CONSTITUTION APOSTOLIQUE
SPIRITUALI MILITUM CURAE
Avec une louable sollicitude, l’Église s’est toujours efforcée de pourvoir à l’assistance spirituelle des militaires, selon les diverses exigences.
Car ils constituent en fait un groupe social déterminé et, « à cause des conditions particulières de leur vie » [1], soit qu’ils fassent partie des forces armées volontairement et de manière stable, soit qu’ils y soient appelés par la loi pour un temps déterminé, ils ont besoin d’une forme concrète et spécifique d’assistance pastorale. Au cours des temps, la hiérarchie, et en particulier les Pontifes romains, à cause de leur devoir de service ou « diaconie » [2], ont pourvu à cette exigence, dans chaque cas, de la meilleure manière possible, par une juridiction qui correspondait davantage aux personnes et aux circonstances. Ainsi furent constituées peu à peu des structures ecclésiastiques en chaque nation, auxquelles on nommait un prélat muni des facultés nécessaires [3].
La S. Congrégation Consistoriale publia en la matière des normes sages par l’Instruction Sollemne semper, du 23 avril 1951 [4]. Mais maintenant on doit dire que le temps est venu de revoir ces normes, afin qu’elles aient une force et une efficacité plus grandes. À cela porte avant tout le Concile Vatican II, qui ouvrit la voie à la mise en œuvre d’initiatives pastorales de la manière la plus apte [5], et qui accorda une grande attention à l’intervention de l’Église dans le monde contemporain, y compris en ce qui concerne l’édification et la promotion de la paix dans le monde entier. Dans cette ligne, ceux qui accomplissent le service militaire doivent se considérer « comme des ministres de la sécurité et de la liberté des peuples », car lorsqu’ « ils accomplissent ce devoir de manière droite, ils concourent eux aussi véritablement à la stabilité de la paix » [6].
Cela est conseillé aussi par les grands changements qui se sont produits non seulement en ce qui concerne la profession et les conditions de la vie militaire, mais aussi quant à la signification que la société de notre temps donne communément à la nature et aux buts poursuivis par les forces armées dans la réalité de la vie humaine. À ce changement, enfin, a conduit la promulgation du nouveau Code de droit canonique qui, en fait, en ce qui concerne la pastorale des militaires, a laissé inchangées les normes jusqu’ici en vigueur [7] ; celles-ci sont cependant révisées aujourd’hui de manière opportune afin que, de leur structure équilibrée, découlent des fruits plus abondants.
Les normes de ce genre, en vérité, ne peuvent être identiques pour toutes les nations, car le nombre des catholiques engagés dans le service militaire n’est pas le même partout, que ce soit de manière absolue ou relative, et les circonstances sont très différentes selon les lieux.
Il est donc opportun que soient établies ici certaines normes générales, valables pour tous les Ordinariats militaires — appelés jusqu’ici Vicariats militaires —, et qu’elles soient ensuite complétées, dans le cadre de cette loi générale, par des statuts édictés par le Siège apostolique à l’intention de chaque Ordinariat.
Nous établissons donc les normes suivantes :
I. § 1. Les Ordinariats militaires, que l’on peut aussi appeler Ordinariats aux armées, et qui sont juridiquement assimilés aux diocèses, sont des circonscriptions ecclésiastiques particulières, régies par leurs statuts publiés par le Siège apostolique, dans lesquels seront précisées plus en détail les prescriptions de la présente Constitution, demeurant valides, là où elles existent, les conventions stipulées entre le Saint-Siège et les États [8] ;
§ 2. Là où les circonstances le demandent, les Conférences épiscopales intéressées ayant été entendues, de nouveaux Ordinariats militaires seront érigés par le Siège apostolique.
II. §1. À la tête de l’Ordinariat militaire est placé, comme Ordinaire propre, un Ordinaire qui est normalement revêtu de la dignité épiscopale, qui jouit de tous les droits et est tenu à toutes les obligations des évêques diocésains, à moins que cela n’apparaisse différemment par la nature des choses ou les statuts particuliers ;
§ 2. Le Souverain Pontife nomme librement l’Ordinaire militaire, ou bien institue ou confirme le candidat légitimement désigné [9] ;
§ 3. Pour qu’il puisse s’appliquer de toutes ses forces à cette mission pastorale particulière, l’Ordinaire militaire sera en principe libre de toutes autres fonctions qui comportent le soin des âmes, à moins que les exigences particulières d’une nation ne conseillent autre chose ;
§ 4. Entre l’Ordinariat militaire et les autres Églises particulières, il doit exister un lien étroit de communion et une coordination des forces dans l’action pastorale.
