que des tendances mauvaises, des forces de dégradation et de destruction assaillent sans cesse le cœur des individus et la conscience collective des nations, ne faudrait-il pas qu'à tous les échelons de la structure sociale : famille, milieux de travail et de divertissement, organisations politiques et culturelles, on s'ingénie à rendre inopérants les facteurs de démoralisation et tout ce qui entretient l'égoïsme, l'esprit de jouissance ou de domination ? Il ne manque certes pas, de part et d'autre de l'Atlantique, d'hommes soucieux de répondre aussi fidèlement que possible aux exigences de leur conscience et de faire régner dans leur milieu la justice et la charité. C'est eux qui doivent agir, et Nous croyons que les vérités chrétiennes fondamentales sont la force la plus capable, de fournir les principes théoriques et les moyens pratiques transformer cet idéal en réalité.
Il vous appartient, Messieurs, de discerner parmi les influences tellement mêlées, qui vont et viennent entre l'Europe et l'Amérique, celles qui sont vraiment constructives et se révèlent utiles au progrès moral et spirituel des peuples en présence. Ainsi peut-on espérer voir se dégager plus clairement le visage authentique de l'homme, maître non seulement des choses, mais surtout de lui-même, et conscient de sa destinée transcendante, individuelle et sociale, et de ses responsabilités de créature faite à l'image de Dieu.
Nous vous souhaitons de travailler dans votre domaine propre à la réalisation de cet idéal. Nous sommes persuadé que l'ardeur des membres de vos Associations saura inventer les moyens de hâter l'heure d'une pleine compréhension mutuelle entre les Etats-Unis et les nations d'Europe.
L'Église en tout cas se réjouit de voir consacrer tant de bonne volonté et de zèle à la poursuite d'un objectif qu'elle fait sien sur un plan absolument universel; c'est entre tous les peuples qu'Elle voudrait voir s'établir des échanges similaires et elle aperçoit, dans l'œuvre que vous accomplissez, une étape significative vers ce terme lointain. Puisse la charité chrétienne, source de toute compréhension et ennemie de l'orgueil et de la suffisance, animer de plus en plus vos travaux et leur assurer les résultats qu'ils méritent.
En gage d'heureux succès et en témoignage de Notre profonde bienveillance, Nous vous accordons à vous-mêmes, à vos familles, aux membres de vos Associations, Notre Bénédiction apostolique.
* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, XVII,
Dix-septième année de Pontificat, 2 mars 1955 - 1er mars 1956, pp. 237-240
Typographie Polyglotte Vaticane
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