DISCOURS DU PAPE PIE XII,
À UN GROUPE D'AVOCATS DE PARIS
Salle du Trône - Mardi 23 avril 1957
L'illustre barreau de Paris auquel vous appartenez, Messieurs, a toujours compté des hommes d'une culture et d'un talent hors pair ; aussi est-ce pour Nous un plaisir vraiment particulier de saluer des visiteurs aussi distingués et de leur dire toute l'estime que Nous avons pour leur profession. L'Ordre des avocats, déclarait le Chancelier d'Aguesseau, est « aussi ancien que la Magistrature, aussi noble que la Vertu, aussi nécessaire que la Justice » (Œuvres de M. le Chancelier d'Aguesseau [Paris, Libraires associés, 1795] t. r. p. 3. Discours pour l'ouverture des audiences du Parlement. Premier discours: L'indépendance de l'Avocat — prononcé en 1693).
Collaborateurs attitrés des tribunaux, vous faites jaillir la vérité de la diversité des témoignages et des documents. Lorsque vous prêtez au demandeur ou à l'inculpé l'assistance de votre compétence technique et de votre talent oratoire, l'effort de la clarification que vous poursuivez doit mettre en lumière ce que le procès a d'unique dans sa réalité précise et humaine. Tandis que la loi détermine séparément les divers éléments de la justice, votre rôle est d'en faire prévaloir une interprétation synthétique et nuancée, qui tienne compte de toutes les circonstances matérielles et psychologiques. La difficulté même de la tâche requiert pour s'en acquitter dignement des qualités peu communes et une préparation des plus attentives.
Une longue étude du droit, devenue aujourd'hui si complexe, sanctionnée par une série d'examens sérieux, permet d'aborder l'épreuve salutaire des stages. Celle-ci révélera les aptitudes réelles du candidat à la profession d'avocat, en manifestant son habileté à passer des connaissances théoriques à leur application dans l'art de la plaidoirie. C'est un grand art en effet, fait de rigueur et de finesse, de logique et d'éloquence, qui ne doit négliger aucun détail, mettre en valeur les nuances les plus subtiles, parler à l'intelligence et au cœur, élargir le débat ou le maintenir sur un point précis. Tout cela suppose une grande maîtrise de la langue et de l'élocution, une culture générale vaste et profonde, une capacité considérable de travail et d'improvisation. Depuis l'antiquité, votre carrière n'a cessé d'ouvrir la voie aux charges les plus élevées de l'État, car tandis qu'elle embrasse le plus largement la condition humaine, enracinée dans l'histoire, définie par le droit, en proie au jeu des passions, elle révèle et développe les dons supérieurs qui font les gouvernants.
Mais, sans quitter une profession bien digne d'occuper toute la vie d'un homme, combien d'avocats célèbres n'ont-ils pas exercé sur leur époque une influence rayonnante? Plus d'un même a vu sa gloire consacrée par l'élection à l'Académie Française. C'est précisément l'éloquence de l'avocat Olivier Patru qui, dès 1640, fut à l'origine de ces fameux discours de réception à l'Académie Française, délices des lettrés et souvent documents d'histoire. Il Nous plait de noter que dans la société actuelle, si fortement contrainte à la spécialisation technique et aux disciplines scientifiques, vous illustrez la valeur irremplaçable de l'humanisme classique, qui souligne les valeurs spirituelles et fait prévaloir le sens de l'homme sur le culte de la puissance.
C'est pourquoi le talent n'est pas une qualité suffisante dans une profession, qui touche de si près à l'exercice de la justice. Indépendance et désintéressement constituent des vertus essentielles et particulièrement méritoires chez un avocat. La morale professionnelle lui demande, comme à tous les hommes, de ne servir que la vérité, mais ce devoir est particulièrement onéreux, quand il s'agit de défendre un accusé, de faire mitiger pour le coupable la rigueur des lois. Depuis longtemps les libertés de la défense ont été nettement déterminées. Un homme d'honneur doit cependant toujours lutter contre la tentation de dépasser les limites permises, et le cas de saint André Avellin, voulant, dit-on, quitter le monde pour réparer un léger mensonge commis au cours d'une plaidoirie, montre assez la situation délicate, où se trouve parfois un caractère foncièrement droit en face des problèmes de sa profession.
Un saint Yves, par contre, est vénéré et invoqué comme patron par votre ordre pour avoir défendu courageusement les pauvres et les opprimés. C'est là que se manifeste la grandeur d'un office, où la justice et la miséricorde s'embrassent dans un même amour de Dieu et du prochain. Nous souhaitons que le Seigneur vous accorde la grâce de goûter, dans une mission si honorable et si utile aux hommes, les joies les plus profondes de l'esprit et du cœur. Vous continuerez ainsi la noble tradition de vos prédécesseurs, défenseurs du droit et de l'humanité. À cette intention et pour toutes celles que vous portez actuellement en vous, Nous vous accordons de grand cœur Notre paternelle Bénédiction apostolique.
* Discours et messages-radio de S. S. Pie XII, XIX,
Dix-neuvième année de Pontificat, 2 mars 1957 - 1er mars 1958, pp. 103-105
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