III. L’Ordinaire militaire fait partie de droit de la Conférence épiscopale de la nation où l’Ordinariat a son siège.
IV. La juridiction de l’Ordinaire militaire est :
1. Personnelle, de sorte qu’elle s’exerce sur les personnes qui appartiennent à l’Ordinariat, même si elles se trouvent parfois en dehors des frontières nationales ;
2. Ordinaire, tant au for interne qu’au for externe ;
3. Propre, mais cumulative avec la juridiction de l’évêque diocésain, car les personnes appartenant à l’Ordinariat continuent à être des fidèles de cette Église particulière dont ils sont une partie du peuple, en raison du domicile ou du rite.
V. Les camps et les lieux réservés d’abord et principalement aux militaires sont soumis à la juridiction de l’Ordinaire militaire ; cependant, d’une manière secondaire, ils sont soumis également à la juridiction de l’évêque diocésain chaque fois que font défaut l’Ordinaire militaire et ses aumôniers : en ce cas, l’évêque diocésain comme le curé agissent par droit propre.
VI. § 1. Outre ceux dont traitent les paragraphes 3 et 4 suivants, le presbyterium de l’Ordinariat aux armées est formé des prêtres, tant séculiers que religieux, qui, dotés des qualités nécessaires pour exercer avec profit ce ministère pastoral particulier, et munis du consentement de leur propre Ordinaire, exercent une fonction dans l’Ordinariat militaire ;
§ 2. Que les évêques diocésains ainsi que les supérieurs religieux compétents accordent à l’Ordinariat aux armées un nombre suffisant de prêtres et de diacres aptes à cette mission ;
§ 3. L’Ordinaire militaire peut, avec l’approbation du Saint-Siège, ériger un séminaire et admettre ses élèves aux ordres sacrés pour l’Ordinariat, une fois achevée leur formation spirituelle et pastorale spécifique ;
§ 4. D’autres clercs peuvent aussi être incardinés, selon les normes du droit, dans l’Ordinariat aux armées ;
§ 5. Que le Conseil presbytéral ait ses statuts, approuvés par l’Ordinaire, compte tenu des normes édictées par la Conférence épiscopale [10].
VII. Dans le cadre qui leur est assigné et à l’égard des personnes qui leur sont confiées, les prêtres qui sont nommés aumôniers dans l’Ordinariat jouissent des droits et sont tenus d’observer les devoirs des curés, à moins qu’il n’en résulte diversement de la nature des choses ou des statuts particuliers ; toutefois de manière cumulative avec le curé du lieu, aux termes de l’article IV.
VIII. Quant aux religieux et aux membres de sociétés de vie apostolique qui travaillent au service de l’Ordinariat, que l’Ordinaire veille avec soin à ce qu’ils demeurent fidèles à la vocation et à l’identité de leur Institut propre, et à ce qu’ils maintiennent des liens étroits avec leurs supérieurs.
IX. Puisque tous les fidèles doivent coopérer à l’édification du Corps du Christ [11], que l’Ordinaire et son presbyterium aient le souci que les fidèles, laïcs de l’Ordinariat, soit personnellement, soit en groupe, jouent leur rôle comme ferment apostolique et même missionnaire parmi les autres militaires avec qui ils vivent.
X. En plus de ceux qui sont déterminés dans les statuts, selon La norme de l’article premier, appartiennent à l’Ordinariat militaire et se trouvent sous sa juridiction :
1. Les fidèles qui sont militaires, ainsi que ceux qui sont adjoints aux forces armées, pourvu qu’ils y soient tenus en vertu des lois civiles ;
2. Ceux qui constituent leur famille, c’est-à-dire leur conjoint et leurs enfants, même ceux qui sont majeurs s’ils habitent sous le même toit, ainsi que les parents et les personnes de service qui, pareillement, habitent sous le même toit ;
3. Ceux qui fréquentent des écoles militaires ou résident dans les hôpitaux militaires, dans les maisons pour personnes âgées ou dans d’autres institutions semblables, et qui y exercent leur activité ;
4. Tous les fidèles, hommes et femmes, qu’ils soient membres ou non d’un Institut religieux, qui exercent de manière stable une fonction qui leur a été confiée par l’Ordinaire militaire ou avec son consentement.
