DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX PARTICIPANTS À LA CONFÉRENCE NATIONALE
DES COMITÉS RÉGIONAUX D'ÉTUDES POUR
LA MISE EN VALEUR DE LA FRANCE*
Lundi 29 avril 1957
Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui la Mission d'Etudes en Italie de la Conférence Nationale des Comités Régionaux pour la mise en valeur de la France, et de saluer cet effort que vous poursuivez, Messieurs, en vue d'une exploitation plus rationnelle des ressources et du travail de votre pays. Nous avons pris, en effet, le plus vif intérêt aux documents traitant de l'organisation et des travaux de vos Comités, qui Nous ont été aimablement communiqués. La France, si variée et si belle, si harmonieuse dans sa diversité, a vu depuis des siècles se concentrer autour de sa capitale une partie de plus en plus considérable de ses activités administratives, intellectuelles et économiques. Un simple regard sur les réseaux de routes et de chemins de fer en donne déjà une certaine idée. Il n'est pas douteux que ce rassemblement de forces n'ait présenté et ne présente encore de grands avantages, mais depuis longtemps déjà, on s'accorde à le reconnaître, la situation s'est aggravée. Il en résulte une congestion croissante, nuisible à la vie de la nation, et spécialement à son expansion économique. Des séries d'études et de projets cherchent les remèdes à ce mal et, depuis quelques années, des textes législatifs apportent aux initiatives privées le secours financier et les cadres administratifs nécessaires. Les organismes issus de ces efforts se sont constitués en Conférence Nationale, afin de coordonner leurs travaux. Des journées d'études permettent de confronter les documentations et les expériences, et très sagement, des regards au delà des frontières vous apprennent ce que d'autres pays ont déjà réalisé ou tenté dans un but analogue. C'est la raison pour laquelle vous visitez actuellement l'Italie, et Nous souhaitons de tout cœur que ce voyage vous fournisse le complément d'information que vous désirez. Il n'est pas de Notre compétence d'entrer dans les questions économiques concernant vos programmes, mais vous Nous permettrez d'exprimer ici les réflexions que Nous suggèrent vos entreprises. Il n'échappe en effet à personne que de graves intérêts humains se trouvent en jeu, et Nous aimons à noter tout de suite que les documents, dont Nous avons pris connaissance, témoignent du soin avec lequel ils ont été considérés. En de tels problèmes, le respect de toutes les données objectives constitue la plus grave des responsabilités, comme aussi le plus compliqué des devoirs, si l'on veut ne majorer aucun avantage, ni négliger aucun inconvénient. Le technicien doit éviter les prévisions discutables et les approximations dangereuses, se défier de ses propres tendances et de celles du milieu, auquel il appartient ou pour lequel il travaille. En particulier, lorsqu'il s'agit de supputer les données psychologiques, les besoins individuels et sociaux, il importe d'observer une juste hiérarchie des valeurs et de ne pas tout subordonner aux intérêts économiques. D'autre part, le souci prépondérant des conditions humaines qu'entraîneront les changements proposés, n'autorise pas à maintenir des situations, qui constituent pour l'avenir même des familles et pour l'économie nationale un obstacle certain. Le rendement économique doit croître de manière rationnelle dans chaque région, mais selon les impératifs du bien supérieur de toute la nation, lequel comporte un élément moral des plus précieux. C'est ainsi que, quittant les régions où l'on mène une vie austère, affluent continuellement vers les villes des hommes pleins de santé et d'ardeur, riches de l'acquis de plusieurs générations laborieuses, de ces hommes dont toute la nation a besoin pour les tâches difficiles et pour l'exemple de son peuple. On ne saurait permettre que leur pays natal, véritable réservoir d'énergie humaine, devienne peu à peu un désert inhabitable. Il faut au contraire empêcher que de telles populations ne s'altèrent, afin que leur vigueur continue à renforcer les agglomérations urbaines pour le plus grand bien de tous. L'unité, vers laquelle évolue le monde, crée nécessairement des sujétions nouvelles, une subordination plus étroite, dont il faut se réjouir, dans la mesure où elle s'oppose à l'égoïsme instinctif des individus, des familles, des localités et même des régions ou des nations. Ce serait cependant un abus et une erreur de transformer cette subordination en véritable servitude, car le dirigisme exagéré tue l'initiative et ne convient ni à la dignité de l'esprit ni à la juste liberté des hommes. Seule une volonté loyale de servir le bien commun permet d'harmoniser les décisions de l'organisme supérieur et l'intérêt spontané ou réfléchi des citoyens. Il y a donc lieu d'éduquer sainement l'opinion publique et les particuliers pour susciter un intérêt général envers les problèmes régionaux, pour apprendre à les considérer dans l'ensemble de l'économie nationale, pour faire admettre et même souhaiter l'intervention des compétences et des pouvoirs publics, sans toutefois refuser les efforts que suppose tout progrès, ni les sacrifices d'ordre matériel et sentimental, sans lesquels les réformes les plus justifiées et les plus raisonnables risquent d'échouer. Déjà la création d'Instituts d'économie régionale et d'un Institut français des économies régionales assure une précieuse collaboration, intellectuelle, technique et financière, en vue de constituer, non pas des unités autonomes, mais des foyers animateurs de chaque région, pour le plus grand bien de l'économie générale. Ces Instituts en effet visent à développer méthodiquement l'expansion, non seulement industrielle, mais aussi agricole, en adaptant et en modernisant les activités selon un plan national, et celui-ci comporte l'obligation d'exporter largement, car un pays qui chercherait à maintenir indûment son autarchie se condamnerait à l'étouffement. Des réalisations audacieuses et encourageantes commencent à stimuler les esprits, et Nous formons les meilleurs vœux pour que le mouvement d'expansion normalisée, auquel vous consacrez vos efforts, amène dans toutes vos provinces l'épanouissement d'une vie nouvelle, à la fois plus humaine et plus sociale, plus conforme aux aspirations profondes des individus et de la nation, nous est particulièrement agréable de parler de vie nouvelle en ce temps de Pâques, où l'Église fête la Résurrection de Celui, qui demeure pour tous la Voie, la Vérité et la Vie, de Celui qui est venu non pour être servi, mais pour servir, et servir jusqu'à la mort. C'est dans cet idéal de générosité et dans cette aspiration au vrai bien, spirituel et total, que Nous prions le Seigneur tout-puissant et miséricordieux de vous aider à poursuivre la tâche de longue haleine, que vous avez entreprise. À cette intention, et comme gage des faveurs célestes. Nous vous accordons à tous, ici présents, à vos familles, à tous ceux dont vous portez la pensée dans le cœur, Notre paternelle Bénédiction apostolique.
* Discours et messages-radio de S. S. Pie XII, XIX,
Dix-neuvième année de Pontificat, 2 mars 1957 - 1er mars 1958, pp. 141-143
Typographie Polyglotte Vaticane
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