XI. L’Ordinaire militaire dépend de la Congrégation pour les Évêques ou de la Congrégation pour l’Évangélisation des peuples et, selon les cas, traite les questions avec les dicastères compétents de la Curie romaine.
XII. Tous les cinq ans, l’Ordinaire militaire présentera au Saint-Siège un rapport sur la situation de l’Ordinariat, selon la formule prescrite. Pareillement, l’Ordinaire militaire est tenu aux obligations de la visite « ad limina », selon le droit [12].
XIII. Dans les statuts particuliers, en observant toujours, là où elles existent, les conventions passées entre le Saint-Siège et les nations, on précisera, entre autres choses :
1. En quel lieu sont situés l’église de l’Ordinaire aux armées et sa curie ;
2. S’il doit y avoir un ou plusieurs vicaires généraux et quels autres officiers de Curie doivent être nommés ;
3. Tout ce qui concerne la condition ecclésiastique de l’Ordinaire aux armées et des autres prêtres ou diacres, affectés à l’Ordinariat militaire, pendant l’exercice de leur fonction et au moment de sa cessation, ainsi que les prescriptions à observer en ce qui concerne leur situation militaire ;
4. Comment on doit pourvoir au siège en cas de vacance ou d’empêchement ;
5. Ce qu’il en est du Conseil pastoral, soit de l’Ordinariat tout entier, soit local, compte tenu des normes du Code de droit canonique ;
6. Quels livres on doit tenir concernant l’administration des sacrements et l’état des personnes, selon les lois universelles et les prescriptions de la Conférence épiscopale.
XIV. En ce qui concerne les causes judiciaires des fidèles de l’Ordinariat militaire, le tribunal compétent en première instance est celui du diocèse dans lequel la curie de l’Ordinariat militaire a son siège ; dans les statuts, on désignera de manière permanente quel est le tribunal d’appel. Si l’Ordinariat a son tribunal, les appels seront déférés au tribunal que l’Ordinaire aux armées, avec l’approbation du Siège apostolique, aura désigné de manière stable [13].
Ce que nous prescrivons par la présente Constitution entrera en vigueur le 21 juillet de la présente année. Les normes de droit particulier demeurent en vigueur dans la mesure où elles sont en accord avec cette Constitution apostolique, mais les statuts de chaque Ordinariat aux armées, rédigés selon la norme de l’article I, devront être soumis à la révision du Saint-Siège dans un délai d’un an à compter de cette même date.
Nous voulons que ces dispositions et normes soient valables et efficaces maintenant et dans l’avenir, nonobstant, si c’était nécessaire, les Constitutions et les Ordonnances apostoliques édictées par nos prédécesseurs, et toutes autres prescriptions, même dignes de mention particulière ou de dérogation.
Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 21 avril de l’année 1986, huitième de notre pontificat.
JEAN-PAUL II
[1] Concile Vatican II, Christus Dominus, 43.
[2] Cf. Concile Vatican II, Const. dogm. Lumen gentium, 24.
[3] Ces prélats étaient parfois constitués « comme (s’ils étaient) les vrais prélats et pasteurs à l’égard de leurs clercs séculiers »(Innocent X, Bref Cum sicut maiestatis, du 26 septembre 1645 : Bullarium romanum, Turin 1868, t. XV, p. 410).
[4] AAS 43 (1951), p. 562-565.
[5] Cf. Décret Presbyterorum ordinis, 10.
[6] Concile Vatican II, Const. pastor. Gaudium et spes, 79.
[9] Cf. CIC, can. 163 et 377 1.
[12] Cf. CIC can. 399 et 400 1 et 2 ; voir : S. Congr. Consistoriale, Décret de sacrorum lininum visitatione a Vicariis castrensibus peragenda, 28 février 1959 ; AAS 51(1959), p. 272-274.
[13] Cf. CIC, can. 1438, n. 2.
© Copyright 1986 - Libreria Editrice Vaticana
Copyright © Dicastero per la Comunicazione - Libreria Editrice Vaticana